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Easy rider et la fin du mouvement hippie

Chronologie : Easy rider et la fin du mouvement hippie. Rechercher de 54 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  2 Décembre 2025  •  Chronologie  •  2 721 Mots (11 Pages)  •  4 Vues

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Les cowboys se vêtent de cuire !

À l’aube du XXe siècle, la conquête de l’Ouest est terminée, le onzième recensement achevé, et la révolution mexicaine pointe le bout de son nez. Alors, dès l’arrivée du cinématographe, le western naît. On y raconte la conquête de l’Amérique de l’ouest : les acteurs et les décors sont tous authentiques, tout est donc réuni pour porter Hollywood vers son âge d’or. Après trente ans et des millions de dollars dans les poches des grands studios, on se lance dans le double programme, et le western plonge tête la première dans la série B. Comme la poule aux œufs d’or qu’il est, il en devient le plus grand représentant et agrandit encore la popularité d’un genre qu’on pensait déjà à son apogée. En 29, puisque rien ne semble pouvoir arrêter l’étalon lancé à toute vitesse, la Grande Dépression propulse les grands studios et le western dans leurs âges d’or avec des films comme La Chevauchée fantastique ou Rio Grande de John Ford : des œuvres manichéennes, avec le bon héros américain issu de la vertueuse armée, protégeant la femme fragile et apeurée contre l’ignoble bandit ou l’horrible Indien sauvage. Dans les années 50, juste après la Seconde Guerre mondiale, le genre perd en vitesse et les studios ne parviennent pas à enrayer le sauver. Peut-être le grand public en a-t-il assez de ces films tout blancs ? Peut-être se rend-il compte de la supercherie de la conquête ? Peut-être ouvre-t-il enfin les yeux sur ce que fait son fameux gouvernement tout blanc ?

En tout cas, le fait est que, sur la côte ouest des États-Unis conquit et sauvé ! les clubs de motards hors-la-loi, aussi appelés clubs « 1 % », se forment et se propagent. L’appellation « 1 % » trouvant apparemment son origine dans l’incident des émeutes de Hollister en 47 : un rallye moto qui aurait rassemblé environ quatre mille personnes. Un an plus tard, le premier chapitre des Hells Angels est fondé par un vétéran de l’armée de l’air, devenant le berceau de beaucoup d’autres dans les décennies suivantes. Enfin en 53, grandement inspiré par les émeutes de Hollister, László Benedek réalise The Wild One avec Marlon Brando, dans lequel un gang de motards aux blousons marqués d’une tête de mort sème le chaos avant de se voir ordonner de quitter les lieux par les forces de l’ordre. Le film dans un élan de génie s’ouvre sur un avertissement :

« This is a shocking story. It could never take place in most American towns but it did in this one. It is a public challenge not to let it happen again. »

Malheureusement, malgré une introduction plus que prometteuse qui envoie valser la morale du western, le film reste finalement bien sage. Derrière ses promesses de rébellion et d’immoralité se cache un protagoniste au grand cœur, qui abandonne toute idée de révolte pour, finalement, rentrer dans le rang et conquérir l’amour de sa vie. Évidemment, avec cette quantité de risques pris, le film rencontra un immense succès et lança une vague de films d’exploitation à petit budget, mettant en scène ces fameux gangs de motards vêtus de cuir, roulant à travers les paysages et les campagnes américaines. Ces films, destinés à un public adolescent commençant doucement à rêver de révolte, donnèrent tout doucement naissance à la bikersploitation : le western vient de trouver son remplaçant.

Non content d’inspirer quasiment tous les films de bikersploitation, The Wild One imposera une esthétique aussi bien dans le cinéma des années 1960 que dans la culture populaire. Ainsi, des clones de Brando aux vestes noire apparaissent notamment dans L’Homme à tout faire, où Elvis Presley est assez lourdement grimé en Brando. Mais l’essentiel de la bikersploitation reste la flopée de films à micro-budget (généralement moins de 500 000 dollars) reprenant des histoires plus ou moins réelles de gangs de motards. On y trouve par exemple Les Anges de l’enfer (1967), Les Anges nus (1969) et surtout Les Anges sauvages (1966) qui, destiné aux foules de jeunes des drive-in, ne démarre jamais vraiment, mais commence à tourner doucement autour du moralement répréhensible et de la révolte maladroite, tout en gardant un protagoniste toujours très aseptisé… Car on aurait tort de penser que la bikersploitation ait pour but d’embraser la violence pourtant omniprésente du monde réel : elle reste encore assez ambivalente et se veut l’exaltation d’un mode de vie libre et volontairement marginal, car même violent, même nazi, le biker est la réécriture du cow-boy de Ford : un être mythique, porteur du grand rêve américain de liberté, de longues chevauchées poussiéreuses à travers le désert, de bikers fiers et ombrageux qui roulent vers leur destin. Les mêmes erreurs, encore et toujours…

Mais si l’hypocrisie du western pouvait passer sous couvert de la conquête acharné et héroïque de l’ouest, chez la bikersploitation elle est tout de suite plus visible et ne peut éviter la tempête politique qui arrive au états unis.

