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Le Désir Peut-Il Se Satisfaire De La Réalité ?

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n : à peine né, il veut se supprimer et vise son contraire, l'abondance, opposée au manque qui le génère. Il veut se dépasser, se transcender, et n'est jamais satisfait de ce qu'il est. Il est toujours en mouvement vers son opposé et renaît ainsi, sans cesse, de façon cyclique. Il ne lui suffit pas en outre d'avoir été satisfait une fois dans le passé, ou de l'être à présent : il veut l'être à l'avenir, de façon durable. C'est d'abord une question de temps.

Le bonheur réside dans la satisfaction perpétuelle, non ponctuelle du désir insiste Platon. Ce que l'on veut, ce n'est pas seulement être heureux. C'est l'être toujours. C'est à l'éternité que nous aspirons en réalité nous dit le philosophe. Étant mortels et éphémères, nous en sommes naturellement privés. C'est donc notre manque essentiel et c'est elle que nous visons au travers de chacun de nos actes, décisions ou souhaits. Ce désir peut-il être satisfait ? Les mortels peuvent-ils connaître ce bien immortel ? Ou doivent-ils en faire leur deuil ? Le désir d'éternité n'est pas une chimère répond Platon, car il existe un monde intelligible au-delà du monde sensible. Les idées et les formes mathématiques qui structurent selon lui le sensible, ne sont pas éphémères et changeantes comme les choses dont elles sont les modèles éternels et immuables. Elles existent en elles-mêmes, indépendamment des objets qui n'en sont que des reflets, des copies, des images projetées. Le paradoxe veut donc qu'il n'existe pas un, mais deux mondes selon notre auteur, et que la réalité ne soit pas là où on l'imagine. Le monde sensible est celui des apparences, des copies multiples et changeantes naissantes comme des ombres par projection ; le monde intelligible est celui des essences, des idées et des formes mathématiques qui constituent la vraie réalité, l'original dont l'autre n'est qu'une copie.

Ce dédoublement du réel n'offre finalement pas un, mais deux objets au désir en plaçant celui-ci à la croisée des chemins, devant un choix. Se tournera-t-il vers le sensible ou l'intelligible ? Désire-t-on savoir, ou jouir ? Veut-on penser ou dépenser, consommer, ou réfléchir ? La réponse de Platon est sans appel : la réalité sensible laissera toujours le désir insatisfait, car les choses sont éphémères, tandis qu'il renaît sans cesse. Elles sont les copies d'un unique original qu'il poursuit à travers elle, mais qu'il ne trouvera jamais parce qu'il n'est pas de ce monde. Le désir ne peut avoir de satisfaction durable que s'il se détourne du monde des choses, pour se tourner vers celui des idées, car ce sont les seules réalités éternelles et vraies, correspondant à ce qu'il cherche. La philosophie est cette conversion du désir, qui se détourne du sensible pour se tourner vers l'intelligible en ne prenant plus pour objet les choses, mais la vérité. Son incapacité à se satisfaire du monde sensible doit lui en faire découvrir une autre, purement intelligible, qui satisfera son désir d'éternité. Platon donne enfin à son analyse une signification politique en opposant la figure du tyran, guidé par ses passions et ses fantasmes, à celle du philosophe, que guident la raison et les idées. Tandis que le premier veut plier la réalité à ses désirs, que le monde devrait prendre pour modèle, le second veut au contraire que son désir soit informé du réel, pour en faire son modèle et se conformer à lui. Le désir du tyran inverse le rapport de l'image à la chose et devient un fantasme, alors que celui du philosophe produit un idéal en prenant l'idée pour objet.

On aurait donc tort de croire selon Platon que le désir ne puisse se satisfaire de la réalité. Si on le pense, c'est parce que l'on ne sait pas ce qu'est le réel. Le monde sensible ne nous suffit pas, parce que ce n'est pas la vraie réalité. Elle est intelligible, située au-delà, et se suffit à elle-même comme à celui qui la découvre, car c'est la vérité même. C'est elle qu'il faut désirer pour vivre bien. Cette élévation infinie du désir ne produit-elle pas cependant un nouveau fantasme au lieu de nous en guérir ? N'est-elle pas une fuite du réel ? Faut-il attendre de quitter le monde et le sensible pour vivre heureux ? Ne peut-on pas se satisfaire de la réalité qui nous est donnée ici-bas en y trouvant son bonheur ? La sagesse n'est-elle pas de s'en contenter ?

