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Analyse Et Commentaires Du Poème "Génie" D'Arthur Rimbaud.

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on « pas », comme s'ils étaient à ce point surnaturels ; et certaines expressions (comme « lui étant », « et étant aimé ») paraissent difficilement pouvoir lui être appliquées.

Ce que Rimbaud chante avec tant d'enthousiasme, c'est le « génie» des temps nouveaux, qui est à la fois « la force et l'amour » ; ce qu’il célèbre en lui, c'est la « fécondité de l'esprit » et l'« immensité de l'univers », autrement dit toute l'ère moderne qui voit (ou verra) l'abolition des « superstitions », les « migrations » de peuples (car la « célérité » de l'action et le dynamisme des êtres humains futurs font partie de cette vie moderne et du progrès), l'« amour » universel enfin, « mesure parfaite et réinventée », dont Rimbaud avait puisé la notion aussi bien chez les illuminés « progressistes» de 1870 que dans les livres de Michelet (voir ‘’À une Raison’’). Mais tout cela est incarné de manière symbolique dans un personnage aux dimensions cosmiques, qu’il appela ‘’Génie’’, et pour lequel il trouva un jaillissement d'expressions étonnantes, dont la beauté est souvent liée à l'éclatante obscurité. On peut signaler que Quinet, en 1842, termina ‘’Le génie des religions’’ par un chapitre qui n'est pas sans analogie avec ce poème. De son côté, Vermersch, dans son ‘’Grand testament’’, en 1868, avait décrit les génies de l'époque moderne, poètes et penseurs, comme « emportés par l'immense amour » qui les ferait voler « vers la lumière» et libérer l'être humain enfin « dégagé de sa misère» et de l'oppression religieuse.

Ce texte doit dater, très certainement, de la même époque « messianique» que ‘’À une Raison’’ : 1872-1873.

Très tôt, Rimbaud s'était essayé au poème en prose, incité, semble-t-il, par la lecture de Baudelaire. C'est vers le premier semestre de 1872 qu'il aurait composé ‘’La chasse spirituelle’’, manuscrit que nous ne connaissons que par la seule mention qu'en fait Verlaine dans une lettre à Charles de Sivry, en août 1878, et qu'on a voulu confondre avec les ‘’Illuminations’’.

La ferveur de ce poète de dix-huit ans ressemblait à celle d'un chercheur d'or trouvant la « veine » qui le sacre et justifie son existence ; et ce qui frappe dans cette œuvre, tout à la gloire de l'adolescence, c'est sa fulgurance et son intensité. Les références à des faits personnels ne manquent pas ; ils en constituent même la matière essentielle, intégrée aux émotions « vécues » de la lecture et de la fiction : relation en quelque sorte d'une poésie en acte où l’on retrouve les souvenirs d'enfance, les vicissitudes de la vie parisienne, les départs, les randonnées solitaires, les aspirations et les tourments antérieurs, le récent séjour en Angleterre en compagnie de Verlaine ; mais peu importe en fait, et il n'entrait sans doute pas dans le dessein du poète de se livrer à des confessions dans le style romantique, fût-ce en transposant symboliquement les lieux, les comparses et le héros. Que sont les ‘’Illuminations’’, sinon des exercices intérieurs prolongeant les exercices d'après nature des poèmes en vers. Un seul mouvement anime l'ensemble de ces textes : peintre de l'univers intérieur, Rimbaud allait bouleverser la conception encore superficielle de l'introspection, tenter de se donner dans l'immédiat et la totalité une image du monde et de lui-même, trouver l'essentiel. De là une forme particulière de langage, dont les termes s'articulent sur la coloration affective dont ils sont chargés, sans perdre pour autant leur réalité propre, la qualité concrète qui a suscité cette coloration, Ainsi naissent et jaillissent ces rapprochements inusités et ce rythme qui n'empruntait presque plus rien à la logique de la description réaliste. Car il ne s'agissait pas de rendre « réelle » une vision, mais d'accéder à la « vision » de la réalité, d'explorer jusqu'au bout (il alla même jusqu'à user d'alcool et de haschich) les méandres de l'imaginaire, en dehors de l'espace et du temps familiers. Mû et pensé par ses sensations, ses émotions, ses images (« On me pense »), il entend les orchestrer tout en s'y livrant et prendre ainsi possession de lui-même. Poésie ascèse si l'on veut, pensée qui veut se faire à travers les données des sensations désorganisées pour les mieux saisir dans leur pureté originelle et leur vérité première, afin peut-être de retrouver et de prouver l'extase des fêtes de l'enfance contredites et déniées par le présent. Iconoclaste, rejetant ou refusant les symboles appris et l'imagerie sentimentale héritée, éventrant les idoles pour trouver son dieu, il refit ses propres symboles et sa propre mythologie, se dégageant peu à peu du pathos et des motifs sentimentaux de l'Occident avec des accents et des intuitions nietzschéennes. Certains poèmes perdirent le caractère visionnaire du recueil et prirent le tour « pensé », éthique, d'’’Une saison en enfer’’.

