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Heureux Qui Come Ulysse - Du Bellay

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orat en même temps que Ronsard, qui est un de ses amis de jeunesse. Sous l’impulsion de leur maître, les jeunes poètes du collège Coqueret découvrent et approfondissent la poésie antique sous toutes ses formes. Plus tard, ces jeunes poètes humanistes vont créer le groupe de la Pléiade, dont Du Bellay va rédiger le manifeste, qu’il intitule Défense et illustration de la langue française.

Du Bellay à Rome

Ce désir de rivaliser avec Rome se voit d’ailleurs dans le thème même du poème. En effet, Du Bellay écrit ce poème alors qu’il est à Rome. Il est d’une famille très noble, mais d’une branche pauvre de sa famille. Il suit donc son oncle, le cardinal Du Bellay à Rome. Le cardinal Du Bellay est en effet un ambassadeur du roi François Ier auprès du pape. Le poète Joachim Du Bellay lui sert de secrétaire. Il part donc à Rome entre 1555 et 1558. Parallèlement à ces activités, il écrit ses poèmes. Mais il est loin de la France et des autres poètes de la Pléiade, comme Ronsard. On trouve d’ailleurs dans les Regrets de nombreuses allusions à Ronsard. De plus Du Bellay regrette de ne pas trouver à Rome la Rome idéale qu’il a rêvée pendant ses études.

I - Un poème de l’exil : le regret du pays natal

a. Le poète voyageur : dimension autobiographique du poème

Le voyage d’Ulysse : un leitmotiv des Regrets

Ce sonnet s’ouvre sur deux vers qui présentent deux grands voyageurs de la mythologie grecque : Ulysse et Jason (celui qui a conquis la toison d’or). Ulysse est le héros de L’Odyssée d’Homère, tandis que Jason a participé à l’expédition des Argonautes, partis à la conquête de la toison d’or.

La comparaison avec Ulysse est très fréquente dans Les Regrets de Du Bellay. C’est presque une forme de refrain ou de leitmotiv dans l’œuvre. C’est important parce que Du Bellay se sert de la symbolique de L’Odyssée pour décrire son voyage de plusieurs années à Rome. Il va ainsi décrire les pièges qu’il a rencontrés en parlant des sirènes, etc. Il y a dans Les Regrets une comparaison fondamentale qui revient sous forme de leitmotiv : celle du voyage d’Ulysse, qui entraîne avec elle une série d’images évoquant la navigation et la tempête.

On voit bien ici l’influence du mouvement humaniste : pour créer et pour écrire, Du Bellay s’appuie sur l’imitation des anciens. Il souhaite rivaliser avec la littérature antique dont il a été nourri durant ses études humanistes. On ne s’étonnera donc pas de voir Du Bellay prendre la suite d’Homère, grand auteur antique qu’il a lu et relu dans sa jeunesse, et avoir recours aux coordonnées de la symbolique odysséenne pour situer son propre destin. Mais comparant son destin avec celui d’Ulysse, Du Bellay se voit dépourvu des complicités surnaturelles qui ont permis au héros de franchir les obstacles. Ulysse en effet était aidé par Athéna. Du Bellay, seul, se lamente et déplore son destin qu’il juge plus difficile encore que celui du voyageur mythique Ulysse.

Le contexte autobiographique du voyage à Rome

A travers ces allusions à Ulysse, on doit donc voir aussi une façon humaniste de parler de sa vie. De plus, la ville de Rome, antique et moderne, est essentielle pour tout humaniste de la Renaissance. Il y a dans ce poème une dimension personnelle, et presque autobiographique. Du Bellay parle de ses sentiments personnels. Ces références autobiographiques sont nombreuses dans l’œuvre : groupements thématiques pour travailler Les Regrets de Du Bellay. D’ailleurs, le tout premier sonnet du recueil (Heureux qui comme Ulysse est le sonnet 31) joue le rôle d’un pacte de sincérité ou d’un pacte autobiographique.

Un pacte autobiographique ?

Ce jeu de la sincérité, on le trouve en effet dans le premier sonnet de Du Bellay dont voici les deux derniers tercets :

« Je me plains à mes vers si j’ai quelque regret,

Je me ris avec eux, je leur dis mon secret,

Comme étant de mon cœur les plus sûrs secrétaires.

