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L'Europe Se Met a Table

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elle de chevreuil aux pommes farcies d’airelles, choucroute, saumon cru mariné, smorgasbord, zakouski, borchtch, bitokes, kacha, goulash, Wiener Schnitzel, Strudel, mézès, souvlakia, tarama, moussaka, irish stew, eggs and bacon, porridge, plum-cake, puddings, … . Diversité dans l’unité, l’Europe peut trouver un aperçu de ses richesses dans ses cuisines nationales. Le patrimoine culinaire européen regroupe un ensemble de cultures qui ont été soumises à deux mouvements antagonistes : l’un unifiant qui tente à composer un patrimoine homogène où se retrouvent des mêmes recettes, mêmes aliments, mêmes modes de cuisson, des saveurs régionales qui se sont dispersées, des talents qui se sont superposés, … et l’autre, différenciateur, qui insiste sur les spécificités locales, régionales ou nationales (chaque culture a une cuisine propre qui s’organise sur la récolte, la combinaison, la préparation, la cuisson et la préparation des aliments). Ainsi, on peut citer, comme exemple de courant différenciateur, la Réforme protestante (le « mangez comme bon vous semble » de Luther qui nie toute légitimité aux dispositions ecclésiastiques en matière alimentaire, et les transfère au choix et à la conscience de l’individu) qui va favoriser les cultures nationales en abrogeant les normes alimentaires (comme par exemple le carême, l’alternance viande/poisson, graisses animales/huile végétale) de l’Eglise romaine qui avaient contribué à fondre les usages alimentaires du continent dans un même contexte culturel et avaient constitué un puissant facteur d’unité de l’Occident médiéval. Le patrimoine culinaire européen se retrouve donc dans la diversité des cuisines mais aussi, bien entendu, dans ses fondements communs. Parmi ces fondements récurrents, il y a des recettes, des aliments (comme les tourtes farcies, les pâtes sèches, les pot-au-feu, la technique du fromage affiné qui pourrait presque être mise en exergue comme produit typiquement européen, etc.) qui ont suivi le chemin des campagnes militaires, des échanges commerciaux, des migrations de population, des alliances nationales, des liens entre monastères, … mais il y a aussi le fait que des cultures étrangères ont nourri et continuent à nourrir notre patrimoine commun. Que ce soit, suite à la conquête des Océans par les Européens, quand des mêmes produits ont déferlé sur l’Europe (par exemple : la pomme de terre, la tomate, le haricot, les épices, etc.) et qui bouleversèrent les régimes alimentaires des Européens ; ou par les nombreuses civilisations qui se sont croisées et superposées en Europe et qui ont chacune apporté leur pierre à l’édifice que constitue notre patrimoine culinaire. Ainsi, par exemple, le blanc-manger, qui, s’il est sans doute d’origine arabe, constitue, du 13ème au 15ème siècles, un facteur de cohésion dans la culture culinaire européenne. Ce plat - à base d’ingrédients tous blancs (riz, lait, lait d’amande, …) dont les traités de cuisine européenne nous proposent une infinité de variantes - que l’on retrouve du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest de l’Europe, se conjugue avec les aliments régionaux (dans sa diversité) tout en maintenant une unité de patrimoine.

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Pour plus d’informations, nous vous conseillons de vous référer à « Tables d’hier, tables d’ailleurs » (JeanLouis Flandrin, Jane Cobbi, éditions Odile Jacob), « Traité de l’alimentation et du corps » (Gérard Apfeldorfer, Flammarion), « La faim et l’abondance » (M. Montanari) et bien sûr au cours « L’Europe se met à table » écrit par Liliane Plouvier dans le cadre de notre projet.

