DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Corpus

Rapports de Stage : Corpus. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 12

ter. Mais enfin je sais bien que je n'ai jamais rien vu de si méchant2, Dieu me damne ; et Dorilas, contre qui3 j'étais, a été de mon avis. DORANTE L'autorité est belle, et te voilà bien appuyé. LE MARQUIS Il ne faut que voir les continuels éclats de rire que le parterre4 y fait : je ne veux point d'autre chose pour témoigner qu'elle ne vaut rien. DORANTE Tu es donc, Marquis, de ces Messieurs du bel air5, qui ne veulent pas que le parterre ait du sens commun, et qui seraient fâchés d'avoir ri avec lui, fût-ce de la meilleure chose du monde ? Je vis l'autre jour sur le théâtre6 un de nos amis, qui se rendit ridicule par là. Il écouta toute la pièce avec un sérieux le plus sombre du monde ; et tout ce qui égayait les autres ridait son front. A tous les éclats de rire, il haussait les épaules, et regardait le parterre en pitié ; et quelquefois aussi le regardant avec dépit, il lui disait tout haut : « Ris donc, parterre, ris donc ! » Ce fut une seconde comédie, que le chagrin7 de notre ami. Il la donna en galant homme à toute l'assemblée8, et chacun demeura d'accord qu'on ne pouvait pas mieux jouer qu'il fit. Apprends, Marquis, je te prie, et les autres aussi, que le bon sens n'a point de place déterminée à la comédie ; que la différence du demi-louis d'or et de la pièce de quinze sols9 ne fait rien du tout au bon goût ; que, debout et assis, on peut donner un mauvais jugement ; et qu'enfin, à le prendre en général, je me fierais assez à l'approbation du parterre, par la raison qu'entre ceux qui le composent il y en a plusieurs qui sont capables de juger d'une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d'en juger, qui est de se laisser prendre aux choses, et de n'avoir ni prévention aveugle, ni complaisance affectée, ni délicatesse ridicule. LE MARQUIS Te voilà donc, Chevalier, le défenseur du parterre ? Parbleu ! je m'en réjouis, et je ne manquerai pas de l'avertir que tu es de ses amis. Hai ! hai ! hai ! ! hai ! hai ! hai !DORANTE Ris tant que tu voudras. Je suis pour le bon sens, et ne saurais souffrir les ébullitions de cerveau de nos marquis de Mascarille10. J'enrage de voir de ces gens qui se traduisent en ridicules, malgré leur qualité ; de ces gens qui décident toujours et parlent hardiment de toutes choses, sans s'y connaître ; qui dans une comédie se récrieront aux méchants endroits, et ne branleront pas à ceux qui sont bons ; qui voyant un tableau, ou écoutant un concert de musique, blâment de même et louent tout à contre-sens, prennent par où ils peuvent les termes de l'art qu'ils attrapent, et ne manquent jamais de les estropier, et de les mettre hors de place. Eh, morbleu ! Messieurs, taisez-vous, quand Dieu ne vous a pas donné la connaissance d'une chose ; n'apprêtez point à rire à ceux qui vous entendent parler, et songez qu'en ne disant mot, on croira peut-être que vous êtes d'habiles gens.

1. Remarque moqueuse : une garantie était dite « bourgeoise » quand elle était fournie par une personne solvable. Le marquis est un aristocrate. 2. méchant : mauvais, sans valeur. 3. contre qui : à côté de qui. 4. le parterre : les spectateurs, qui n'appartenaient pas à l'aristocratie, s'y tenaient debout. 5. le « bel air » : les belles manières, celles des gens « de qualité ». Expression qui, après avoir été à la mode, s'employait souvent ironiquement. 6. Certains spectateurs, appartenant à l'aristocratie, prenaient place sur des chaises, de chaque côté de la scène. 7. chagrin : mauvaise humeur. 8. Remarque moqueuse : en homme de bonne compagnie, puisqu'il s'offre lui-même en spectacle au public..9. Fait allusion au prix payé par les spectateurs assis aux places « sur le théâtre », et par ceux qui sont debout, au parterre.10. Mascarille : ce valet, dans Les Précieuses ridicules, singeait les marquis, ainsi ridiculisés par Molière.

Texte B - Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac.

[Le premier acte est intitulé : « Une représentation à l'Hôtel de Bourgogne ». La didascalie initiale indique : « en 1640 ».]

[...]

