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Rimbaud

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d) La personnification : trois personnifications (« chante », « follement », « fière ») décrivent la nature environnante comme une nature en fête ; la rivière notamment semble une fée dotée du pouvoir magique d’habiller d’argent les herbes qui l’environnent : l’oxymore « haillons / d’argent », appuyé par le rejet du vers 3, semble être là pour exprimer ce pouvoir de métamorphoser la pauvreté en richesse. On pourrait interpréter le décalage constant de la phrase et du vers, notamment dans le premier quatrain, comme une façon pour l’auteur de mimer l’exubérance joyeuse des éléments naturels. Enfin au vers 11 la « Nature » est magnifiée d’une majuscule, personnifiée par l’apostrophe, et implicitement comparée à une divinité maternelle.

> une nature gaie et heureuse

2) Le personnage

a) Champ lexical du corps et organisation de la description : en suivant le champ lexical du corps, on pourra observer comment s’organise la description du personnage. Le personnage est introduit dans le deuxième quatrain avec la mention de son identité (un soldat) et de son âge (jeune). Puis la description commence par le haut du corps : « bouche, tête, nuque » (2° quatrain), descend jusqu’aux « pieds » (1° tercet) et remonte jusqu’au cœur : « poitrine » (2°tercet) pour découvrir sa blessure : « deux trous rouges au côté droit ». Comme si le regard parcourait ce corps pour trouver son secret.

b) Champ lexical du sommeil et du calme (+ anaphores, + mises en relief par la versification) : le corps est allongé : cette information est répétée avec insistance (« la nuque baignant dans le frais cresson bleu » ; « il est étendu dans l’herbe » ; « dans son lit vert »). La 3° pers du verbe « dormir » est répétée trois fois, toujours en position privilégiée (en rejet en début de vers : v.7 ; en rejet après la césure* : v.9, en début de vers : v.13). Le thème du sommeil est repris par « il fait un somme » (v.10). Enfin, le rejet de « tranquille » se rapportant au nom « poitrine » (v.13-14) met spectaculairement en relief la même idée. La description de la bouche (« bouche ouverte », « souriant ») indique aussi la sérénité heureuse du « dormeur » (mot du titre). Tous ces indices visent à tromper le lecteur sur le sens réel de la scène, ils lui suggèrent une fausse piste.

c) Les expressions inquiétantes. Mais simultanément, on remarque que la plupart des termes décrivant le jeune homme sont ambivalents, c’est à dire qu’ils peuvent signifier aussi bien le repos que la maladie et la mort : « bouche ouverte », « pâle » ; « lit » ; « malade » Plusieurs détails suggèrent l’inconfort ou l’absence de sensations : « baignant dans le frais cresson bleu » ; « il a froid » ; « les parfums ne font pas frissonner sa narine » (qui ne sent plus ?) ; «sa poitrine tranquille » (qui ne respire plus ?).

> Deux hypothèses possibles sont entretenues par la description du personnage jusqu’au dernier vers.

Transition : Cette ambiguïté participe d’une véritable orchestration dramatique, que nous allons maintenant analyser.

II - Comment la composition et la versification du poème contribuent-ils

à l’effet de surprise recherché par le poète?

1) Une chute surprenante

a) Les raisons de la surprise. Pour celui qui lit le texte pour la première fois, le dernier vers ne peut manquer de produire un puissant effet de surprise. En effet, comme nous l’avons montré précédemment, les indications rassurantes ont été répétées avec une telle insistance, depuis le titre jusqu’à l’adjectif « tranquille », au début du vers 14, que le lecteur le plus attentif néglige presque nécessairement les indices contraires. Ces signaux alarmants sont perçus, bien sûr, suffisamment pour semer le doute, mais pas suffisamment pour permettre d’anticiper sur la révélation finale : « Il a deux trous rouges au côté droit ».

b) La mise en relief par la versification. L’effet provoqué par cette dernière phrase est d’autant plus saisissant que Rimbaud a eu l’idée de placer en rejet l’adjectif « tranquille », réduisant à neuf syllabes la dernière unité grammaticale du texte. La coupe forte occasionnée par le rejet produit une rupture qui détache cette courte phrase. C’est ce qu’on appelle une chute. L’art de la chute consiste à terminer un texte par une formule brève, inattendue, apportant un éclairage nouveau sur le sens du poème. Cette technique est traditionnelle dans le sonnet. Mais elle a rarement été utilisée aussi spectaculairement que dans ce poème de Rimbaud.

c) La nécessité d’une seconde lecture. Le changement de perspective opéré par le dernier vers est si radical qu’il implique nécessairement une seconde lecture du texte. En effet, cette fin valide toutes les inquiétudes qu’avaient pu faire naître certaines expressions et invalide l’interprétation optimiste de la scène. Prenant conscience d’avoir été abusé par une adroite stratégie d’écriture le lecteur est porté à refaire le chemin pour étudier la progression du texte et comprendre comment le piège a fonctionné.

2) La progression du poème

a) Un sonnet. Rimbaud construit son texte en respectant le cadre traditionnel du sonnet, forme poétique présentant 4 strophes (deux quatrains, deux tercets). Chacune des strophes possède en principe son autonomie syntaxique et constitue sur le plan du sens une étape du texte. C’est bien le cas ici. Chaque quatrain se termine par un point et contient une phrase. Les tercets contiennent deux phrases chacun. On notera, sans que ce détail ait une grande conséquence, que Rimbaud prend certaines libertés avec le système de rimes classique : il n’emploie pas le même jeu de rimes dans les deux quatrains et remplace les rimes embrassées traditionnelles par des rimes croisées.

b) L’ambivalence des indices dans la deuxième strophe. Sur le plan du sens, le premier quatrain est consacré à l’évocation du cadre, l’impression est entièrement celle d’une belle journée d’été où toutes les conditions sont rassemblées pour être heureux. Le deuxième quatrain présente le dormeur, et à y regarder de près, on est frappé par l’ambivalence des informations apportées par le texte. Ainsi, la nuque du soldat baigne dans le frais cresson bleu : cette fraîcheur, en plein soleil, peut être considérée comme un indice de bien-être ; mais inversement, si le cresson y pousse, c’est peut-être que le terrain est marécageux et dans ce cas, comment le soldat peut-il ne pas être gêné par l’humidité de l’endroit ? De même sa « bouche ouverte », indice possible d’un abandon voluptueux au sommeil, peut être interprété aussi comme le rictus de la mort. Sa pâleur est-elle le signe d’une beauté délicate ou de la maladie ? « Son lit vert » est-il un lit de repos ou de douleur ? Très habilement, Rimbaud a choisi des expressions permettant une double interprétation.

c) Tercets ; des indices de plus en plus clairs mais maintien d’une certaine ambiguïté. Avec les tercets se produit une nette évolution : les indices alarmants prennent le dessus.

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