Les ‘’Illuminations’’ furent la révolte en acte ; les délices du cri et les éblouissements : aphorismes cinglants, élans lyriques tronqués et ravalés, visions mystiques et prophétiques d'accent, golfes de tendresse soudain déployés sous le ravissement d'une aube d'enfance, plénitude et pureté anciennes que le poète ne put désormais que cerner ou traverser, rages. Dans ces poèmes, on retrouve encore la conception du Poète inspiré, de l'Élu, du Héros vaticinant et irresponsable, l'élan vers une pureté idéale et sa contrepartie non moins idéale d'impureté. Mais, chez Rimbaud, la soif d'essentiel et de vérité, la vigilance envers soi-même, affirmèrent et dénoncèrent à la fois les jeux les plus séduisants de l'imagination qui se consume dans la solitude de sa splendeur. Il sembla amorcer ici une expérience sur la nature même de son inspiration, et de trop bien la connaître lui fit perdre bientôt le goût de la cultiver ; emporté dans ce mouvement, irréversible sans l'acceptation de compromissions, il ne fit que se déterrer lui-même et se mettre au jour, changeant d'esprit et amenuisant peu à peu jusqu'au silence sa nécessité d'écrire (voir ‘’Une saison en enfer’’). C'est de ce même silence que les ‘’Illuminations’’ et l'œuvre entière de Rimbaud tirent un supplément de richesse, de résonance et de profondeur.

Ces quarante-deux courtes proses, qui étaient sans doute destinées à entrer dans une œuvre plus ample qui n’a jamais vu le jour, sont juxtaposées sans principe d'organisation. Le titre, apparu pour la première fois en 1878 dans une lettre de Verlaine, serait de Rimbaud lui-même qui aurait joué sur le sens anglais du mot « illuminations » qui signifie «enluminures». Il aurait songé à lui ajouter le sous-titre «painted plates» («gravures coloriées»). Le titre confère au recueil une tonalité polychromatique. En effet, les textes sont tout à la fois formés de narrations elliptiques (‘’Après le déluge’’, ‘’Conte’’, ‘’Aube’’, ‘’Royautés’’), de réminiscences lyriques (‘’Vies’’, ‘’Vagabonds’’, ‘’Jeunesse’’), de tableaux (‘’Les ponts’’, ‘’Villes’’, ‘’Marine’’), d'hymnes (‘’Antique’’, ‘’Génie’’). L'ensemble est traversé d'une série de motifs et de visions qui se font écho et procèdent d'un même propos apocalyptique et fondateur. Partout, la double image de la rupture et du départ place le «je» parlant à la lisière d'un monde chaotique, qui se recrée sur ses propres débris comme dans ‘’Après le déluge’’, ‘’Barbare’’, ‘’Conte’’, ‘’Aube’’ ou ‘’Départ’’. Rimbaud mêle les éléments cosmiques (‘’Marine’’), la nature et la culture, comme le symbolise, entre autres, la figuration de la ville moderne, Londres en particulier (‘’Ville’’, ‘’Villes’’, ‘’Métropolitain’’).

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