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Baudelaire : Les Fleurs Du Mal (1856)

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nants et envoûtants comme l'océan. Dans une de ses lettres au compositeur, en 1860, le poète célébra « la solennité des grands bruits, des grands aspects de la Nature » qu'il retrouvait dans ses ouvrages et dira éprouver, à leur audition « une volupté vraiment sensuelle et qui ressemble à celle de monter dans l'air ou de rouler sur la mer ».

La mer offre en effet ici l'idée de l'immensité et surtout du mouvement. L'allitération en labiales m, retirée quatre fois, insiste sur l'initiale commune de « musique » et de « mer » qui ont sur le poète l'effet d'un emportement total. « me prend » agit comme une prise de possession amoureuse ou maternelle. La modalité exclamative renforce l'élan de cet incipit. Par la suite, le mouvement sous toutes ses formes évoque les variations de la musique et les aléas du voyage en mer tous deux analogiques de la vie intérieure du poète en proie à la joie ou au long tourment. L'allusion à la nuit vers 7-8 (« les flots.que la nuit me voile ») montre que la sensation visuelle cède sa place au ressenti du mouvement pur (« j'escalade le dos. »). Un lexique ambigu vient servir cette figure de l'analogie qui, amorcée par une comparaison « comme une mer », s'épanouit en une vaste métaphore structurelle. Un verbe comme « vibrer » s'applique au trois domaines des sens : vibration des ondes sonores, de la coque du navire soumis à la colère des flots, et du système nerveux du poète qui est toute réceptivité. La métaphore structurelle et généralisée, qui travaille ce texte invite à s'interroger plus précisément sur la caractéristique du comparant, le voyage maritime. Qui subit ou vit ce voyage ? La figure dominante d'énonciation, le « je », apparaît d'emblée à travers le pronom personnel « me » et on note le rappel explicite de sa présence huit fois à travers les pronoms personnels (« je », « me ») et les adjectifs possessifs (« ma », « mon »). La première strophe peut laisser planer une ambiguïté sur ce « je » : est-il sur le navire ? « Je mets la voile » peut-être utilisé par un capitaine qui fait corps avec son bâtiment. Où est-il le navire lui-même ? La seconde strophe assimile le poète à une sorte de figure de proue (« la poitrine en avant ») tandis que les poumons se muent aux voiles. Une comparaison vient s'intégrer au vaste système métaphorique (« les poumons gonflés comme de la toile ») faisant du « je » un navire à part entière. En effet, il s'agit bien d'un voyage avec toutes ses composantes. La destination est représentée par « la pâle étoile » bonne ou mauvaise ? qui guide faiblement (« pâle ») ce voyage intérieur.

De même que la musique (ou la mer) le « prend », le poète prend la mer. Les occlusives dentales t -« vastes éther »- ou d -« de la toile »- soulignent le mouvement en force en force du départ, puis le corps à corps avec les flots. Le voyage en mer s'étale sur une très longue phrase (vers 2 à 13) dans laquelle la ponctuation intermédiaire des points-virgules permet de reprendre souffle. Dans les strophes centrales, les enjambements externes (vers 5 à 6 ; 8 à 9 ; 9 à 10 et 11 à 12) et internes (vers 7 et 9) renforcent l'impression de continuité du voyage. Ils abolissent rythmiquement la distinction entre alexandrin et pentasyllabe, qui est cependant évocatrice visuellement du mouvement des vagues, du flux et du reflux.

Baudelaire pose les jalons de la poésie modernes ou la disposition des mots des mots dans l'espace de la page blanche fait sens. Le navire-poète se déplace sur un élément complexe qui n'est pas seulement liquide mais comme animalisé (« j'escalade le dos ») est assimilé à une matière solide (« des flots amoncelés ») - comme l'indique la variante : « des grands monts d'eau »- dont on fait l'ascension avant de s'affronter à « l'immense gouffre », rappel, si nécessaire, du caractère imaginaire de ce voyage où la tempête ne présente pas des tourbillons mais des « convulsions », ou les abîmes sont ceux du coeur. Ce voyage évoque une musique mais surtout les sentiments et les émotions contrastées que celle-ci révèle et réveille dans l'âme tourmentée de Baudelaire.

Sans faire intervenir l'élément musical, Baudelaire a mis en scène dans un autre poème des Fleurs du Mal « l'homme et la mer » et a développé leurs analogies : « Homme libre toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame, Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. »(« L'homme et la mer »)Homme et mer sont également mystérieux et tourmentés ; quant à l'image du miroir, elle conclut le poème « la musique ». L'élément musical permet ici de faire jouer les trois registres : les sensations auditives, le parcours mouvementés et les états d'âme si changeants de l'homme incarné ici par le poète. On retrouve l'opposition entre spleen et idéal qui structure Les Fleurs du Mal. Le « vaste éther » ou l'air plus subtil fait songer au désir d'envol vers des mondes célestes où « l'esprit se meut avec agilité » (« Elévation »). Il est aussi question de l' « étoile », figure du destin. Le vers trois réunit idéal et spleen, sous les images du « vaste éther » et du « plafond de brume » qui évoque la coupole spleenétique des poèmes intitulés « spleen ». Le passage du voyage dynamique à l'immobilité à laquelle contraint la bonace est

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