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Mme Bovary. Une Oeuvre Réaliste

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ts, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l’est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes ».

Flaubert démystifie un certain nombre de poncifs. La grande passion romantique qui emporte l’âme devient un mariage d’affaires où les sentiments sont sacrifiés à l’intérêt. Tout au long du roman, les questions d’argent empoisonnent les idylles successives d’Emma.

L’auteur de Bouvard et Pécuchet va surtout dénoncer les dangers du rêve qui dénature la réalité, de ce rêve éveillé que vit Emma et qui la conduira, d’abandon en lâcheté, à l’issue fatale pour avoir poursuivi un impossible idéal. Par exemple, lorsqu’elle est invitée à la Vaubyessard, elle pare un vieillard assez délabré de toutes les séductions de son esprit enfiévré parce qu’il a été un grand amant et qu’il a connu une existence romanesque. Plus loin, lorsqu’elle rêve de Paris, elle choisit inconsciemment les tableaux qui peuvent flatter ses chimères : là tout n’est que luxe, mystère, passion dévorante. « C’était une existence au-dessus des autres, entre ciel et terre, dans les orages, quelque chose de sublime. Quant au reste du monde, il était perdu sans place précise comme n’existant pas ». C’est alors que la perspective s’inverse, c’est l’exceptionnel qui devient ordinaire, tandis que le monde réel, banal est évacué, rayé de l’existence.

Les éléments proprement réalistes

Loin d’être seulement la critique d’une imagination enflammée, Madame Bovary présente les principaux éléments caractéristiques du réalisme.

Tout d’abord, comme nous l’avons noté plus haut, Flaubert n’a pas inventé la trame de son récit, il l’a tirée d’un fait divers. Comme un journaliste, il a enquêté sur place pour mieux comprendre les personnages qu’il allait mettre en scène. Il a amassé des documents pour atteindre à l’exactitude : il a lu des traités de médecine pour connaître les symptômes d’un empoisonnement par l’arsenic avant de décrire l’agonie d’Emma. Il n’a pas hésité à consulter un avocat pour ne pas commettre d’erreurs dans les désordres financiers de son héroïne non plus que dans leur règlement. Flaubert se livre à un véritable travail de bénédictin. Afin d’assurer la cohérence interne de son récit, en ce qui concerne la localisation des événements, il va jusqu’à dessiner un plan d’Yonville.

Au-delà de ce souci de vérité, Flaubert cherche l’objectivité avec cette « impartialité qu’on met dans les sciences physiques ». Il jette un regard quasi médical sur le monde qu’il décrit. Il essaie de peindre ce qui est visible. À défaut de pouvoir rendre toute la réalité, il choisit les détails pittoresques et justes. La cuisine du père Rouault est autant le lieu poétique où la lumière du soleil joue au travers les persiennes que l’endroit sordide où les mouches mènent leur bal répugnant. En arrivant aux Comices, « les fermières des environs retiraient, en descendant de cheval, la grosse épingle qui leur serrait autour du corps leur robe retroussée, de peur des taches ». Le détail est non seulement vivant, il est révélateur de la légendaire vertu d’économie normande. Comme un photographe, Flaubert apprend à connaître ses modèles de l’extérieur vers l’intérieur. Au travers des comportements, nous voyons peu à peu les caractères se dessiner. Flaubert nous convie à observer. Avec lui, nous devinons progressivement la timidité maladive de Charles Bovary, son incompréhension, son application bornée comme si nous étions les témoins amusés du chahut déclenché par l’arrivée du “nouveau”. Voilà posé l’essentiel de la personnalité de celui qui sera incapable de satisfaire et de comprendre sa femme ! De même la sensualité d’Emma nous est révélée, avant même qu’elle envahisse sa vie, par la manière dont la jeune campagnarde boit la liqueur par petits coups de langue gourmands.

Cette volonté de réalisme, nous la retrouverons aussi dans la façon de parler. Chaque personnage possède le langage de sa classe sociale, en accord avec sa psychologie. Ainsi le père Rouault s’exprime comme un campagnard madré ; ses propos sont émaillés de provincialismes tels que « la petite », « manger le sang », « chez nous » (pour "à la maison") et dévoilent sa compréhension aussi exacte qu’intuitive de la situation : il n’imposera pas au timide Charles l’aveu quasi impossible de sa passion. Lors de l’arrivée des époux Bovary à Yonville, Homais leur tient un discours où il se gargarise de termes savants pour impressionner son auditoire mais où, sous l’éloquence scientifique, percent l’intérêt et la stupidité.

