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Critique Du Livre Gandhi De ClauDe Markovits

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up plus innovante puisqu’il s’intéresse à la deuxième vie de Gandhi c’est à dire aux représentations qu’il a laissées à sa mort et aux images de Gandhi qui perdurent aujourd’hui. Il confronte ainsi dans deux parties distinctes la pensée et les actes effectifs de Gandhi tels qu’ils peuvent être connus de l’historien et les représentations de Gandhi dans le monde et en Inde, parfois complètement décalées par rapport à la réalité historique connue.

Claude Markovits, spécialiste d’histoire moderne de l’Inde, est agrégé d’histoire et directeur de recherche au CNRS. Le parti pris de traiter Gandhi à travers ses actes, ses pensées mais aussi à travers ses représentations semble pertinent. Le cours d’histoire des courants politiques a insisté sur la nécessité pour analyser un courant politique de s’intéresser à l’idéologie mais aussi aux représentations qui y sont associés. Dès lors la démarche de l’auteur apparaissait pertinente pour analyser la trajectoire de cette grande figure du XXe siècle qu’est Gandhi. Nous nous baserons donc sur cette biographie pour analyser la trajectoire de Gandhi. L’objectif premier reste l’étude du rôle politique de Gandhi. L’analyse et la critique de l’ouvrage seront simplement un moyen et un prétexte pour étudier la trajectoire de Gandhi.

Précisons ce que l’on entend par « rôle politique de Gandhi ». Il s’agit de s’intéresser au rôle qu’a joué Gandhi en Afrique du Sud et en Inde. La question consiste à savoir quelle influence il a pu exercer, comment il a exercé cette influence et quel est l’ensemble d’idées ou l’idéologie qui a sous-tendu son action politique. Nous prendrons le terme « politique » au sens large c'est-à-dire le fait d’intervenir dans la sphère publique. Il s’agit aussi d’expliquer l’origine de la pluralité des représentations associée à la figure du Mahatma et de repérer les enjeux qu’elles soulèvent.

Dans les deux premières parties, nous expliquerons et commenterons la vision que l’auteur porte sur Gandhi. Nous analyserons d’abord le rôle qu’a joué Gandhi dans l’histoire du XXe siècle puis nous nous focaliserons sur les nombreuses perceptions associées à sa personne. Enfin, dans une troisième partie nous proposerons une critique de l’ouvrage dans sa globalité et nous nous intéresserons aux nombreux enjeux et interrogations qu’il soulève concernant Gandhi que ce soit en termes d’action publique ou d’idéologie.

I Le rôle politique de Gandhi en tant qu’acteur de l’Histoire

Avant de s’intéresser aux images véhiculées par Gandhi, arrêtons-nous sur le rôle politique qu’a joué Gandhi, ou en tout cas ce que les historiens savent de son itinéraire politique. Les interprétations proposées par C. Markovits sont une des interprétations possibles, elles sont dès lors soumises à commentaires et à critiques. Nous verrons tout d’abord comment Gandhi devient un leader politique puis nous étudierons son rôle dans l’indépendance et enfin nous nous concentrerons sur son rôle de réformateur social.

A) les circonstances de l’entrée de Gandhi dans la vie publique

L’entrée dans la vie publique s’est opérée en deux étapes, tout d’abord l’action menée en Afrique du Sud entre 1893 et 1914 puis sa transformation en leader national entre 1915 et 1920.

Rappelons simplement que Gandhi est né dans le Gujarat en 1969 dans la caste des Vaishyas qui est la catégorie des marchands. Il part en 1888 faire des études de droit en Angleterre. Revenu en Inde en 1891, il peine à démarrer une carrière d’avocat lorsqu’en 1893 on lui propose de se rendre en Afrique du Sud pour défendre les intérêts d’une entreprise indienne lors d’un procès.

Son séjour en Afrique du Sud constitue une sorte d’apprentissage et de préparation à la vie publique. Sa personnalité s’affirme et ses capacités se développent : il passe d’une timidité handicapante pour le métier d’avocat à une confiance en soi digne d’un leader, il devient un patriote indien. Il apprend la pratique du droit qu’il ne connaissait alors uniquement par les livres, il acquiert une compétence rédactionnelle par son travail de journaliste à l’Indian Opinion, un journal qu’il a lui-même fondé, il apprend le jeu des médias et des interviews. Enfin, il développe une véritable compétence sociale dans le sens où il va au contact de l’Autre : lui qui est gujarati il va rencontrer des indiens tamouls, lui qui provient d’une caste relativement aisée il va au contact des coolies[1] les plus humbles, il s’insère dans le réseau des marchands indiens d’Afrique du Sud qui sont essentiellement musulmans alors que lui est hindou. Il commence son action politique en Afrique du Sud puisque c’est là qu’il fonde le Congrès indien du Natal ayant pour but de lutter contre la mesure privant les indiens du droit de vote. Sa lutte politique vise à améliorer la condition des Indiens d’Afrique du Sud, victimes de discriminations. Il conçoit une nouvelle méthode de lutte politique qu’il nomme satyagrapha qui signifie étreinte de la vérité et qui désigne une résistance non violente mais active. Il est aussi en Afrique du Sud lorsqu’il écrit le pamphlet Hind Swaraj[2] en 1908 dans lequel il condamne la civilisation occidentale et expose sa philosophie politique.

