DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Ici c'Est Paris

Mémoire : Ici c'Est Paris. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 39

arge de choix me parait dangereux, à plusieurs titres ; je permettrais peut-être aux élèves de développer leur esprit critique, mais en leur faisant croire que l’on peut toujours prévoir l’objet de leur critique, et je risque d’engendrer des individus facilement manipulables ; d’autre part je m’engage, en prenant cette seule voie, dans le sens d’une société de consommation déjà trop présente ; et si, au lieu d’encourager des consommateurs, je m’appliquais à rendre mes élèves créatifs ? L’important pour moi est notamment de leur permettre, de ne pas faire semblant d’admirer les textes que je propose et d’aborder la littérature de l’intérieur, en artisans. Pourquoi ?Parce qu’il me semble évident que la littérature c’est avant tout de l’écriture. Or, le français est l’une des rares discipline enseignée qui ne se pratique pas, alors que c’est le cas des mathématiques, des arts plastiques, de la musique etc.… En effet, traditionnellement, la lecture reste en français le pivot de toute autre activité. Il me semble pourtant essentiel de faire écrire les élèves pour les amener à pratiquer les outils littéraires, à les interroger pour leur faire comprendre le cheminement des auteurs, pour mieux les admirer ou les critiquer, leur permettre d’exprimer une pensée singulière, mais aussi pour les amener à prendre conscience du pouvoir et du plaisir de l’écriture.

C’est à cette étape de ma réflexion qu’apparaît le premier écueil : je veux faire écrire mes élèves, mais puis-je me considérer comme une spécialiste en la matière ? J’ai effectivement participé quelques semaines à l’atelier d’écriture du Chocolat Théâtre, 8 ans auparavant. Nous écrivions à partir de quelques contraintes, en temps limité ; nous lisions ensuite nos productions, puis les entretiens prenaient vite la tournure d’une psychanalyse sauvage, et nos premiers jets n’étaient jamais réinvestis. Cela ne suffit certes pas à me poser en professionnelle de l’écrit. Je me tourne alors vers ma formation universitaire, vers les arts poétiques, les théories . J’étais admirative et convaincue notamment par Baudelaire proclamant la beauté “ pythagoricienne ” du sonnet, par Valery partant du rythme du décasyllabe pour écrire le Cimetière marin…Néanmoins, je n’avais pas moi-même expérimenté la fécondité des contraintes, et je ne connaissais le processus de l’écriture que de l’extérieur. Force est de reconnaître je ne suis donc pas actuellement armée pour écrire et apprendre à écrire à mes élèves. La seule solution au vu de ma modeste expérience, si je veux être honnête, est d’écrire moi-même en m’imposant les mêmes contraintes.

Nous sommes tous un jour fasciné par l’écriture, que ce soit pour inventer des récit, écrire des poèmes... Et puis, lorsque la tache devient obligatoire, scolaire, lorsque le respect de la grammaire devient plus important que l’invention, les élèves se coupent de l’écriture, ou dans le meilleur des cas, empruntent des images aux écrivains célèbres, sans les retravailler. Je voudrais aujourd’hui que ce pillage soit officiel et que l’on permette aux élèves d’imiter les auteurs, mais surtout de s’approprier leurs outils, de les aiguiser à leur mesure en tant qu’ acteurs du processus de création. Nous savons que les écrivains les plus célèbres, se nourrissaient de leurs prédécesseurs, mais il me semble plus intéressant de le vivre que de le savoir .De plus, face aux difficultés scolaires, au désintérêt des élèves pour les textes littéraires, je suis convaincue de la fonction heuristique de l’écriture, et de son adéquation aux finalités de l’enseignement du français au lycée . Une approche réflexive de la littérature devrait être beaucoup plus efficace si les élèves se sentent impliqués dans les processus littéraires. Mais de nombreuses questions restent en friche : que faut-il faire écrire aux élèves, comment mettre en place les exercices, les évaluer, quels objectifs fixer ?

L’écriture d’invention, récemment introduite au lycée et à la nouvelle E.A.F, dont la mise en place reste problématique pour beaucoup d’enseignants, m’a permis de délimiter le champ de ma réflexion . J’ai tout de suite cru en la nécessité de développer activement cette pratique à un stade ou les élèves doivent aborder la littérature en profondeur.

M’appuyant dans un premier temps sur le point de vue des didacticiens, des groupes de recherches parfois contradictoires j’affinerais ma réflexion ; puis à partir des problèmes posés par l’écriture d’invention et sa mise en place au lycée, je ferais état des processus mis en œuvre dans ma classe de seconde pour tenter de vérifier mes hypothèses. Les productions des élèves me permettront enfin d’analyser les résultats obtenus, et de les confronter avec ma problématique initiale.

