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Commentaire d'arrêt conseil d'Etat CHU de guadeloupe

Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt conseil d'Etat CHU de guadeloupe. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  4 Avril 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  3 402 Mots (14 Pages)  •  359 Vues

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Bouzoubaa                                                                                      

Salma

2D1

Séances de travaux dirigés n° 7 et 8 :

« Les procédures d’urgence »

Exercice : Commentaire de l’ordonnance du Conseil d’État CHU de la Guadeloupe, ministre des Solidarités et de la santé, 4 avr. 2020

Dans un entretien accordé au Figaro, le président du Conseil constitutionnel a indiqué à propos de la crise liée au covid-19 qu’elle « n’autorise en rien que l’on mette entre parenthèses les droits et libertés. Il se peut simplement que la réalité d’une crise justifie que, de manière temporaire, ces exigences se concilient selon des modalités particulières ». La crise actuelle conduit-elle à ce que la jurisprudence du Conseil d’État soit rendue selon des modalités particulières ? La haute juridiction administrative, se prononce régulièrement en matière de référés (liberté comme suspension) à propos de la réglementation liée au covid-19.

Institué par la loi du 30 juin 2000, notamment pour concurrencer le juge judiciaire, le référé-liberté, inscrit à l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, a pour avantage de permettre au justiciable de saisir la juridiction administrative afin qu’elle se prononce dans un délai de 48h à propos d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Sans qu’existe une saisine au fond, le juge peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de la liberté fondamentale concernée bien que, en principe, les mesures prises en matière de référé soient provisoires.

Dans le document soumis à notre étude, le Conseil d’État, réuni dans sa formation contentieuse, a, par une ordonnance du 4 avril 2020, statué sur deux requêtes relevant appel de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe du 27 mars 2020.

En l’espèce, L’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe d’enjoindre à l’Agence régionale de santé et au CHU de la Guadeloupe de passer commande de 200 000 tests de dépistage de Covid-19 et de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine pour 20 000 patients. Par une ordonnance du 27 mars 2020, le juge des référés du Tribunal administratif de la Guadeloupe a accueilli la requête et a ordonné la mise en place de ces mesures.

L’Agence régionale de santé et le CHU de la Guadeloupe ont relevé appel de l’ordonnance du 27 mars 2020. En outre, le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe demande au Conseil d’Etat : d’annuler cette ordonnance ; et de rejeter la demande présentée par le syndicat UGTG devant le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe 

Le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe soutient que d’une part cette ordonnance est irrégulière, eu égard au caractère contradictoire des mentions qu’elle comporte quant à la formation qui l’a rendue ; que d’autre part, le syndicat requérant ne justifie pas d’une qualité lui donnant intérêt à agir ; et enfin qu’aucune carence caractérisée ne pouvait lui être reprochée ni dans la commande de tests de dépistage; ni dans la commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine

Par une ordonnance du 4 avril, le Conseil d’Etat annule celle du Tribunal Administratif de Guadeloupe. Auparavant, la Haute cour avait déjà, par trois ordonnances rendues 28 mars rejeté des requêtes formulées par des professionnels de santé et des particuliers, demandant des moyens supplémentaires dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, notamment des masques, des tests de dépistage, et la possibilité de prescrire de l’hydroxychloroquine. Dans son ordonnance du 4 avril, le Conseil d’État rappelle que la prescription du médicament est autorisée après décision collégiale de professionnels de santé, dans le respect des recommandations formulées par le Haut conseil de la santé public.

Les requérants demandaient une commande des doses nécessaires au traitement de 20 000 patients par hydroxychloroquine. La Haute cour constate que le CHU dispose d’un stock suffisant pour les patients bénéficiant actuellement de ce traitement ainsi que pour 200 à 400 éventuels nouveaux patients, en fonction de la durée du traitement, soit un nombre bien inférieur à celui demandé. Toutefois, elle rejette la demande, pour plusieurs raisons :  d’une part, le traitement, compte tenu de son encadrement, ne peut être administré qu’à un nombre limité de  patients ; et d’autre part plusieurs autres molécules font l’objet d’essais cliniques dont les résultats sont attendus prochainement.