L’analyse que propose le biographe sur cette période retient l’attention : l’Afrique du Sud aurait été pour Gandhi une période d’enracinement et de déracinement nécessaire pour la poursuite de son action publique. Enracinement tout d’abord car Gandhi devient Indien. Il se retrouve dans la position d’une minorité opprimée et lutte pour défendre les intérêts des indiens en Afrique du Sud, ce qui réveille son « indianité »[3]. Déracinement ensuite car il a rompu avec sa famille (il a opté pour le célibat), sa caste (il a côtoyé des personnes ne correspondant pas forcément avec sa caste) et sa province (le Gujarat). Gandhi, après son séjour en Afrique du Sud a acquis une identité indienne qui dépasse les autres identités : appartenance familiale, régionale, de caste etc…La comparaison de Gandhi avec Herzl est intéressante : les deux hommes renforcent l’idée que le patriotisme se crée plus facilement à l’étranger. Ainsi Herzl, envoyé en France vit l’affaire Dreyfus qui est le déclencheur de son nationalisme juif. De même Gandhi découvre son indianité en Inde.

En revanche, l’auteur néglige peut être un peu trop le rôle qu’a pu jouer le séjour de Gandhi en Angleterre sur la formation de son identité et de sa pensée. En effet, c’est en Angleterre que le jeune Gandhi lit les grands textes de l’hindouisme et qu’il devient végétarien, ce qui est une marque de l’affirmation d’une identité hindoue. Il découvre à Londres la pensée de Ruskin et de Tolstoï et reconnaît l’influence qu’ont eue ses auteurs sur lui en ce qui concerne la critique de la modernité industrielle occidentale et le refus de la violence.

La deuxième étape de son entrée dans la vie politique se situe en Inde entre 1915 et 1920. Gandhi revient donc en Inde mais il ne peut intervenir tout de suite dans la vie politique indienne. Déjà il ne connaît que très peu son pays puisqu’il l’a quitté lorsqu’il était encore jeune. Ensuite, il n’a ni programme, ni connaissance des institutions indiennes, ni base régionale et il doit appliquer sa méthode du satyagrapha non plus à une population de 300 000 personnes comme il l’a fait en Afrique du Sud mais à 300 millions d’habitants. Une période de transition s’ouvre, qui lui permettra par la suite de se positionner en leader national. Il mène une vie associative et politique active dans le Gujarat ce qui lui permet de rallier des soutiens, de se constituer une base politique. Il mène ses premières luttes dans la région du Champaran et à Ahmedabad en 1918. Dans le Champaran, il va à la rencontre de la paysannerie et défend les planteurs d’indigo. À Ahmedabad il soutient les ouvriers du textile. Dans ces deux cas, il utilise la méthode du satyagrapha c’est à dire des actions de lutte non violentes. Gandhi se construit ainsi une image d’homme dévoué à la cause des plus pauvres. Il commence à porter le khadi[4] qui deviendra le symbole de l’autosuffisance indienne et de l’unité face à la résistance à la domination britannique. De plus, en 1919 une forte répression a lieu au Punjab, ce qui fournit à Gandhi une cause de revendication nationale alors qu’il est difficile de trouver un facteur d’unité entre tous les indiens du fait des clivages de castes, de régions, de famille, de religion etc. En 1920, Gandhi domine le mouvement nationaliste indien, il est donc définitivement entré dans la vie politique indienne.

La conception par l’auteur de l’entrée de Gandhi en politique est intéressante. Gandhi aurait découvert l’action publique en Afrique du Sud et ensuite il lui aurait fallu convertir l’action politique menée en Afrique pour qu’elle s’applique non plus à une petite région mais à un pays dans son ensemble avec toutes les différences que cela implique. On peut cependant reprocher au biographe de raconter l’épisode sud africain uniquement pour expliquer l’action politique du Mahatma en Inde. Ainsi, l’Afrique du Sud ne serait que le laboratoire de ce qui se passe ensuite en Inde, une simple phase de préparation. Il aurait été intéressant de s’intéresser à l’action politique de Gandhi en Afrique du Sud pour elle-même, indépendamment

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