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L'Esprit Du Code Civil

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n est une conquête... On est emporté par le besoin de rompre toutes les habitudes, d’affaiblir tous les liens, d’écarter tous les mécontents... Tout devient droit public. »[1] ; et force est de constater que cette citation prend tout son sens lorsque l’on s’arrête quelques temps pour regarder le long chemin qui a aboutit à l’élaboration du Code civil de 1804. En effet, cet ouvrage, qui fêtera bientôt son bicentenaire, est le fruit de travaux longs et chaotiques. Le coup d’état du 9 novembre 1799, qui porte Napoléon Bonaparte au pouvoir marque en même temps la fin d’une des décennies les plus mouvementées qu’à connue la France. En l’espace de vingt ans, la France connaît successivement plusieurs régimes : royauté absolue, monarchie constitutionnelle (1789), Convention (1792), Directoire (1795), Consulat (1799) et Empire (1804).

L’instabilité politique de la période révolutionnaire s’accompagne d’une grande insécurité juridique : le droit ancien est abrogé, sans être remplacé par un droit nouveau. La volonté d’uniformiser le droit et de le réduire à la loi avait été exprimée au lendemain de la Révolution. Dans un projet de loi d’avril 1790, rédigé par Sieyes et présenté à l’Assemblée Constituante, il avait été proposé de « donner aux Français un nouveau Code uniforme de législation et une nouvelle procédure, réduits, l’un et l’autre, à leur plus parfaite simplicité »[2]. Mais une réforme radicale du droit civil risquait d’ébranler les fondements déjà instables de la société de l’époque. C’est pourquoi il a été considéré comme plus sage de reporter cette grande refonte du droit civil à plus tard, lorsque les esprits y seraient mieux préparés.

En 1792, après le renversement de la monarchie et la proclamation de la République, la nouvelle Assemblée confia à son Comité de législation, présidé par Cambacérès, le soin de rédiger un projet de code. Trois projets successifs furent élaborés par ce dernier, mais sans succès. Le premier, qui vit le jour en 1793, composé d’environ 700 articles, fut jugé trop long, trop compliqué et trop juridique. Le deuxième projet fut présenté l’année suivante : il ne comprenait plus que 300 articles. Il fut refusé, bien qu’à travers ce travail, Cambacérès répondait à l’idéal révolutionnaire : construire une société sans droit ou, plus précisément, réduire le droit à une série de grands principes, de préceptes qui guideraient les hommes dans leur vie. Le troisième projet, en 1796 n’aboutit pas non plus, mais il inspira beaucoup la codification napoléonienne. Ces trois échecs ne sont pas de la seule responsabilité de Cambacérès. En effet, la succession des différents régimes politiques, la crise d’identité que connaissaient les juristes, la crainte d’une réforme trop radicale du droit civil, droit régissant les rapports entre particuliers, et donc droit éminemment politisé, social ; sont aussi à l’origine du rejet de ces trois projets. Portalis parlait même, en août 1797, de renoncer à la « dangereuse ambition de faire un nouveau code civil »[3]. Le projet Jacqueminot, établi sous le consulat provisoire, qui présentait une esquisse de code civil fût dès lors, lui aussi, rejeté.

Dès le début de son règne, Bonaparte pris l’initiative de la rédaction d’un avant projet de code civil et constitua une commission de quatre juristes qui n’étaient ni des théoriciens, ni des philosophes du droit, mais d’abord et avant tout, des praticiens, avocats ou magistrats. Deux d’entre eux, étaient originaires des pays de droit coutumier : François Tronchet et Félix Bigot de Préameneu. Les deux autres, Jean Portalis et Jacques de Maleville étaient issus d’une région de droit écrit. Une telle composition était dictée par l’objectif poursuivi : légiférer en essayant de concilier droit romain et tradition coutumière, sans rejeter pour autant les acquis de la Révolution. Dans son discours préliminaire, Portalis a précisé quelle avait été la démarche adoptée : « Nous avons fait, s’il est permis de s’exprimer ainsi, une transaction entre le droit écrit et les coutumes, toutes les fois qu’il nous a été possible de concilier leurs dispositions ou de les modifier les unes par les autres sans rompre l’unité du système et sans choquer l’esprit général... »[4]. Napoléon lui-même présida de nombreuses séances. Les historiens reconnaissent la part importante qu’il a pris dans la réalisation de cette oeuvre législative destinée à servir sa politique de consolidation de l’autorité de l’Etat et de consécration de certains des principes révolutionnaires. Le code civil était un moyen pour lui de modeler la société par les lois, de consolider un nouvel ordre social.

