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L'Art Selon Nietzsche

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'individuation de l'homme le coupe de la vie du cosmos dans sa totalité, son individuation est aussi en germe le principe de sa mort. Etre c'est être séparé de la vie et être pour périr. Mieux aurait valu ne pas naître. Dans une telle perspective, l'art nous permet de nous réconcilier avec le tout originaire et dans le même temps de prendre conscience et de supporter cette vision tragique de la vie. L'art est lié à une recherche existentielle, il prend sens dans cette perspective : la réponse de Silène est dans l'Origine de la tragédie, c'est-à-dire un ouvrage sur la naissance d'une forme artistique, la tragédie grecque. L'art n'est donc pas une discipline coupée des autres, un domaine juxtaposé à d'autres, il est au fondement de toute recherche existentielle subjective et sa compréhension nous livre la clé de la pensée de Nietzsche.

Dans son cours sur Nietzsche, Heidegger donne d'emblée le ton d'une interprétation d'ensemble de la pensée de Nietzsche : celui qui s'exprime sous forme d'aphorismes, de discours poétiques, est compris dans son sens au delà du caractère dispersif de ses écrits. Cette interprétation nous est précieuse car elle nous permet de comprendre le statut de l'art dans son sens philosophique, voire de l'art comme dépassement de la philosophie au sens classique du terme.

Heidegger part de l'ultime ouvrage de Nietzsche La volonté de puissance. « Comment Nietzsche considère-t-il et détermine-t-il l'essence de l'art ? .... L'art est une structure de la volonté de puissance. Si l'art en est l'une des structures et qu'à l'intérieur de la totalité de l'Etre, l'art nous offre un accès d'une manière insigne, il faut alors que la conception nietzschéenne de l'art nous permette aussi de comprendre ce que signifie la volonté de puissance. ».

Tout d'abord, qu'est-ce que la Volonté de Puissance ? Il ne s'agit pas de la volonté d'un individu, une volonté individuelle porte toujours sur une représentation de ce qui est voulu. Elle est volonté de quelque chose et non volonté de puissance comme vouloir-être non individualisé. La volonté de puissance est la force par laquelle tout être se maintient dans l'être, force qui échappe à la représentation (ce qui la distingue du conatus spinoziste) et qui se donne dans les manifestations des différentes existences. Heidegger synthétise : « Ce terme sert à désigner ce qui constitue le caractère fondamental de tout étant. La volonté de puissance est le dernier factum auquel nous aboutissons. », une sorte de fond métaphysique de tout être.

Pourquoi l'art est-il la structure dans laquelle elle se révèle cette volonté de puissance ? L'art est apparence, il donne à voir. La volonté de puissance se manifeste dans l'être. L'art peut doublement en révéler la structure au sens où l'art est manifestation et création. De plus, l'art est apparence esthétique : il se donne dans l'immédiateté, hors du concept. La Volonté de puissance n'est pas une volonté déterminée par les représentations de l'entendement. Elle ne se révèle pas dans le concept mais hors de lui. Elle se donne, elle advient à l'Etre. Elle ne peut donc se saisir que par une visée esthétique là où la philosophie reste muette.

L'art a pour Nietzsche une fonction métaphysique : il manifeste l'être. Il met ainsi en évidence le fait que cette saisie ne peut être qu'esthétique, intuitive et non conceptuelle. L'art ne va-t-il pas ainsi être conduit à remplacer la philosophie ? Faire de sa vie une œuvre d'art en deviendra-t-il pas le faîte de la sagesse ? Cette mise au premier plan de la signification métaphysique de l'art n'implique-t-elle pas une redéfinition du concept d'art qui risque de le rendre méconnaissable, de l'identifier à la force créative en général, force créative de la nature ou d'hommes dans l'histoire.... L'art révèle le fond de l'être, le tragique de l'existence. Il délivre un message métaphysique ou plutôt, il es tune révélation métaphysique. Il est un modèle existentiel : vivre en artiste, c'est-à-dire avec la connaissance tragique. Le problème étant cependant que l'on peut vivre peut-être vivre en artiste, affronter le tragique sans créer des œuvres d'art. Nietzsche lui-même écrit des œuvres de philosophie pas des œuvres d'art et Thomas Man porte un jugement très sévère sur la valeur poétique du Zarathoustra « une abstraction oscillant à la limite du ridicule ». (dans les Maîtres, La philosophie de Nietzsche). Malgré de belles expressions, il est effectivement difficile d'apprécier littérairement dans son ensemble une œuvre aussi excessive. Cela veut-il dire alors qu'il y aurait un art sans œuvres d'art ? Nietzsche est-il un artiste sans œuvres ou bien n'est-il que le prophète de son hypothétique Zarathoustra, le prophète du dépassement de la philosophie dans un art qui n'est encore qu'une figure mythique et imaginaire ?

