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Anarchie Par Les Plantes

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ertilité. Voir l’article d’ Aubert, C. 2006. « Quelques réflexions sur l’agriculture biologique », Silence 334 : 7-8.

par les entreprises de commercialisation et la folle hausse des transports de marchandises (combien de kilomètres parcourt le kiwi bio de NouvelleZélande ?). En bref, l’AB ne prend pas en compte le facteur humain4. Il faut donc aller voir plus loin.

La mauvaise herbe

Depuis quelques années, d’innombrables alternatives agraires et écologiques ont vu le jour. Parmi celles-ci les AMAP, les SELT5, les squats ruraux, les fermes autogérées, les jardins sur les toits des villes, les écovillages, les écorégions, l’agriculture écologique, la permaculture6, pour n’en citer que quelques-unes. Toutes ces expériences, à l’instar de la nébuleuse altermondialiste, explorent de nombreuses pistes, plus ou moins concrètes, crédibles et désirables. Souvent en contact direct avec le monde agricole, mais jamais limitées à ce seul côté, elles touchent des thèmes qui préoccupent les anarchistes (le lien social, la production, la consommation, la centralisation du pouvoir, l’autonomie, l’aménagement du territoire, le logement, l’écologie, le progrès…). Ces tentatives de créer d’autres mondes prennent forme peu à peu, se forgent par le vécu et se diffusent, bouturent ou meurent, changent le quotidien et recréent du collectif, au Sud comme au Nord, à la ville comme à la campagne. Et les enjeux politiques ne sont jamais loin.

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Le présent article tente de cerner ce mouvement, d’en définir les forces, les limites et les perspectives, afin d’en identifier les grands axes qui pourraient intéresser les anarchistes. Le but n’étant ni de faire l’inventaire exhaustif de toutes ces expériences, ni de les canaliser derrière un « petit livre vert », mais d’en dégager la puissance subversive pour montrer qu’elles sont loin d’être incohérentes ou négligeables. La force et la portée de cette nébuleuse «alter-agro» suggèrent qu’on se trouve là à un point clé de tension entre les différentes forces idéologiques qui bâtiront le monde de demain, ce qui en fait sûrement un enjeu majeur des luttes de notre époque. Au fil des découvertes, des rencontres et de la rédaction de cet article, quatre thèmes récurrents sont apparus : l’échelle, le lien social, l’autonomie et la vision écologique. Ces quatre axes, qui recoupent presque toutes les expériences, structureront donc le texte.

Réfractions 18

4. Badal Pijuán, M. & López García, D. « Alternativas ecológicas de transformación social », Diagonal n° 30, 11 au 24 mai 2006, p. 12. On peut retrouver tout le contenu de ce bimensuel espagnol sur www.diagonalperiodico.net 5. Tous ces acronymes sont détaillés plus bas. 6. Ou « agriculture permanente », définie et discutée plus bas.

Pablo Servigne

1. La question de l’échelle

Suivant une des théories du libéralisme économique7, chaque pays devrait se spécialiser dans ce qu’il sait le mieux faire et laisser le libre marché répartir toutes les marchandises idéalement pour le bonheur de tous. C’est la mondialisation telle que nous la connaissons, le village global, le village à grande échelle. Si cette utopie s’installe «durablement», elle aura trois conséquences majeures sur l’agriculture : l’augmentation inexorable du transport mondial de marchandises, la dépendance vis-à-vis des aléas du marché et la généralisation des monocultures. Premièrement, l’augmentation des transports de marchandises est une aberration écologique, pour des raisons évidentes de consommation d’énergie et de dégradations environnementales8 (faire venir une poire d’Afrique du Sud en avion, c’est transporter 99 % d’eau). Deuxièmement, la dépendance visà-vis des aléas du marché est une aberration politique et économique. D’abord, parce qu’elle fragilise les régions en les exposant à des pouvoirs puissants ou à un marché aléatoire et réduit à néant ce que d’aucuns appellent « l’immunité d’une région » 9. Ensuite, parce que le marché est truqué10 et que nous retombons dans un néocolonialisme où le Sud reste le potager du Nord (que les bananes, le cacao ou le café soient équitables ou pas). Enfin, la monoculture créée par la logique des grandes régions spécialistes (par exemple les céréales en Beauce ou le cacao en Côte-d’Ivoire) est une aberration agronomique pour de nombreuses raisons. S’il serait trop long de les détailler ici, citons tout de même les quatre principales : 1. L’ajout d’intrants chimiques (engrais, insecticides et pesticides) réduit la qualité des produits. 2. La culture de plantes toutes identiques

