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La Technique Et Sa Morale

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source le souci moral de permettre à toutes les femmes de porter des enfants. La morale peut donc donner une impulsion à la recherche technique. Et les possibilités que la technique offre ne légitiment aucune fin. Que le clonage permette de cultiver des cellules ne justifie pas que l’on veuille cloner des humains pour s’en servir comme de doubles pour prélever leurs organes au fur et à mesure des besoins. En effet, la morale interdit d’utiliser une personne simplement comme un moyen.

Toutefois, la morale n’est peut-être rien d’autre que l’expression de la vie sociale. Or, celle-ci dépend de la technique. Dès lors, la réflexion morale n’est-elle pas transformée par la technique dans son développement ?

On peut en effet penser avec Marx que la morale ressortit à la sphère de l’idéologie. Pour le comprendre, il faut partir de l’idée que les hommes produisent leur existence avec des outils qu’ils ont eux-mêmes fabriqués de sorte que la séparation entre les fins et les moyens est une abstraction. En effet, l’usage de l’outil vise une fin qui est à chaque fois bonne ou mauvaise du point de vue moral. Chacun ayant une place déterminée dans la société se voit assigné à tel usage par rapport à la totalité du dispositif technique de la société. Un chasseur Guayaki tel que Pierre Clastres (1934-1977) le décrit dans La société contre l’État (1974) qui chasse mal met en péril sa tribu. Un chasseur dans notre société qui rate sa cible satisfait au moins les ligues de protection des animaux. La chasse n’est pas la même technique dans l’un et l’autre cas en ce sens qu’elle n’a pas le même rôle social.

Aussi, selon la technique dont ils disposent les hommes ne se posent-ils pas les mêmes questions morales. Ainsi à l’économie essentiellement agricole et à la civilisation urbaine de l’antiquité correspond une interrogation sur le bon usage de l’esclave. Et Aristote a pu soutenir dans le livre I de La Politique que certains hommes sont naturellement esclaves. Par contre, le capitalisme a amené la disparition de l’esclavage et son remplacement par le prolétariat, autrement dit par des travailleurs qui ne possèdent que leur force de travail qu’ils sont contraints de vendre sur le marché du travail. La morale a enregistré ce changement avec l’idée que tous les hommes sont libres. Par contre qu’il y ait toujours un groupe de chômeurs, soit une « armée de réserve industrielle » selon l’expression de Marx, qui permet aux salaires de ne pas être trop élevés, ne pose aucun souci moral. Mieux. Le travail étant pensé dans notre culture comme une obligation, le chômeur doit se sentir coupable de ne pas travailler.

Dès lors, les grands changements technologiques bouleversent la morale qui n’est rien d’autre que l’expression en terme de bien et de mal des conditions sociales d’existence des hommes. Déjà Montaigne dans ses Essais faisait dériver la conscience morale des mœurs. Il faut faire un pas de plus et dire que la technique en tant que force productive détermine les changements dans les rapports de production des hommes et donc leur morale comme le reste de l’idéologie, c’est-à-dire de l’expression consciente que les hommes ont de leur existence.

Pourtant, il paraît difficile de réduire la morale à l’expression de la technique puisqu’à la même technique dans une société peut correspondre des réflexions morales différentes comme le montre la richesse de la réflexion morale chez les philosophes de l’Antiquité. La morale paraît donc autonome. Dès lors, la technique ne transforme-t-elle pas la morale en ce sens qu’elle l’amène à prendre en compte de nouvelles interrogations et donc de nouvelles réponses ?

C’est que la morale, ce n’est pas seulement l’interrogation abstraite sur le bien, c’est surtout l’ensemble des jugements sur ce qu’il est bien ou mal de faire dans chaque cas. C’est pour cela que la morale est l’expression des mœurs. Et celles-ci dépendent de la technique. Prenons l’exemple des mères porteuses. Certes, il ne faut pas faire usage de l’autre comme d’un moyen. Est-ce le cas de la mère porteuse ? N’est-ce pas elle qui se donne pour aider un couple en détresse ? Ou bien le couple en mal d’enfants n’a-t-il pas simplement une volonté narcissique de faire un enfant biologiquement identique ? Le problème se pose à partir du moment où la technique est présente. De même, il est mal de tuer. Mais les bombes atomiques posent un tout autre problème que celui de l’usage des lances ou des arcs : il y va de la survie de l’humanité. Ainsi, la morale qui étymologiquement provient de “moralis” terme latin inventé par Cicéron dans le Traité du destin pour traduire le grec “éthikos” qui désigne la réflexion sur la meilleure vie possible. Mais cela ne change pas les principes essentiels de la morale dira-t-on ?

Nullement car ceux-ci n’existent pas. L’interdiction du meurtre peut rester la même mais la question de la responsabilité n’a pas le même sens pour le chasseur cueilleur de la préhistoire et pour un État possesseur de bombes atomiques. Dans ce dernier cas, il ne suffit pas de s’interroger sur les fins, il faut

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