II. Le désir doit se limiter au strict nécessaire

Le réel et la nature suffisent à satisfaire nos désirs selon Épicure. Mais on ne peut vivre heureux ici-bas qu'en sachant les limiter : la maîtrise des désirs est l'un des quatre éléments du bien vivre nous dit-il. Il en dresse une classification dans sa Lettre à Ménécée, pour expliquer que le bonheur et le plaisir dépendent de la façon dont on les satisfait, non de la nature des biens que l'on possède. À l'origine, tous nos désirs sont naturels : ils permettent aux individus de se conserver, de se restaurer, en compensant les inévitables pertes de matières dues aux mouvements de leurs corps. Ce sont les instruments de notre conservation. Le désir nous est donc conaturel. C'est un principe d'équilibre et d'entretien associé au fonctionnement normal de l'organisme.

Épicure en distingue deux sortes : les désirs nécessaires sont ceux dont la frustration entraîne la mort. Il faut les satisfaire pour vivre, tels que la faim, la soif. Ceux dont la frustration n'est pas mortelle sont en revanche simplement naturels, ou non nécessaires. On peut vivre sans les satisfaire, comme la sexualité, ou l'amour de l'art. Le but du philosophe établissant cette classification des désirs est de montrer que la souffrance des hommes vient de leur méconnaissance de la vraie nature du plaisir, plutôt que d'une prétendue insatisfaction. La plupart prennent en effet le plaisir pour un état, une grandeur qualifiable, extensive, susceptible d'augmenter ou de diminuer, alors qu'il s'agit d'un signe et d'une limite, sans grandeur ni épaisseur, entre deux états également pénibles produits par le manque ou l'excès. Il est vrai que la non-satisfaction de l'un de nos désirs naturels nous est naturellement pénible. La grandeur de cette souffrance est directement proportionnelle à celle du manque et combler ce dernier diminue progressivement la première, jusqu'à l'éliminer.

Le plaisir vient de la suppression de la douleur, coïncidant avec la satisfaction du désir. On peut le définir négativement comme la fin de la souffrance, ou positivement comme le début du bonheur. Fin ou début, ce n'est dans les deux cas pas une grandeur, mais une limite. C'est le signal que le corps nous adresse pour signifier que ses besoins sont satisfaits. L'erreur que l'on commet généralement est de croire qu'il puisse s'augmenter, alors que l'on ne peut que le faire varier poursuit Épicure. Que fera-t-on en effet après l'avoir satisfait ? Désirera-t-on plus, pour jouir encore ? Désirera-t-on goûter un plaisir infini ? Dépassera-t-on les bornes sans se soucier de rien ? La réponse du philosophe a la forme d'un avertissement : laisser libre cours au désir, tandis que le manque est comblé et que la douleur a cessé, ne donne pas plus de plaisir. Cela replonge au contraire le sujet dans la souffrance : c'est ainsi que l'on passe de la faim à l'indigestion, la seule différence étant que la douleur n'est plus causée par l'excès, mais par le défaut. Il faut admettre avec Épicure que le plaisir ne s'ajoute pas au plaisir, comme s'additionnent les choses qui le produisent : multiplier les quantités ne démultiplie pas la qualité, mais en altère la nature. Il ne faut pas chercher à l'augmenter, mais s'en tenir à le faire varier. C'est la limite naturelle du désir, qui coïncide avec le besoin tant qu'il s'y tient, et se transforme en passion s'il la dépasse. Être passionné consiste à désirer plus qu'il est besoin.

Épicure définit la passion comme un désir vain : n'ayant plus pour but de combler un manque ou de supprimer une souffrance, il est sans objet, fin ni raison, et n'apporte aucun plaisir. Ces passions ne forment pas une nouvelle catégorie de désirs : ce sont les désirs naturels, auxquels on a ôté leurs limites. On voit qu'il est donc possible de se satisfaire de la réalité. Les hommes ont tout pour vivre heureux selon Épicure. La nature, qui est à l'origine du désir, nous a donné le moyen de les satisfaire. Il faut seulement apprendre à se suffire du nécessaire et le sage est celui qui a compris que la finitude, la limitation, n'est pas une entrave au bonheur, mais est la condition de possibilité du plaisir. Cela vaut pour la vie entière. C'est parce qu'elle est finie, limitée dans le temps, qu'elle peut être agréable, si bien qu'il est absurde de désirer l'immortalité. Philosopher consiste alors à chercher le plaisir ici-bas, dans l'immanence, plutôt que la vérité dans l'au-delà. Nos désirs impossibles ne seraient-ils donc que des erreurs de jugement ? Ne faut-il pas porter sur eux un regard de clinicien, plutôt que de logicien ? La frustration ne nous en dit-elle pas plus sur le sujet et le désir que sa satisfaction ? Sont-elles vraiment opposées ?

III. Le désir doit être sublimé

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