En 65, soit une dizaine d’années après le début du conflit, les États-Unis interviennent massivement au Viêt Nam, devenant l’acteur principal d’une guerre désormais transformée en guerre par procuration. Russ Meyer realise Motorpsycho, un film sur un gang de motards dirigé par un vétéran du Viêtnam perturbé, une sorte de colonel Kurtz, gourou au cerveau bousillé par le massacre avant l’heure. Cinq ans plus tard, l’acteur Jack Starrett, qui s’est fait un beau nom dans la bikersploitation, réalise Les Machines du diable (1970), dans lequel des bikers sont envoyés en mission de sauvetage au Viêtnam. C’est l’un des tout premiers films à se dérouler pendant la guerre, et non après. D’autres petites maisons de production indés continuent de produire des films de bikersploitation par dizaines, jusqu’à ce que Le public commence lentement à se désintéresser début 70. On s’éloigne alors du modèle puritain de The Wild One et on embrasse peu à peu les problématiques sociétales de l’époque. Notamment Pink Angels (1972), qui met en scène un groupe de bikers gays descendant la côte ouest pour assister à un bal travesti ou Les Diablesses de la moto (1972) et Angel’s Wild Women (1972), qui, tous deux, flirtent avec le revenge porn et racontent la vengeance d’une dont le frère a été tué, et celle d’un groupe de motardes coriaces décidées à se venger des hommes.

Au japon dans les années 70 les gangs de délinquants masculins, dits banchō, se font de plus en plus rares et les gangs de jeunes adolescentes délinquantes dits sukeban font leurs apparitions, alors la bikersploitation traverse le pacifique et profite de la mode du pinku eiga (films de sexploitation relativement soft) pour s’imposer en icone de révolution et de violence. En 76 le documentaire God Speed You ! Black Emperor reviendra sur ce mouvement en déclin.

De retour aux États-Unis, le (meilleur) réalisateur expérimental Kenneth Anger embrasse lui aussi la révolte façon bikersploitation pour mieux s’en moquer dans Scorpio Rising. Icône dérivée des marins, le film s’ouvre sur un simili Marlon Brando nazi, à la tête d’une bande de motards assoiffés de sang, tellement engouffrés dans la contre-culture qu’ils ont plongé tête la première dans un fascisme débridé et un occultisme aliénant, le tout rythmé par des titres populaires de l’époque : Ray Charles, Ricky Nelson ou Elvis Presley, encore lui… Dans le même esprit, Kustom Kar Kommandos devait opposer la jeunesse queer, customisant et caressant leurs bolides chromés, au fascisme débridé, cette fois sous la forme du Ku Klux Klan.

Quelques années plus tôt, en parallèle avec les débuts de la bikersploitation, Jack Kerouac emploie pour la première fois l’expression « Beat Generation » dans les années 1950-1960. Le mot se transforme en un mouvement littéraire, propulsé par Kerouac et Burroughs, où l’on prône la libération sexuelle et la liberté de mode de vie de la jeunesse des sixties la génération du baby-boom, au point d’avoir dû affronter de nombreux procès pour obscénité. Dans la même période, cette même jeunesse états-unienne se lance peut-être dans le mouvement de contre-culture le plus populaire et répandu : le mouvement hippie. Une Beat Generation dont les mots se retrouvent propulsés dans le monde réel, exprimant un rejet du monde traditionnel, de la consommation, du fascisme, de la guerre, de l’autorité etc. Une volonté d’embrasser de nouvelles cultures, d’ouvrir de nouvelles portes de perception, des portes auxquelles on doit nombre de mes œuvres préférés.

En 69, on retrouve la mascotte des anges sauvages : Peter Fonda, aux côtés de Dennis Hopper qui, malgré leurs origines bourgeoises (une belle norme chez les hippies) arborent cheveux longs, jeans déchirés, vestes de cow-boy et survolent le mouvement hippie, surtout Hopper, qui, en bon proche d’Andy Warhol, participe grandement à l’explosion du pop art et au chamboulement culturel du pays. Après quelques années passées à traîner dans le milieu en tant que photographe de plateau, il se lance dans la réalisation de The Loners, plus tard renommé Easy Rider. Drogues, alcool, bagarres, vandalisme, motos… une quintessence de la bikersploitation, lancée au rythme des guitares électriques. À la fois hymne et conclusion nihiliste.

Easy Rider est, bien évidemment, un film profondément politique. Évidemment, en plaçant le spectateur face au trafic de drogue comme excuse à l’échappatoire, face aux emprisonnements

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