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La souveraineté nationale appartient au peuple français

Commentaire de texte : La souveraineté nationale appartient au peuple français. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  7 Mars 2016  •  Commentaire de texte  •  2 336 Mots (10 Pages)  •  1 076 Vues

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        Commentaire : F. ROUVILLOIS, « Construction d’une énigme : « La souveraineté nationale appartient au peuple français », in D. MAILLARD DESGREES DU LOU (dir.), Les évolutions de la souveraineté, Montchrestien, 2006, pp. 63-67 : Réflexion sur le caractère « illogique » de la formulation de l’article 3 de la Constitution.

        L'élargissement de la démocratie politique dans l'histoire constitutionnelle de la France est certes fragile, mais réel. Cette démocratie suppose une condition sine qua non : la souveraineté. La souveraineté a en effet trois significations : elle est caractérisée par son indépendance "Souveranitat", ses compétences "Gewalt", et par l'autorité de son titulaire "Hershaft".
   
En effet, la notion de souveraineté n'est pas récente, elle apparaît bien avant la Révolution française, depuis les monarchomaques[1] du XVème siècle jusqu'aux penseurs et philosophes des Lumières du XVIIIème siècle.
   La souveraineté a été définie par Jean Bodin (1530-1596) dans son traité "Les Six livres de La République" comme un attribut essentiel de l'État : "La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d'une République." Il va ainsi fixer les attributs de la souveraineté. Mais son principal apport, un apport dangereux, consiste à associer souveraineté et République (ou État), expliquant ainsi que la souveraineté donne sa puissance à la République. Le risque devient grand, alors que l’État se proclame le souverain ou que le souverain s’identifie à l’État.
C’est très vite ce qu’il va se passer : les juristes ne tarderont pas à parler d’État souverain et de son côté le Roi proclamera : « L’État, c’est moi » (formule apocryphe de Louis XIV).
  Ainsi, aucun pouvoir n'est supérieur à la puissance souveraine qui ne peut être anéantie, mais elle n'est pas sans limite puisqu’elle s'exerce sur le domaine public et non privé.
        En 1789, les révolutionnaires voulant distinguer l'Etat du roi élaborent alors un nouveau fondement à la souveraineté et c’est à partir de là que deux notions vont s’opposer : la souveraineté nationale et la souveraineté populaire.
   Dans le texte soumis à notre étude extrait de « Construction d’une énigme : « La souveraineté nationale appartient au peuple français » »  in 
Les évolutions de la souveraineté publié en 2006, Frédéric Rouvillois (1964-) professeur de droit public à l’université Paris Descartes, oppose ces deux notions et semble rejoindre la thèse de Rousseau selon laquelle « le peuple est le seul détenteur légitime de la souveraineté ».
 Il définit tout d’abord la souveraineté nationale avant de critiquer sa supposée « volonté nationale » qui n’est en fait que celle d’une majorité de la population. Il érige ensuite la souveraineté populaire comme l’alternative la plus juste à la souveraineté nationale dans la mesure où, comme son nom l’indique, la souveraineté populaire réside à même les mains du peuple et non dans « la volonté abstraite d’une personne-Nation ».
        Quelles spécificités de la souveraineté nationale ont engendré sa dénonciation et sa remise en question ? Quel type de souveraineté faudrait-il alors lui substituer pour instituer un système plus juste et rationnel ?
        Dans cet extrait, Frédéric Rouvillois débute sa critique par la définition de la souveraineté nationale et de son caractère abstrait et illusoire (I). Perçue comme une conception inexacte et contrefaite, il pose la souveraineté populaire comme correction à la souveraineté nationale (II).


I] La souveraineté nationale comme notion abstraite et illusoire

        Le principe de souveraineté nationale figure explicitement dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en son article 3: « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ».
  Cependant la légitimité de son essence, la nation, est sujette à beaucoup de contestations.