Après un échec qui l’obligea à modifier la composition du Corps législatif, Bonaparte parvint à faire adopter le projet de code, en trente six lois successives correspondant aux trente six titres du nouveau Code, qui fut promulgué par la loi du 21 mars 1804. Le processus d’élaboration du code civil fut donc plus long que prévu, et le texte final était le plus long et le moins révolutionnaire de tous ceux qui avaient été proposés. Mais l’objectif que s’était fixé Bonarparte était atteint. Il ne faut pas oublier qu’à travers son code civil, Napoléon a voulu unifier juridiquement la France. Ainsi, la loi tenait un rôle premier dans cette volonté d’uniformisation du droit : une seule loi applicable à tous sur tout le territoire. Grâce à la loi, le droit devenait un système complet et structuré. Cette dernière, dans le système de Bonaparte, devait avoir un double rôle. D’une part, elle devait limiter le pouvoir du juge. En effet, les anciennes grandes juridictions (Parlements) jouissaient, jusqu’à la Révolution, de pouvoirs très étendus dans l’application et dans la création du droit (par la pratique des arrêts de règlement). C’est pourquoi, il s’était développé une véritable méfiance à l’égard des juges, et la loi, conformément au principe affirmé de la séparation des pouvoirs, est venue limiter considérablement leurs compétences. D’autre part, la loi était vue comme un instrument de la cohérence du droit, vu comme un système. Le code devait constituer un ensemble dont les règles devaient s’articuler logiquement les unes par rapport aux autres.

Les différentes écoles d’interprétation du code civil illustrent l’évolution de l’opinion des juristes quant à la valeur de ce corps de loi et quant à la place même de la loi au sein du droit. Lors de sa promulgation, et quelques temps après, le code civil était perçu comme un outil quasiment parfait. Ainsi, l’école de l’Exegèse donnait le premier rôle à la loi. Elle prônait une lecture à la lettre des textes du code civil et le retour aux travaux préparatoires en cas de difficultés. Puis l’engouement a laissé place à la critique et aux réserves. L’école scientifique a fait son apparition, en énonçant que les textes devaient être interprétés en fonction de ce que le législateur aurait décidé s’il avait eu à se prononcer au moment où la question était soulevée. Ces deux écoles illustrent les conceptions différentes, voire opposées, que le code civil a entraîné. Pour certains, il était une oeuvre presque parfaite, alors que pour d’autres, il ne représentait qu’un outil incommode. Cependant, une seule vérité a toujours été admise par tous les juristes de l’époque de la codification, et même des décennies qui suivirent : le code civil est une oeuvre de compromis. Ainsi, Albisson disait du code civil qu’il était : « la plus grande, la plus utile, la plus solennelle transaction dont aucune nation ait jamais donné le spectacle à la terre »[5]. Il est vrai que cet ouvrage réalise la transaction tant souhaitée par Bonarparte entre le droit écrit et le droit coutumier, qui divisaient le pays jusqu’alors. Dotée d’une législation unique et unifiée, la France ne pouvait que reprendre la force et l’unité qu’elle avait perdu du fait de la Révolution. C’est pour cette raison que ce travail, bien qu’il fût long et fastidieux, était utile, voire indispensable. Portalis lui-même a décrit quelles étaient les principales caractéristiques du code civil selon lui. Tout d’abord, il met l’accent sur la modération : « l’esprit de modération est le véritable esprit du législateur et le bien politique, comme le bien moral, se trouve toujours entre les deux limites. »[6]. Ensuite, il expose le fait que le code civil tienne compte d’un certain réalisme politique. Il est pour le progrès : « tout ce qui est ancien a été nouveau »[7]. Enfin, il s’appuie sur la place du temps dans la création du droit, temps qui selon lui est essentiel : « l’essentiel est d’inspirer aux institutions nouvelles le caractère de permanence et de stabilité qui puisse leur garantir le droit de devenir anciennes »[8].

Le principal travail des codificateurs fût de trouver un compromis entre les règles écrites et coutumières. Ainsi, par exemple, on peut retrouver une forte inspiration romaine en matière de dévolution ab intestat des successions. Le droit canonique a laissé aussi sa marque au travers des régimes matrimoniaux. De la coutume de Paris et du droit coutumier, les rédacteurs du code civil ont retenu la conception de la puissance paternelle et maritale, la technique du régime de communauté des époux, certaines dispositions relatives aux servitudes... Au travers de ces différentes influences des divers droits, ont peut retrouver l’esprit des codificateurs propre aux différents titres du code. Ainsi, le code civil, au travers

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