I-Les origines de l’écriture d’invention

1)Une lente évolution : un changement dans l’appréhension des textes

L’apparition de l’écriture d’invention au lycée est le fruit d’un long cheminement et d’un changement dans les mentalités du corps enseignant. Jean Hébrard [1] met ainsi en évidence la “ lente didactisation de l’écriture ” opérée en France depuis deux siècles. La raison majeure de cette lenteur est que l’écriture est considérée comme une activité annexe par rapport à la lecture ; effectivement, l’on peut très bien apprendre à lire sans écrire, et la lecture est reconnue comme moyen d’accès aux savoirs. De fait, elle domine encore les pratiques enseignantes et se situe en général au début de chaque séquence, servant de pivot aux autres activités.

Néanmoins, une évolution dans les représentations de l’écriture se fait sentir particulièrement dés les années soixante, avec notamment l’apparition du "Nouveau Roman". Contre l’inspiration, contre le biographisme, ce courant permet de se recentrer sur l’élément essentiel de la littérature, le texte. De plus, se développent grâce à L’Oulipo fondé par Queneau et Le Lionnais, dans les années 60, la contrainte comme moteur d'écriture : les lipogrammes, S+7, les mots-valises etc.. Leur souhait est de “ proposer aux écrivains de nouvelles structures de nature mathématique, ou bien encore inventer de nouveaux procédés artificiels ou mécaniques, contribuant à l’activité littéraire : des soutiens pour l’inspiration, pour ainsi dire, ou bien encore, en quelque sorte, une aide à la créativité ”. L’écrivain qui n’est plus considéré comme un créateur inspiré mais comme un artisan qui manipule les outils de la langue, descend alors de son pied d’estal. Dés lors, une barrière est franchie, celle qui nous sépare des auteurs. Quand l’élève les abordera “ ce sera moins comme des modèles inaccessibles et paralysants, et davantage comme des experts fraternels à qui il peut essayer d’emprunter des procédés ”[2]. Par ailleurs, à l’école primaire, est déjà apparu grâce à Celestin Freinet, le “ texte libre ”, c’est à dire l’écriture personnelle, sans contrainte, une écriture centrée sur l’expression du sujet dans laquelle l’instituteur n’intervient pas. Ce que l’on peut retenir de cette expérience c’est l’idée de permettre l’accès à l’invention, néanmoins, l’absence totale de règles amenait à une écriture spontanée jugée talentueuse ou pas, et pouvant devenir frustrante pour les élèves en difficulté.

2)L’émergence des ateliers d’écriture

A partir des années soixante dix, face la place grandissante que prend l’écriture personnelle et professionnelle, une nouvelle forme de pratique culturelle fait son apparition et va influencer l’enseignement des lettres, les ateliers d’écriture, dont Yves Reuter[3] propose la définition suivante : “ l’atelier d’écriture est un espace temps institutionnel, dans lequel un groupe d’individu, sous la conduite d’un “ expert ”, produit des textes, en réfléchissant sur les pratiques et les théories qui organisent cette production afin de développer les compétences scripturales et métascripturales de chacun de ses membres. ”. Tout d’abord, le "Groupe Français d’Education Nouvelle" prend conscience, devant l’échec de l’apprentissage de la lecture à l’école, que l’on apprend à lire en écrivant. Dés lors, les ateliers d’écriture vont s’organiser. L’idée est de regrouper plusieurs participants, de proposer une ou plusieurs règles d’écriture, plutôt qu’un thème trop vaste, de produire un premier jet, de le proposer à la lecture des autres, puis de construire un texte à partir des différents matériaux. Dans leur diversité, les ateliers ont deux concepts communs : l’idée du “ tous-capable ” et la théorie de “ l’ auto-socio-construction ”

Le sujet doit donc s’impliquer dans le projet d’écriture, et se sentir dans un climat d’égalité face aux autres participants. Jusque là, la seule lecture pouvait “ constituer un frein pour certains en confortant leur sentiment d’infériorité face aux scripteurs confirmés ”[4]. L’atelier va alors permettre aux participants de se libérer d’une honte face à l’écriture et de prendre confiance en soi.

D’autre part, pour prendre ce pouvoir et donc permettre une amélioration des compétences scripturales, il s’agit de considérer le texte comme un matériau à travailler, en devenir. Jean Ricardou, et Claudette Oriol-Boyer placent ainsi le

...

Télécharger au format  txt (64 Kb)   pdf (418.3 Kb)   docx (30.6 Kb)  
Voir 38 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com