A) Le concept de souveraineté nationale

        Avant de critiquer toute chose, il faut commencer par la définir. C’est ce que fait Frédéric Rouvillois au début de cet extrait où il explique et précise la notion de souveraineté nationale : « Dans cette thèse [de la souveraineté nationale], la nation, être abstrait et réel, dispose d’une volonté propre, différente, de celle de ses membres, que ses représentants ont pour tâche d’exprimer ».
  On comprend dès lors que la souveraineté appartient à la nation considérée comme une entité collective abstraite, unique, indivisible et  distincte des individus vivants ou morts qui la composent.
La nation ne se limite pas aux seuls citoyens vivants, mais inclut les citoyens passés et futurs. De ce fait, elle est supérieure à la somme des individus qui la composent.
 La souveraineté nationale, ne pouvant gouverner directement, implique un régime représentatif : les représentants de la nation sont titulaires d’un mandat représentatif et œuvrent dans l’intérêt de la nation toute entière : ses représentants « ont pour tâche d’exprimer » sa volonté.

   
Il apparaît donc que la seule conséquence tangible du régime de souveraineté nationale est la nécessité d’une représentation. La nation, personne morale indivisible, ne saurait par elle-même exprimer une quelconque volonté : ceci rend nécessaire la présence d’instances de représentation pour en exprimer la volonté. Le Parlement possède alors comme mission explicite d’exprimer cette volonté de la nation, ce qu’il fait en créant la loi, en la votant, et seul, il dispose de ce pouvoir.
   Cela signifie concrètement que, par exemple, si un territoire veut se séparer de la Nation (en fait de l’Etat), il ne suffit pas que les habitants de ce territoire se prononcent pour la séparation, la séparation ne peut résulter que d’une décision du parlement « national » (éventuellement ratifiée par un référendum national). C’est ainsi que, du point de vue du droit français, l’indépendance de l’Algérie résulte non du référendum par lequel le peuple algérien s’est prononcé pour l’indépendance (qui ne peut avoir qu’un caractère consultatif) mais d’une décision des représentants de la Nation française.
        Dans l’exercice d’un tel type de souveraineté, l’électorat n’a qu’un but : il vise à permettre la désignation des représentants ; le vote n’est donc pas un droit, mais une fonction qui doit être confiée aux citoyens les plus « éclairés ». On parle alors d’ «électorat-fonction ».
Michel Troper précise cette idée dans son ouvrage
Droit constitutionnel (§2. ; A, 2.,203.) : « Elle [la souveraineté nationale] ne doit pas d’ailleurs être confiée à tous ». La nation en tant que telle est muette. Troper ajoute : « Elle ne peut vouloir que par ses représentants ».

        La Souveraineté nationale est un régime dans lequel les organes supérieurs de l'Etat ne tiennent pas leur pouvoirs d'un droit propre, mais l'exercent en qualité de représentant, impliquant deux conditions: le mandat représentatif et l'électorat fonction.
 Cependant, Rouvillois ne soutient pas cette conception de la souveraineté qu’il juge malhonnête.

        B) La souveraineté nationale : un concept trompeur

        Après avoir défini la souveraineté nationale, Rouvillois critique l’illusion de la volonté nationale : « La prétendue volonté nationale n’est jamais que la volonté d’une majorité. »  
  Il n’y a pas de volonté unie de la « nation » : la volonté nationale n’est rien d’autre que la volonté d’une majorité d’individus et non celle de la « nation » en elle-même. Frédéric Rouvillois rejoint ici une thèse déjà évoquée au 19
ème siècle par Alexis de Tocqueville[2]: la tyrannie de la majorité.
  En effet, chacun sait qu’à défaut d’être en mesure d’atteindre en toutes circonstances l’unanimité, un régime (démocratique) fonctionne selon la règle de la majorité. D’après cette règle, la majorité peut imposer ses décisions à la minorité dans la mesure où elle est censée représenter la volonté « du plus grand nombre ». Mais si elle agit comme si la minorité n’existait pas, qu’elle en ignore absolument les intérêts et les avis, pire, qu’elle l’opprime, on est en présence d’une tyrannie curieusement exercée au nom de la démocratie. La tyrannie de la majorité est donc cette capacité qu’a la majorité, dans les sociétés démocratiques à imposer ses idées et ses façons de vivre à un individu qui renonce à exercer son autonomie.
 C’est ce que souligne dans un deuxième temps Rouvillois : «Si le peuple est consulté, il se forme une majorité et la volonté des citoyens composant cette majorité et point autre chose. »
 Ainsi, seul l’avis de cette majorité sera pris en compte, tandis que celui des minorités sera négligé voire volontairement effacé. Les minorités voient ainsi leur opinion fauchée par celle de la majorité qui ressortira finalement comme « l’avis général ».

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