Ensuite nous devons noter cette tendance continuelle à expliquer les caractères par l’influence du milieu et du tempérament. Comme un savant, Flaubert constate les lois biologiques qui régissent individus et sociétés. S’il insiste sur l’adolescence d’Emma, c’est que son héroïne est en partie conditionnée par ses expériences de pensionnat. Mais il faudrait ajouter que ces expériences ont elles mêmes un retentissement très personnel sur cet esprit mystique du fait des origines de l’enfant. Cette jeune paysanne qui lit Le Génie du Christianisme de Chateaubriand et y découvre le sentiment romantique de la nature, ne peut idéaliser ce qu’elle connaît fort bien : la campagne, aussi reportera-t-elle son lyrisme sur des paysages inconnus : la mer tempétueuse ou les ruines. Ainsi Flaubert veut-il montrer le déterminisme qui nous gouverne.

Enfin l’œuvre objective doit renoncer à l’hérésie du moralisme. Le roman n’a pas à défendre une thèse, il se doit d’exposer des faits. Au lecteur à tirer les leçons ! Le livre ne doit plus faire de concessions à un prétendu « bon goût ». Flaubert n’hésitera pas à heurter notre sensibilité par des détails insupportables lors de l’agonie d’Emma. Rien ne nous est épargné.

On peut dire que Madame Bovary par bien des côtés est une œuvre anti-romanesque. C’est l’histoire d’une déchéance assez lamentable, c’est aussi un examen clinique de la réalité. Ces deux aspects essentiels fondent son réalisme.

Pourtant Madame Bovary recèle des éléments romantiques

Le moi de Flaubert

Flaubert a mis beaucoup de lui-même dans son roman. Malgré un certain parti pris d’impartialité, il a pu aussi s’écrier : « Madame Bovary, c’est moi ! ». Ce cri a été interprété de plusieurs manières. Peut-être faut-il y voir d’abord le désir de Flaubert de couper court à l’enquête sur ces sources, à la part réaliste de son œuvre, en rappelant utilement la part de l’écrivain dans sa création. Flaubert a coulé dans son œuvre ses propres inquiétudes, ses manières de penser, sa matière personnelle. En particulier, comme Emma, il a éprouvé un goût immodéré pour la lecture. Au lycée de Rouen, « les pensums finis, la littérature commençait, et on se crevait les yeux à lire au dortoir des romans. On portait un poignard dans sa poche, comme Antony… Mais quelle haine de toute platitude ! Quels élans vers la grandeur ! ». Le jeune Gustave appelle les orages comme son aîné, René de Chateaubriand. Plus tard, le vice ne l’a pas quitté et, pour écrire Bouvard et Pécuchet, il dévorera plus de mille cinq cents volumes.

Le goût de la rêverie

Au détour d’une page, on le surprend à rêver de la belle manière, ce qu’il appelait son « infini besoin de sensations intenses ». Les lectures d’Emma, fades et niaises, déclenchent parfois en lui le désir de voyager comme l’évocation de « ces sultans à longues pipes, pâmés sous des tonnelles aux bras de bayadères, djiaours, sabres turcs, bonnets grecs… » (Il est parti d’ailleurs pour l’Orient). Il lui faut alors l’aide de l’ironie pour secouer l’esprit qui vagabonde et dénoncer l’invraisemblance et le poncif.

Un goût de la période

Chaque fois que Flaubert se laisse aller à la rêverie, la phrase prend l’ampleur et la cadence de la période romantique. Ainsi, la veille de sa fuite avec Rodolphe, Emma contemple la lune en compagnie de son amant :

« La lune, toute ronde et couleur de pourpre, se levait à ras de terre, au fond de la prairie. Elle montait vite entre les branches des peupliers, qui la cachaient de place en place, comme un rideau noir, trouvé. Puis elle parut, élégante de blancheur, dans le ciel vide qu’elle éclairait ; et alors, se ralentissant, elle laissa tomber sur la rivière une grande tache, qui faisait une infinité d’étoiles, et cette lueur d’argent semblait s’y tordre jusqu’au fond à la manière d’un serpent sans tête couvert d’écailles lumineuses. Cela ressemblait aussi à quelque monstrueux candélabre, d’où ruisselaient tout au long des gouttes de diamant en fusion. La nuit douce s’étalait autour d’eux ; des nappes d’ombre emplissaient les feuillages ».

Cet émoi de Flaubert devant un spectacle qui flatte son sens esthétique ne rappelle-t-il pas celui de Chateaubriand savourant la nuit dans les déserts du Nouveau Monde ?

Les émois de la passion

Parfois Flaubert éprouve une secrète délectation dans les plaisirs destructeurs de la passion romantique qu’il entend condamner. Là, point d’ironie qui vient briser le sortilège

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