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Le Roman De La Momie - Théophile Gautier - La Découverte De Tahoser

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mme, muse de toutes les plus grandes figures du Romantisme, devient une momie aux allures de femme-fatale quasi-vivante et prisonnière de la mort. C’est en ce sens que « le poète impeccable », comme l’a si bien écrit Baudelaire concernant Théophile Gautier dans la dédicace de son œuvre far Les Fleurs du Mal, va suivre toute cette lignée et se distinguer dans les œuvres Orientalistes. Avec son Roman de la momie, paru en 1858, Gautier nous plonge dans une expédition trépidante mélangeant découverte archéologique et histoire de l’ancienne Egypte aux caractères religieux, le tout se fondant dans un personnage principal atypique : Tahoser. L’auteur nous entraine ainsi dans une aventure originale où le prologue fait voyager le lecteur dans les abimes de la science archéologique au côté de lord Evandale (jeune aristocrate anglais) et du docteur Rumphius (savant allemand). Ces-derniers vont découvrir une tombe inviolée grâce à l’aide d’un chercheur grec nommé Argyropoulos. Depuis plus de 3500 ans, nul n’a franchi le seuil des chambres funéraires où repose le sarcophage d'un Pharaon. Mais quand les deux hommes ouvrent le couvercle de basalte noir, ils trouvent à leur grand étonnement, la momie parfaitement conservée d'une jeune femme magnifique, qu’ils emmèneront dans la cange amarrée sur le Nil.

Nous étudierons précisément ce moment de découverte, passage clé de l’œuvre, en nous interrogeant sur l’articulation de cette scène que nous pouvons, par hypothèse, définir comme étant une peinture de secret et d’occultisme d’une Egypte fantasmée, où la femme macabre devient l’égérie du Beau lyrique, entre Orientalisme et Romantisme.

C’est d’abord dans un cadre poétique que nous nous retrouvons. En effet, pour Gautier « la mort est multiforme » et à travers cette peinture morbide nous faisons la rencontre d’une martyre prisonnière du temps. Comme le clame si bien Alphonse de Lamartine, ce temps va suspendre son vol pour nous faire voyager vers un onirisme pur où la momie devient objet de tous les fantasmes. À travers cette peinture idyllique où la mort et les désirs s’entremêlent, nous pouvons y discerner un certain spleen de l’Orient où la fiction est presque réelle. L’auteur témoigne de son génie en créant une tension de fantastique réalité à travers laquelle, nous apercevons un pharaon des temps modernes dans lequel se reflète le « poète impeccable » aux fleurs maladives. Pour clore notre analyse, nous nous pencherons sur la figure de Tahoser comme étant une égérie aux splendeurs infinies. Nous discernerons à travers cette sublime morte, une femme fatale funèbre qui malgré sa posture inerte fait l’objet d’un commun accord artistique. Gautier, peintre dans l’âme nous dévoile un tableau ancré dans le tableau romanesque.