Mais tout d'abord, attardons-nous sur cette connaissance tragique dont l'art se fait le révélateur.

L'art comme connaissance tragique : Apollon et Dionysos

Dès son premier écrit : La Naissance de la tragédie, Nietzsche affirme la fonction métaphysique de l'art : « je tiens l'art pour la tâche suprême et l'activité proprement métaphysique de cette vie. ». L'œuvre d'art ne représente pas un objet ou une scène de la vie, auquel cas, il aurait une fonction cognitive limitée et non une fonction métaphysique. L'art présente la vie elle-même au-delà des représentations que nous avons de certains aspects limités de cette vie. Le début du texte est significatif : « Nous aurons fait en esthétique un grand pas lorsque nous serons parvenus non seulement à la compréhension logique mais à l'immédiate certitude intuitive que l'entier développement de l'art est lié à la dualité de l'apollinien et du dionysiaque comme, analogiquement, la génération... dépend de la différence des sexes. ». Avant d'analyser la dualité dionysiaque-apollinien, il faut bien noter que le but est une certitude intuitive et non seulement une compréhension logique : on peut s'interroger sur le statut de la compréhension logique par rapport à la certitude intuitive : est-elle un préalable nécessaire ? Peut-on s'en passer ? Comment la certitude intuitive se valide-t-elle ? (on sait bien depuis Descartes que l'évidence doit être garantie). L'intuition esthétique de la vie pose problème et même si son sujet paye de sa vie, de sa santé mentale comme Nietzsche le fit, pour la valider en quoi est-ce une preuve pour celui qui souhaite plus modestement en rester à la compréhension logique ? En tous cas, la structure de l'art est saisie intuitivement. La connaissance qu'il pourra nous donner est donc une connaissance intuitive.

Par ailleurs, il s'agit de la structure de l'art et non de l'analyse d'une œuvre ou d'une catégorie d'œuvre. On aurait pu s'attendre à ce que Nietzsche ne traire que de la tragédie. Il s'agit de l'art dans son entier. La structure de l'art est renvoyée analogiquement à la reproduction sexuée : il y a création de vie à partir d'une réalité biologique. L'art est vital, il se développe naturellement : la vision artistique du monde fait partie pour Nietzsche de la vie de toute conscience humaine. L'art n'est pas un artifice ajouté par une culture inventive et raffinée. Il est un moment vital de l'existence. L'artiste crée comme la vie, avec force et spontanéité (qu'en est-il des brouillons jetés, éternellement recommencés, des longues hésitations avant d'écrire un mot ? On peut s'interroger sur la spontanéité créatrice de l'artiste.)

Nietzsche conçoit donc tout art sous la dualité apollinien-dionysiaque : l'art est contradictoire dans son fond. Il naît d'une opposition de deux principes, opposition qu'il ne faut pas cependant penser sur le modèle d'une dialectique conceptuelle dans laquelle les deux principes en tant que principes peuvent parvenir à une synthèse. Si synthèse il y a, pour Nietzsche, elle n'est jamais conceptuelle, c'est toujours à chaque fois le sujet qui doit payer de sa personne pour l'accomplir : c'est le cas dans la tragédie, plus encore dans le grand style dont nous reparlerons. L'art est donc plus sérieux que la pensée, il met à l'épreuve de la souffrance son sujet, il est ce grand jeu sérieux qui ébranle le sujet dans la totalité de son existence tandis que la conceptualité ne joue qu'en superficie. La dualité reste entière, chacun se doit de l'affronter en personne ; c'est pour cela que pour Nietzsche, il ne peut y avoir de fin de l'art. L'art recommence toujours avec chaque forme de vie.

Nietzsche commence par définir l'apollinien : la belle apparence, la mesure. Apollon est le dieu des formes. C'est ce qui caractérise le rêve : Nietzsche rappelle que d'après Lucrèce, c'est en rêve que les dieux aux formes parfaites se présentent aux hommes. Dans le rêve, la résistance de la matière disparaît. On se meut dans un monde de pures formes que rien n'affecte. Il s'agit

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