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Histoire Des Peurs Alimentaires

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mplifier et les généraliser. Celles-ci prennent alors la forme contemporaine de crises ou de scandales[2].

L’histoire des peurs alimentaires est liée à une multitude d’acteurs. Ainsi, se succèdent bouchers, médecins, vétérinaires, chimistes, politiciens, gastronomes, hygiénistes, aéristes, etc. Chacun donnant sa définition du bon aliment : pour les uns, il n’y a aucun risque pour la santé, pour d’autres, il requiert une préparation pour enlever tout risques d’infections afin de le rendre délicieux en bouche, pour d’autres encore, il contribue à renforcer la santé générale de la population. Néanmoins, ces différentes définitions sont liées aux domaines professionnels des acteurs mais aussi des idéologies dominantes[3]. Ainsi, au XIXe, dans une France qui ne manque de rien, de nombreux médecins et hygiénistes préconisent la viande de bœuf comme aliment de première nécessité, donnant force et courage. Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire d’informer le consommateur du risque de tuberculose lié à l’ingestion de cette viande. De plus, les exemples rapportés dans ce livre permettent de se rendre compte de l’importance des lieux où se déroulent les négociations sur la sécurité alimentaire et les consensus qui en découlent. En effet, les débats confrontant spécialistes au monde profane donnent deux versions différentes sur la manière dont le risque est perçu. Une coupure nette s’établit entre ceux qui s’expriment publiquement – pour le bien de tous – et ceux qui restent muets, car tenus à l’écart. Mais avec l’essor de la presse au XIXe siècle, celle-ci donne un tout autre aspect à la construction collective du risque[4] : elle devient le champ des affrontements, de dénonciations. Ainsi médiatisé, le risque alimentaire devient banal. L’importance accordée au journaliste comme expert ou contre expert lorsqu’il s’agit de définir le risque alimentaire, son rôle devient important dans le sens où il devient le relais de celui qui était tenu à l’écart et au combien majoritaire : le consommateur.

Dans cette ouvrage, l’auteur tente de rendre compte des transformations subies par le consommateur, depuis le XIVe siècle jusqu’au début du XXe siècle. Alors qu’au Moyen âge, le lien entre le lieu de production et celui de consommation était omniprésent, le consommateur d’aujourd’hui est en rupture avec ce lien. Le consommateur du XXe siècle entre dans le règne des courts-circuits[5]. Il s’en remet à des intermédiaires qui, en son nom et pour son bien, vont l’informer, contrôler sa place, lui permettre de savoir sans voir. L’utilisation de ses cinq sens n’est plus requise. Bref, le consommateur ne sait plus vraiment ce qu’il mange. Pour Madeleine Ferrières, le consommateur n’existe pas, il se fond dans des pratiques locales, individuelles et insaisissables. C’est dans cet état d’esprit que les différents acteurs sur le terrain mettent sur pied des recherches pour démontrer le bien fondé des produits, édictent des lois pour la santé de tous, etc. De ce fait, les besoins et les attentes du consommateur sont alors définies en fonctions des intérêts et des causes à promouvoir, des idéologies à défendre.

Au-delà des peurs, il y a la peur, c'est-à-dire ce sentiment d’insécurité alimentaire qui s’étend et s’exprime de façon parfois proche du nôtre, et souvent différemment. Selon l’auteur, elle varie dans le temps en fonction de trois paramètres. Le premier est la faim, la peur de la pénurie. Actuellement, l’angoisse du mangeur se mobilise sur la question de la qualité sanitaire. Mais lorsque qu’une crise ou une guerre s’annonce, on voir ressurgir les files d’attente pour l’approvisionnement[6]. « Le syndrome de la gondole vide », expression de Madeleine Ferrières pour qualifier l’expression la plus contemporaine du vieux stress alimentaire. La peur qui se porte sur la quantité et celle qui touche à la qualité varient en sens inverse, mais c’est la peur de manquer qui est la première. Le deuxième paramètre met en jeu l’espace. Il s’agit du circuit alimentaire, de cette filière du manger qui mène des champs à la bouche. L’autoconsommation rassure, on sait ce que l’on mange. Mais cette identification de l’origine et du parcours du produit n’est pas garantie de salubrité. Le dernier paramètre est celui du statut de l’aliment. Qu’attend-on de l’aliment ? qu’il soit salubre et bon pour la santé ? qu’il soit savoureux et donne le plaisir d’être à table ? ou les trois bienfaits en même temps : plaisir, gustatif, convivialité, santé[7] ? Chaque période, chaque culture met l’accent sur telle ou telle valeur. Toujours selon l’auteur, la peur alimentaire en occident n’inquiète pas, elle pousse à l’action. L’histoire des peurs alimentaires est celle des efforts des hommes pour évaluer, de réduire et de tenter de maîtriser les risques. Elle résulte de compromis. Compromis entre le principe de réalité et l’idéal de sécurité. Compromis entre les acteurs, l’administration et le public, plus tard la presse. Compromis entre les valeurs alimentaires différentes.

Dans son ensemble, l’ouvrage est très intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord, la recherche entreprise par Madeleine Ferrières met en avant la perception des peurs collectives, qui pour elle, est interprétée de manière un peu trop facile. Au fil des chapitres, il est difficile de croire que le fruit d’une psychose irrationnelle comme l’histoire de la vache folle, est révélatrice des angoisses d’une population repue mais ignorante. Dans ce sens, il est essentiel de prendre en compte les contextes et de reconnaître qu’il ne suffit pas d’informer ou bien d’expliquer pour gagner la confiance de la population, surtout quand il s’agit du domaine alimentaire. En observant les contextes socio-historiques, on se rend compte que l’information véhiculée n’est jamais neutre même si elle prétend à l’objectivité[8]. Ensuite l’auteur met en garde contre certains raccourcis : « Au-delà de la peur de manquer, il y a la crainte de manger du corrompu et du malsain ». De part cette phrase, il est évident que le souci de la qualité peut coexister avec la peur de la pénurie, même si celle-ci est première. Enfin, le rapport à la science, comme outil permettant d’ouvrir l’histoire des représentations sur les réalités est posé. Seules les connaissances scientifiques sont aptes, en dernier lieu, d’établir la réalité des risques. Mais cette affirmation pose deux problèmes. D’une part, il y a une rupture entre une époque pré-scientifique et une ère

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