7. La « théorie des avantages comparatifs » de David Ricardo (1772-1823), développée dans Des principes de l’économie politique et de l’impôt (On the Principles of Political Economy and Taxation, Londres 1817). 8.Voir l’article de Martial Lepic dans ce numéro. 9. Bailly E. 2006. « Construire des écorégions », L’Écologiste 18 : 38-40. 10. Les Etats-Unis, par exemple, imposent la compétition économique via le libre marché, mais subventionnent très fortement leur agriculture, ce qui les rend plus forts dans la compétition qu’ils ont eux-mêmes imposée. 11. Au Pérou, il existe plus de 200 espèces et 5000 variétés locales de pommes de terre répertoriées dans les centres agronomiques et cultivées par les paysans. 12. Par exemple, la résistance du sorgho à la sécheresse du Sahel, la résistance des zébus à la mouche tsé-tsé en Afrique équatoriale, etc.

L’anarchie par les plantes

Réfractions 18

décuple le risque de privatisation des semences par des firmes agro-chimiques. 3. Par définition, la monoculture détruit la diversité biologique et agronomique : biologique parce qu’elle tue la plupart des espèces non cultivées (sols, haies, jachères, bords de champs, bois, etc.) et agronomique parce qu’elle n’entretient pas l’incroyable diversité agronomique typique de chaque région11. L’appauvrissement de la biodiversité représente une perte colossale à tous les points de vue (social, médical, génétique, culturel, etc.). Les variétés locales ont mis en effet des dizaines, des centaines, voire des milliers d’années à s’adapter à leur région au cours de l’évolution (naturellement) et par l’usage qu’en faisaient les paysans (artificiellement)12. 4. Par ailleurs, la spécialisation d’une région dans la culture d’une seule denrée impose un approvisionnement permanent du marché, contraire aux rythmes biologiques saisonniers. Elle oblige donc les producteurs des milieux tempérés à construire des serres pour l’hiver, des cultures horssol ou des lieux de stockage, avec toutes les conséquences néfastes que cela entraîne : chauffage des serres, perte de

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la faune et de la flore sauvage, cultures hors-sol, perte du goût, dégradation des paysages, etc. Inverser cette logique, revenir à une plus petite échelle, c’est précisément faire intervenir le moins d’intermédiaires possibles (passer directement du producteur au consommateur), favoriser la diversité des cultures, les petites exploitations et les variétés locales. C’est aussi, redonner aux producteurs (paysans) plus de contrôle dans le choix de la production et de la distribution, ce qui leur garantit un meilleur revenu et assure leur viabilité à long terme. Cette force rendue à la paysannerie servirait d’assise à une lente et nécessaire sortie de la politique européenne de subventions (PAC) qui étouffe l’agriculture paysanne, au Nord comme au Sud. Cependant, le retour à une vie locale n’est pas facile, tant nous sommes devenus dépendants d’un système mondialisé à tous les niveaux. Mais contrairement aux transports, à l’informatique, à l’industrie et à la plupart des domaines de la vie, l’agriculture (la production d’aliments) possède l’avantage d’être facilement accessible en dehors du système. Grâce à cette prise facile sur le réel, elle nous donne ce micropouvoir de nous réapproprier nos vies, parce qu’elle nous permet de vivre immédiatement de nos créations, et donc d’en faire un point de départ pour un changement à la racine (radical).

Un exemple : les AMAP Voici une illustration d’un retour heureux à une petite échelle. Les AMAP13 (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) ou CSA aux Etats-Unis (Community Supported Agriculture) sont nés de ce projet d’agriculture de proximité. La logique est simple : diminuer la distance que parcourent les aliments, relocaliser l’économie et sortir du système de l’argent. Il s’agit d’abord d’aller directement chercher ses légumes chez des petits producteurs (si possible écologiques14). Pour ce faire, rien de tel que de s’associer en groupements d’achats. Le petit producteur livre ainsi régulièrement sa production au groupe de citadins, qui se la distribue sous forme de paniers. D’un côté, le citadin est assuré d’avoir un approvisionnement constant de fruits et légumes de saison, sains et moins chers, et, de l’autre, le producteur est mieux rémunéré et développe une agriculture saine et de qualité. « En diminuant le nombre de kilomètres que nous avalons, en allant chercher notre nourriture toujours plus près de

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