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Anthologie : L'Objet En Poésie

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ne forme bien plus allégorique. Relisez La Cloche fêlée, extrait du Spleen et Idéal de Baudelaire ; ce sonnet irrégulier exprime de façon tragique la malédiction du poète. Derrière la cloche, qui symbolise explicitement l’âme, c’est une confession sur l’impuissance créatrice qui se cache ; la fêlure est pour lui une blessure invisible qui représente sa défaite contre le spleen.

Il m’est également nécessaire de m’entretenir avec vous, lecteurs, sur deux des poèmes choisis. Bien que Les Horloges d’Emile Verhaeren et La Montre de Théophile Gautier semblent assez proches de par l’époque, le thème abordé et l’objet utilisé, ces poèmes présentent des différences majeures. Alors qu’Emile Verhaeren crée un climat inquiétant autour de la description de ces horloges et s’identifie ainsi à la peur du temps qui passe, Théophile Gautier termine son poème sur une note d’humour. Cette manière opposée de concevoir le temps renseigne ainsi sur la personnalité des deux métromanes, ces poèmes ont donc pour principal intérêt de montrer qu’un même objet, ou deux objets très proches, amènent à des définitions personnelles bien distinctes. J’ai également trouvé intéressant de mettre en relation ces deux poèmes avec le sonnet de Jean-Baptiste Chassignet Notre vie est semblable à la lampe enfumée, écrit au début du XVIIème siècle, car il montre l’évolution à travers les siècles de la conception de l’existence par cet objet inattendu.

L’un des reflets de l’âme que l’on peut mettre en évidence par notre étude est la vision de la vie, notamment par le poème La Cigarette de Jules Laforgue, qui nous apparaît comme un fataliste car la cigarette est pour lui la seule chose qu’il lui reste. Ce poème présente d’autant plus d’intérêt qu’on retrouve une influence baudelairienne dans certains vers « Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord/Me plonge en une extase infinie et m’endort/Comme aux parfums mourants de mille cassolettes. ». La cigarette, en plus d’être l’objet révélateur de ses états d’âme va être un vecteur d’inspiration, l’usage du tabac est lié à sa condition d’écrivain comme chez Baudelaire.

Un peu de musique maintenant. Vous pourrez constater que j’ai choisi d’insérer le poème Le Grand Violon d’Henri Michaux, il trouve effectivement sa place par la personnalisation toute particulière du violon qui révèle leur intime complicité, mais plus particulièrement par l’angoisse sous-jacente au final à l’origine d’une distanciation, ce qui fait amène une réflexion sur la question du « moi » du poète.

Lecteurs, je vous ai gardé le meilleur poème pour la fin, bien qu’il soit certainement le plus difficile à éclaircir. Il s’agit d’un calligramme bien connu de Guillaume Apollinaire, Cœur couronne et miroir, portant beaucoup de traits caractéristiques du futurisme et de l’avant-garde. En suivant l’ordre suggéré par l’auteur on peut déchiffrer dans le cœur « Mon cœur pareil à une flamme renversée », dans la couronne on discerne « Les rois qui meurent tour à tour renaissent au cœur des poètes », et enfin dans le miroir, au centre duquel est inscrit « Guillaume Apollinaire », « Dans ce miroir je suis en clos vivant et vrai comme on imagine les anges et non comme les reflets ». Ce poème est particulièrement intéressant pour clore notre anthologie car par le cœur le poète nous montre qu’il nous influence sur notre manière d’envisager le monde, par la couronne que les poètes ont un devoir d’immortalité et enfin le miroir souligne le fait que l’auteur se distance du reflet simple et préfère se présenter comme une créature sainte.

Vous aurez donc bien compris les multiples formes que peuvent prendre le reflet de l’âme du poète par les objets, et l’intérêt de ces anthropomorphisations, mais désormais c’est à vous de vous plonger dans ce modeste recueil.

En espérant vous avoir éclairé sur ma démarche et que mon anthologie vous procurera autant de plaisir que j’en ai eu à la constituer,

S.P.

Sonnet du miroir de Louis d’Epinay d’Etelan (1604-1644)

Miroir, peintre et portrait qui donne et qui reçois,

Et qui porte en tous lieux avec toi mon image,

Qui peut tout exprimer, excepté le langage,

Et pour être animé n'as besoin que de voix;

Tu peux seul me montrer quand chez toi je me vois,

Toutes mes passions peintes sur mon visage;

Tu suis d'un pas égal mon humeur et mon âge,

Et dans leurs changements jamais ne te déçois.

Les mains d'un artisan au labeur obstinées,

D'un pénible travail font, en plusieurs années,

Un portrait qui ne peut ressembler qu'un instant.

Mais toi, peintre brillant, d'un art inimitable,

Tu fais sans nul effort un ouvrage inconstant

Qui ressemble toujours, et n'est jamais semblable.

Le masque de Valery Larbaud

J’écris toujours avec un masque sur le visage;

Oui, un masque à l’ancienne mode de Venise,

Long, au front déprimé,

Pareil à un grand mufle de satin blanc.

Assis à ma table et relevant la tête,

Je me contemple dans le miroir, en face

Et tourné de trois quarts, je m’y vois

Ce profil enfantin et bestial que j’aime.

Oh, qu’un lecteur, mon frère, à qui je parle

À travers ce masque pâle et brillant,

Y vienne déposer un baiser lourd et lent

Sur ce front déprimé et cette joue si pâle,

Afin d’appuyer plus fortement sur ma figure

Cette autre figure creuse et parfumée.

La cloche fêlée de Charles Baudelaire

Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,

D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,

Les souvenirs lointains lentement s'élever

Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux

Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,

Jette fidèlement son cri religieux,

Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente !

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis

Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,

Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie

Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts,

Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.

Notre vie est semblable à la lampe enfumée de Jean-Baptiste Chassignet (1571-1635)

Notre vie est semblable à la lampe enfumée,

Aux uns le vent la fait couler soudainement,

Aux autres il l'éteint d'un subit soufflement

Quand elle est seulement à demi allumée,

Aux autres elle luit jusqu'au bout consumée,

Mais, en fin, sa clarté cause son brûlement :

Plus longuement elle art, plus se va consumant,

Et sa faible lueur ressemble à sa fumée.

Même son dernier feu est son dernier coton

Et sa dernière humeur que le trépas glouton

Par divers intervalle ou tôt ou tard consume.

Ainsi naître et mourir aux hommes ce n'est qu'un

Et le flambeau vital qui tout le monde allume,

Ou plus tôt ou plus tard, s'éloigne d'un chacun.

Les Horloges d’Emile Verhaeren

La nuit, dans le silence en noir de nos demeures,

Béquilles

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