LA SALLE Commencez !UN BOURGEOIS, dont la perruque s'envole au bout d'une ficelle, pêchée par un page de la galerie supérieure. Ma perruque !CRIS DE JOIE Il est chauve !... Bravo, les pages !... Ha ! ha ! ha !... LE BOURGEOIS, furieux, montrant le poing. Petit gredin ! RIRES ET CRIS, qui commencent très fort et vont décroissant. Ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! (Silence complet) LE BRET, étonné. Ce silence soudain ?... Un spectateur lui parle bas. Ah ?... LE SPECTATEUR La chose me vient d'être certifiée. MURMURES, qui courent. Chut ! - Il paraît ?... - Non ! - Si ! - Dans la loge grillée. - Le Cardinal ! - Le Cardinal ? - Le Cardinal1 ! UN PAGEAh ! diable, on ne va pas pouvoir se tenir mal !On frappe sur la scène. Tout le monde s'immobilise. Attente. LA VOIX D'UN MARQUIS, dans le silence, derrière le rideau.2 Mouchez cette chandelle3 ! UN AUTRE MARQUIS, passant la tête par la fente du rideau. Une chaise ! Une chaise est passée, de main en main, au-dessus des têtes. Le marquis la prend et disparait, non sans avoir envoyé quelques baisers aux loges. UN SPECTATEUR Silence ! On refrappe les trois coups. Le rideau s'ouvre. Tableau. Les marquis assis sur les côtés, dans des poses insolentes. Toile de fond représentant un décor bleuâtre de pastorale. Quatre petits lustres de cristal éclairent la scène. Les violons jouent doucement.LE BRET, à Ragueneau, bas. Montfleury4 entre en scène ? RAGUENEAU, bas aussi. Oui, c'est lui qui commence. LE BRET Cyrano n'est pas là. RAGUENEAU J'ai perdu mon pari5. LE BRET Tant mieux ! tant mieux ! On entend un air de musette, et Montfleury paraît en scène, énorme, dans un costume de berger de pastorale, un chapeau garni de roses penché sur l'oreille, et soufflant dans une cornemuse enrubannée. LE PARTERRE, applaudissant. Bravo, Montfleury ! Montfleury !

1. Le cardinal Richelieu, qui assistait parfois aux spectacles, et qui faisait régner son autorité sur les lettres et les arts. 2. Certains spectateurs, appartenant à l'aristocratie, prenaient place sur des banquettes et des chaises, de chaque côté de la scène. 3. L'éclairage aux chandelles exigeait qu'on les éteigne et qu'on les remplace fréquemment.4..Montfleury. cet acteur a véritablement existé, jouant notamment à l'Hôtel de Bourgogne, puis dans la troupe de Molière. 5. Ragueneau a parié que Cyrano, qui avait interdit à Montfleury de se produire « pour un mois », viendrait le chasser de la scène. Et, en effet Cyrano va faire bientôt son entrée.

Texte C - Paul Claudel, Le Soulier de satin.

PREMIÈRE JOURNÉE

[...]

Coup bref de trompette.

La scène de ce drame est le monde et plus spécialement l'Espagne à la fin du XVI°, à moins que ce ne soit le commencement du XVII° siècle. L'auteur s'est permis de comprimer les pays et les époques, de même qu'à la distance voulue plusieurs lignes de montagnes séparées ne sont qu'un seul horizon.

Encore un petit coup de trompette.Coup prolongé de sifflet comme pour la manœuvre d'un bateau.Le rideau se lève.

SCÈNE PREMIÈREL'Annoncier1, le Père Jésuite.

L'ANNONCIER - Fixons, je vous prie, mes frères, les yeux sur ce point de l'Océan Atlantique qui est à quelques degrés au-dessous de la Ligne2 à égaie distance de l'Ancien et du Nouveau Continent. On a parfaitement bien représenté ici l'épave d'un navire démâté qui flotte au gré des courants. Toutes les grandes constellations de l'un et de l'autre hémisphères, la Grande Ourse, la Petite Ourse, Cassiopée, Orion, la Croix du Sud, sont suspendues en bon ordre comme d'énormes girandoles3 et comme de gigantesques panoplies4 autour du ciel. Je pourrais les toucher avec ma canne. Autour du ciel. Et ici-bas un peintre qui voudrait représenter l'œuvre des pirates — des Anglais probablement — sur ce pauvre bâtiment espagnol, aurait précisément l'idée de ce mât, avec ses vergues et ses agrès5, tombé tout au travers du pont, de ces canons culbutés, de ces écoutilles6 ouvertes, de ces grandes taches de sang et de ces cadavres partout, spécialement de ce groupe de religieuses écroulées l'une sur l'autre. Au tronçon du grand mât est attaché un Père Jésuite, comme vous voyez, extrêmement grand et maigre. La soutane déchirée laisse voir l'épaule nue. Le voici qui parle comme il suit : « Seigneur, je vous remercie de m'avoir ainsi attaché... » Mais c'est lui qui va parler. Écoutez bien, ne toussez pas et essayez de comprendre un peu. C'est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau, c'est ce qui est le plus long qui est le plus intéressant et c'est ce que vous ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle.

...

Télécharger au format  txt (15.4 Kb)   pdf (131 Kb)   docx (11.8 Kb)  
Voir 11 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com