En ce qui concerne les tests de dépistage, les requérants demandaient qu’il soit enjoint à l’ARS et au CHU de passer commande de 200 000 tests de dépistage du covid-19, correspondant à la moitié de la population de la Guadeloupe. Le Conseil rappelle le choix des autorités nationales d’établir des priorités dans la réalisation des tests, et rappelle qu’elles prennent les dispositions nécessaires pour accroitre les capacités de dépistages pour éviter de nouvelles contagions à l’issue du confinement.

        La question posée au Conseil d’Etat était celle de savoir si le CHU de la Guadeloupe avait commis une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant le recours au référé liberté ?

Le Conseil d’État annule l’ordonnance du TA de Guadeloupe. En effet, après avoir noté que le CHU réalise une centaine de tests par jour et dispose d’un stock de 1 500 tests, qui sera augmenté prochainement de 4000 tests supplémentaires et que 400 tests sérologiques ont été commandés, celui-ci considère que même si les commandes « ne couvrent pas les besoins à venir de la population », il n’existe pas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

I. La décision du Conseil d’Etat : un encadrement des droits et libertés en situation d’urgence

A. La notion de liberté fondamentale limitativement entendue

Dans cette décision, le juge des référés du Conseil d’État a annulé l’injonction du juge de première instance de passer commande des doses nécessaires au traitement des patients par hydroxychloroquine et azithromycine « en nombre suffisant pour couvrir les besoins présents et à venir de la population de l’archipel guadeloupéen » considérant qu’il n’existait pas en l’espèce d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. En effet, le Conseil d’Etat a limité la définition de libertés fondamentales et a ainsi rendu la possibilité d’aboutissement des référés liberté plus compliquée. La période particulière de l’état d’urgence sanitaire, pouvant conduire à d’importantes atteintes aux libertés par le pouvoir exécutif, aurait pourtant pu être l’occasion pour le juge d’entendre plus largement ce qui constitue une liberté fondamentale au sens du référé-liberté. Néanmoins, cela n’a pas été le cas. Ainsi, la jurisprudence relative à l’impossibilité d’invoquer le principe d’égalité seul en matière de référé a été maintenue (CE, 31 juillet 2017, Commune de Calais).De même, alors qu’il est très régulièrement invoqué par les requérants, en particulier lorsqu’ils demandent que la carence de l’État soit reconnue et qu’il lui soit enjoint d’agir, le droit à la santé n’a toujours pas été considéré comme invocable au sens de l’art. L. 521-2 du CJA. Cela est aussi le cas pour le droit au logement (CE,2 avril 2020, Fédération nationale droit au logement et autres)  (CE, 10 février 2012Fofana)

On constate donc  que le juge a maintenu sa jurisprudence d’après laquelle les droits-créances étant trop généraux, seuls certains droits plus précis peuvent constituer une liberté fondamentale. Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé que le droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé ou encore le droit à l’hébergement d’urgence (CE, 23 novembre 2015, Commune de Calais) constituaient des libertés fondamentales.

Néanmoins, comme il est possible de le constater en l’espèce, la jurisprudence concernant le principe de précaution reste encore floue. Alors que le Tribunal administratif de Guadeloupe a, le 27 mars, considéré qu’« en application du principe constitutionnel de précaution, il y a lieu de faire droit aux conclusions de l’UGTG tendant à ce qu’il soit enjoint au Centre Hospitalier Universitaire de la Guadeloupe (CHU) et à l’Agence Régionale de Santé de la Guadeloupe de passer commande de tests de dépistage du covid-19 en nombre suffisant pour couvrir les besoins de la population de l’archipel Guadeloupéen », le Conseil d’État, juge d’appel dans cette affaire, a complètement passé sous silence ce moyen des requérants. Le principe de précaution ne pourrait donc constituer une liberté fondamentale au sens de l’art. L. 521-2 du CJA. Pourtant, une ordonnance du 22 avril conduit à tempérer ce propos. En effet, si le Conseil n’aborde pas le principe de précaution au début de son ordonnance pour accepter ou rejeter son invocation, il précise toutefois à l’issue de celle-ci que « les requérants ne peuvent utilement invoquer le principe de précaution garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement de 2004 à l’encontre des dispositions critiquées »

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