Aussi ne veux-je tant les peigner et friser,

Et de plus braves noms ne les veux déguiser

Que de papiers journaux ou bien de commentaires. »

Que sa plume soit élégiaque (« je me plains ») ou satirique (« je me ris »), elle ne fera que consigner directement sur le papier l’expérience vécue. On est aux antipodes des grandes envolées lyriques : ce ne seront que de simples notations, au jour le jour (moins des sonnets que des « papiers journaux ») et ses opinions personnelles (il les nomme « commentaires ») seront dénuées de toute autorité. On est bien dans un pacte autobiographique que nous retrouvons ici.

Les Regrets de Du Bellay semblent de prime abord issus directement des réactions personnelles de la sensibilité du poète devant une expérience douloureuse. Après s’être fait le champion des théories de l’imitation des modèles dans le manifeste pour la littérature française qu’il a rédigé avec les autres poètes de la Pléiade (La Défense et illustration de la langue française), Du Bellay déclare dans un des premiers sonnets : « j’écris naïvement tout ce qu’au cœur me touche ». L’imitation et les souvenirs littéraires tiennent pourtant une grande place dans Les Regrets. La création poétique ne peut se réduire à la transcription fidèle d’une émotion, d’une impression ou d’une observation personnelle. Du Bellay reste toujours un artiste, qui stylise l’impression pour la plier aux exigences d’une forme savante et complexe : le sonnet. En même temps, il l’élargit et l’universalise en la rattachant aux mythes, aux images et aux lieux communs fournis par la tradition littéraire.

b. Voyage et exil : les procédés de la nostalgie

Cet éloignement de la France, subi par Du Bellay, va provoquer la nostalgie, cet état de dépérissement et de langueur causé par le regret obsédant du pays natal, du lieu où l’on a longtemps vécu.

Le lexique affectif

On trouve dans le sonnet tout un lexique affectif qui montre justement le regret du pays natal, que Du Bellay chérit tant. On peut relever : « heureux » vers 1, « plait », vers 9 et 11. Il y a aussi les adjectifs qui marquent la proximité : « petit village », vers 5 et « petit Liré » vers 13. Bien sûr l’adjectif « petit » marque la modestie de son village, mais il marque aussi l’attachement et la proximité de Du Bellay avec son pays natal. « Petit » est ici un adjectif mélioratif.

Ces termes sont associés à deux types de figures de style : les comparaisons et les oppositions.

Les comparaisons

Le choix de la comparaison, qui est systématique dans tout le poème, est essentiel. En effet, la comparaison, positive ou négative, met à distance : elle traite le monde comme une simple référence, un réservoir d’analogies. Les comparaisons sont nombreuses dans le texte. Elles commencent dès le 1er quatrain : « comme Ulysse » vers 1 et « comme celui-là) vers 2. Mais elles abondent aussi dans les tercets : l’expression « plus... que » qui introduit une comparaison de supériorité est présente aux vers 9, 11, 12, 13. Par ces comparaisons, Du Bellay introduit dans son poème un système binaire, un balancement.

Les antithèses

Les oppositions sont également récurrentes dans le texte. On a d’abord une opposition entre les quatrains et les tercets, qui ne sont pas construit sur la même structure syntaxique. Mais ensuite, dans les tercets, on retrouve beaucoup d’oppositions et d’antithèses : « gaulois » et « latin » vers 12, « dur » et « fine » vers 11, « marbre » et « ardoise » vers 11.

On peut remarquer ici que Du Bellay préfère la fragilité de son petit village à la durabilité de Rome. C’est surprenant, car le marbre est une pierre de taille de bien plus grande valeur que l’ardoise, et Rome, la ville latine, est bien plus renommée que l’obscur village gaulois d’où est issu Du Bellay. Par ce jeu des oppositions et des antithèses, Du Bellay renverse en fait les attentes du lecteur (attentes qui étaient d’ailleurs les siennes avant d’arriver à Rome et d’être déçu par ce qu’il a découvert).

Dans ce jeu des oppositions, on peut aussi expliquer « l’air marin » du dernier vers. « L’air marin » qualifie Rome car la ville est proche de la mer. Mais cette expression rappelle aussi Ulysse et Jason dont les voyages étaient maritimes. En fait, ici, Du Bellay affirme sa lassitude des voyages. En plus de la signification géographique (Rome est proche de la mer), il y a aussi une signification symbolique : Du Bellay préfère son pays natal, et ne veut plus des choses prétentieuses qu’il a trouvées à Rome. Son petit village, avec sa modestie, lui paraît préférable.

Qu’est-ce qui nous permet donc de parler ici de « nostalgie » ? Si être nostalgique, c’est être coupé en deux, entre le passé regretté, valorisé, et le présent douloureux et détesté, on voit bien que les comparaisons et les antithèses, qui sont des figures binaires, montrent cette nostalgie.

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