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Le Rouge et le Noir, Stendhal« L'apparition singulière de Julien Sorel » (Extrait du livre premier, chapitre IV)

Fiche : Le Rouge et le Noir, Stendhal« L'apparition singulière de Julien Sorel » (Extrait du livre premier, chapitre IV). Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  7 Juin 2022  •  Fiche  •  1 899 Mots (8 Pages)  •  472 Vues

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Le Rouge et le Noir, Stendhal

Explication de texte n°1 : « L'apparition singulière de Julien Sorel » (Extrait du livre premier, chapitre IV)

Introduction

        Lorsque Stendhal publie Le Rouge et le Noir, en 1830, il a déjà toute une œuvre derrière lui : biographies d'artistes, critique esthétique, traités littéraires et psychologiques. Mais il est un romancier presque débutant : Armance, l'unique roman qui précède Le Rouge et le Noir, est un ouvrage très mince. Le Rouge et le Noir marque donc une étape capitale dans la création de Stendhal : son choix de la forme romanesque comme mode d'expression privilégié. Dans les premiers chapitres du roman, Julien Sorel, dernier fils d'un paysan enrichi par l'exploitation d'une scierie, sera engagé comme précepteur de ses enfants par le maire, M. de Rênal, noble conservateur et vaniteux. Julien, d'une constitution fragile, a été dominé et malmené par ses frères et son père. Pour sortir de son milieu, il ambitionne une carrière ecclésiastique. Mme de Rênal est impressionnée par Julien dès leur première rencontre. Celui-ci s'impose immédiatement comme précepteur et se fait respecter. [Présentation de l’extrait]: Dans l'extrait que nous allons étudier, M. Sorel, paysan rusé, vient annoncer à son fils que le maire veut l'engager comme précepteur. Une violente altercation avec Julien va se produire car ce dernier, juché sur une poutre en train de lire, ne se trouvait pas à son poste près de la scie hydraulique. C'est la première apparition du héros et d'emblée, on peut découvrir les oppositions flagrantes entre les différents membres de cette famille. (Problématique : comment le héros Julien Sorel apparaît pour la première fois de manière singulière dans ce roman ?)

Parcours de lecture :

I L'art du portrait en situation

-1 Une apparition significative (l.1-18)

Le 1er paragraphe du texte nous montre Julien dans un milieu hostile, et en butte à la violence de son père. La tournure emphatique de la 1ère phrase et la précision « deux ou trois fois » sous entendent que le père Sorel est exaspéré de ne pas trouver son fils à son poste de travail. Si Julien n'entend pas son appel, c'est parce qu'il est absorbé par sa lecture comme l'indique la tournure comparative aux lignes 1 à 2 « L'attention que le jeune homme donne à son livre bien plus que le bruit de la scie ». La voix retentissante du père est signalée à travers l'expression hyperbolique « la terrible voix» et accentue l'atmosphère tendue de cette scène. D'emblée le héros apparaît comme étranger au monde dans lequel il vit et tente d'y échapper en se plaçant en hauteur, posture symbolique qui renvoie à la volonté du personnage d'échapper à son milieu (= anticipation). La scierie est en effet décrite comme un lieu menaçant et infernal : les machines bruyantes « le bruit de la scie » ainsi que leurs mouvements « l'arbre soumis à l'action de la scie » (l.3).

-2 Un déchaînement de violence d'un père à l'égard de son fils (l.4-5)

Le père et le fils s'opposent violemment dans ce passage. D'abord, à l'immobilité de Julien répond l'agilité du père comme l'indique l'adverbe « lestement » (l.3). Jusqu'à la fin du paragraphe, celui-ci se manifeste uniquement par ses mouvements : il saute (l.3), frappe son fils (l. 4) puis intercepte Julien « le retint de la main gauche » (l.5). La répétition des mots « coup et « violent » (l. 4) accentue l'atmosphère pesante qui règne dans ce lieu. Le père Sorel lui porte même un coup à la tête (l.5) et le fait tomber de sa hauteur (« allait ...douze à quinze pieds plus bas » sans aucun scrupules). C'est une scène glaçante. La vision de ce père furieux contre son fils qu'il juge incompétent, incapable d'accomplir une simple tâche de surveillance, accroît l'attente du lecteur qui lui aussi cherche le héros « mal aimé ».

> Cette 1ère apparition du héros est singulière car Julien Sorel, personnage « aérien », perché en hauteur tente de s'évader d'un milieu rude et d'une famille brutale en se réfugiant dans un monde imaginaire, celui des livres. 

II Père et fils : un contraste saisissant (l. 8- 18)

-1 Deux caractères opposés (l. 8- 12)

Le passage au discours direct à la ligne 8 laisse entendre la colère du père à l'égard de son fils mais surtout laisse deviner le ressentiment qu'il nourrit vis à vis des intellectuels ; l'adjectif « maudits » (l.8) ainsi que la subordonnée conjonctive circonstancielle « quand tu vas perdre ton temps » (l.9) montrent son mépris pour la lecture et l'étude. Ce père décrit plus haut comme analphabète (« il ne savait pas lire lui même ») éprouve une certaine rancoeur pour ce fils si différent des autres hommes de la famille présentés avant ce passage comme forts physiquement et plus aptes aux travaux de la scierie. Il le traite de « paresseux » (l.8), car la lecture est à ses yeux une activité inutile et non rentable. À la ligne 10, même blessé par son père comme l'indique les expressions mises en apposition « quoique étourdi par la force du coup » et  « tout sanglant », il lui obéit (l.10-11). L'adjectif « officiel » est ironique et indique le mépris du jeune homme pour cette tâche. À la ligne 11, la tournure comparative ainsi que le verbe « adorait » (l.12) font apparaître Julien comme un personnage sensible, attaché à son ouvrage de manière presque religieuse.

-2 Un face à face inégal (l. 13-18)

Nullement affecté à la vue du sang sur le visage de son fils, à la ligne 13, l'interpellation violente du Père Sorel est de nouveau rapportée au discours direct. Il le traite d' « animal » et le traite comme tel (l.15-16). Le choix de l'instrument pour le battre « une longue perche pour abattre des noix » souligne son dégoût pour Julien. Il le malmène comme en témoignent les actions « le chassant rudement » ou encore « le poussa ». La rusticité du personnage s'oppose de nouveau à la sensibilité du jeune garçon qui ne réplique pas par la violence. Le lecteur est plongé à la ligne 16 dans les pensées du personnage, visiblement effrayé et inquiet (« Dieu sait ce qu'il va me faire ! »). Aux lignes 17 à18, la tournure emphatique dans la deuxième proposition, nous apprend qu'il lisait le Mémorial de Sainte-Hélène. Le choix du livre de Julien est significatif puisqu'il s'agit des mémoires de Napoléon Bonaparte, exilé dans l'île de Sainte-Hélène, dictés à Las Cases. Une telle lecture doit sous la Restauration doit rester secrète car le bonapartisme est mal reçu. Rappelons que Stendhal rédige ce roman entre 1828 et 1830, à l'époque même de son intrigue comme l'indique le sous-titre Chronique de 1830. Il inscrit le destin de son héros dans l'histoire contemporaine, quelque année après l'ascension puis la chute de Bonaparte devenu Napoléon 1er, sous la Restauration qui voit naître le romantisme et ses désillusions. Ce personnage est ainsi le reflet de Stendhal, un fervent bonapartiste.

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