« J’ai un pressentiment que nous trouverons dans la vallée de Biban-el-Molouk une tombe inviolée » (p.47). C’est par cette prémonition, quasi-prophétique, émise par le docteur Rumphius, que débute le roman. Le lecteur est averti et n’est donc pas étonné de découvrir, aux côtés des personnages ancrés dans l’intrigue, un spectacle magnifique : le corps intact d’une femme embaumée, celui d’une martyre prisonnière du temps. Cette Vénus inerte, convoitée par les cœurs, suscite « un cri d’admiration » (p.89) et un étonnement remarquable. Mais cette morte « change de masque et d’habit plus souvent qu’une actrice fantasque ». Derrière un corps il y a un nom, celui de Tahoser, qui ne cesse d’enivrer lord Evandale et le docteur Rumphius, tant son écho assourdissant de questionnement retentit. Ils veulent « soulever le voile qui cache le secret qu’ils brûlent d’apprendre » (p.88). Au-delà des interrogations que suscitent cette momie se dissimule une énigme dont seul Gautier en connaît le secret. Ce-dernier, attiré par l’occultisme et la magie du spiritisme nous fait voyager, comme dans son roman Spirite paru huit ans plus tard, à travers la figure de cette femme défunte. Nous remarquons que Tahoser ne paraît pas sans vie, malgré qu’elle ne soit pas animée, elle touche les sentiments et dévoile une attraction mystique : « Ordinairement, les momies pénétrées de bitume et de natrum ressemblent à de noirs simulacres taillés dans l’ébène ; la dissolution ne peut les attaquer, mais les apparences de la vie leur manquent » (p.90). Une description précise de la momie s’ensuit et l’auteur nous énumère les différentes parcelles « de ce beau corps si miraculeusement conservé » : « Ici le corps […] avait conservé l’élasticité de la chair, le grain de l’épiderme et presque la coloration naturelle ; la peau, d’un brun clair […] ne devait pas différer beaucoup du teint de la jeune Egyptienne en son vivant » (p.90). Ce portrait soigneux entraîne, auprès de la réception, l’attente que cette splendeur orientale se réveille. Mais Gautier le savait, une momie ne meurt pas, elle est l’image de la vie dans la mort. Son « ka », moi intérieur au-delà de l’âme, règnera encore et devra-t-être protégé par « les ombres protectrices du sépulcre » (p.89). Le symbolisme de cette scène est relativement complexe et illimité dans ses interprétations. Nous pouvons voir en Tahoser une figure particulière, celle d’Isis, déesse protectrice et salvatrice de la mythologie égyptienne, représentant la personnification du trône. La momie de Gautier représente bien cette image isiaque, car elle impose une grâce et elle a la même histoire de vie que la déesse. Elles sont toutes les deux des êtres voilés et comme le dit la célèbre inscription de la statue assise de Neith (identifiée à Isis) : « Je suis tout ce qui a été, qui est et qui sera, et mon voile, aucun mortel ne l’a encore soulevé ». Seul Gautier enlèvera fictivement cette « trame fine comme sous une gaze » (p.88) au travers du personnage de Rumphius, à qui « la sueur lui ruisselait du front » (p.88). Nous assistons à une scène d’occultisme au fil de la trame descriptive. Les gestes sont suaves et précis, « il pelotonnait sur elle-même la bandelette, comme eût pu le faire un des plus habiles tarischeute de la ville funèbre » (p.87), une douceur embaume le récit ainsi que les deux protagonistes qui deviennent « des ombres protectrices » (p.89). Cependant, la formule magique de Gautier opère et cette femme défunte si fragile est paradoxalement plus attachée au monde terrestre qu’à l’abîme du céleste : « comme si les embaumeurs eussent voulu ôter à ce corps charmant la triste attitude de la mort » (p.89). Tahoser nous fait donc voyager entre deux univers différents mais curieusement si proches : la vie et la mort. À travers ce chemin initiatique comparable au roman d’aventure, nous lecteurs comprenons que les sujets de la mort « ne sont pas tous dans le cimetière et ne dorment pas tous sur des chevets de pierre à l’ombre des arceaux », car il y a une vie à travers le néant.

Dans cette scène magique, où l’occultisme est sans borne, l’onirisme se cache derrière la fin impalpable qu’est la mort. Le temps se noie dans l’abysse impénétrable de cet instant fugace de découverte :

« Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices !

Suspendez votre cours :

Laissez-nous savourer les rapides délices

Des plus beaux de nos jours ! »

Tout au long de sa description, Gautier projette ses personnages, ainsi que le lecteur, dans un rêve éveillé où le temps n’est plus. Il étire l’image à son apothéose en énumérant tous les attraits de sa muse défunte dans ses moindres détails, pour que le temps ne paraisse plus visible : « Elle suivait exactement les contours, emprisonnant les doigts des mains et des pieds, moulant comme un masque les traits de la figure déjà presque visible à travers son mince tissu » (p.88). Nous sommes dans des « spirales infinies » (p.87) où les gestes délicats de Rumphius deviennent aériens : « il commença à la démailloter avec l’adresse et la légèreté d’une mère » (p.87). L’auteur repousse l’instant fatidique en allongeant le temps à son paroxysme et en manipulant l’attente du lecteur, impatient de connaître les secrets que renferme Tahoser. Au moment de la découverte, le docteur Rumphius va stopper ses gestes et va hésiter à franchir le seuil de la vérité : il « suspendit un moment sa besogne […] soit par ce sentiment qui empêche l’homme de décacheter la lettre, d’ouvrir la porte […] » (p.88). C’est un jeu déroutant pour le lecteur, car il va découvrir pour la première fois le personnage principal du roman, cette momie tant convoitée par l’imaginaire de la réception. Nous sommes dans un brouillard de mousseline, où chaque bandelette devienne des obstacles à franchir : « Le dernier obstacle enlevé, la jeune femme se dessina » (p.88). C’est un parcours initiatique pour le docteur Rumphius qui doit devenir « un des plus habiles tarischeutes de la ville funèbre » (p.87). En démarchant ainsi, Gautier entraîne le lecteur dans une rêverie presque authentique à celle de ses personnages. Certains termes, employés par le narrateur, nous laissent dans une perception imaginaire relativement floue : « et à travers les réseaux brillaient vaguement quelques dorures » (p.88). De plus, Gautier emploi le temps de l’imparfait de l’indicatif dans toute sa description. Ce temps a pour valeur d’être duratif et ainsi d’entraîner un effet de suspens d’un évènement dont on ne voit ni le début ni la fin. La momie est donc

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