Un patrimoine culinaire ne veut donc pas dire que nous détenons une exclusivité sur certains produits, certains modes de cuisson, … mais que nous partageons certaines mêmes habitudes qui constituent un fond culturel commun qui s’est bâti au cours des siècles. La cuisine a toujours été un élément unificateur - pacificateur - ; la nourriture, un objet d’échange, de partage qui crée un lien avec l’autre. A table, on parle, on écoute, on se découvre, on abandonne ses armes (notons que seul en Europe (cf. plus loin) le couteau reste à table, ce qui eut pour conséquence que les mets ne devaient pas être prédécoupés en cuisine mais qu’ils pouvaient l’être sur la table ou dans l’assiette et que leur cuisson pouvait être différente). La table – même si elle est le reflet d’une certaine culture commune – est avant tout ouverture aux autres. Bien sûr, il y a des grandes lignes de démarcation entre les différentes civilisations. D’une manière générale, pour distinguer les continents entre eux, nous pouvons dire que l’aliment principal est le riz en Asie ; le mil, manioc ou banane-plantaire en Afrique ; le maïs au Mexique ; le pain dans l’Europe médiévale et moderne. Nos habitudes alimentaires mènent sans nul doute à une identité, un patrimoine commun. Il y a eu l’Europe qui sentait le hareng et la morue ; l’Europe qui survivait grâce à la pomme de terre ; l’Europe de la bouillie de céréales et du pain ; l’Europe des fromages et des charcuteries ; l’Europe des antipasti, tapas, mézès, amuses-bouche, zakouski, … ; l’Europe qui boit son café, thé ou chocolat chaud au petit déjeuner, etc. Définir avec précision ce patrimoine culinaire européen, est une tâche trop vaste pour cette présentation. Nous nous bornerons donc ici à donner un goût d’Europe (la gastronomie n’est pas une science exacte mais un art qui se juge plus au nez qu’à la balance), à suivre quelques grandes routes qui nous donnerons une idée de la « substantifique moelle » de notre topographie culinaire, à brosser un tableau nuancé de ce puzzle gastronomique qui réunit cette panoplie de coutumes alimentaires. Notons aussi que tout autant – si pas plus – que par ses aliments et ses recettes, le patrimoine gastronomique européen se distingue par ses manières de table, par les rituels codifiés qui nous font asseoir, dans une salle à manger, autour d’une table recouverte d’une nappe où sont dressés assiettes, verres et couverts (cuillère, fourchette et couteau), pour partager en même temps que des aliments une certaine idée de la sociabilité, de la convivialité, de la temporalité (selon des rythmes quotidien, hebdomadaire, saisonnier, annuel où se mêlent le religieux, le gastronomique, le médical, le saisonnier). Mais trêve d’avant-goûts et faisons place à la symphonie des mille et une recettes historicogastronomiques du copieux « l’Europe se met à table » écrit par Liliane Plouvier.

Alain Keseman

“L’Europe se construit. C’est une grande espérance. Elle ne se réalisera que si elle tient compte de l’histoire: une Europe sans histoire serait orpheline et malheureuse. Car aujourd’hui vient d’hier et demain sort du passé.” (Jacques Le Goff)

AVANT-PROPOS

La cuisine est un domaine ayant longtemps été négligé par les chercheurs. Depuis les écrits de Fernand Braudel, la vie matérielle des sociétés passées est devenu un centre d’intérêt essentiel. L’alimentation en constitue un des aspects primordiaux. Mais les pionniers de cette nouvelle approche historique, dont les travaux paraissent dès les années 1960-70 dans les Annales, se préoccupaient avant tout des questions de ravitaillement et du problème des rations alimentaires. Les résultats de leurs recherches se révélèrent finalement décevants. Aussi bien le professeur Jean-Louis Flandrin a-t-il décidé, en collaboration avec son équipe pluridisciplinaire de l’E.H.E.S.S. à Paris, d’entreprendre une démarche radicalement différente. Depuis une quinzaine d’années, l’éminent professeur et ses disciples portent leur attention sur l’étude des livres de cuisine et ont ainsi réuni des dizaines de milliers de recettes. L’analyse de celles-ci accompagnée de leur mise en exécution a permis de tirer des conclusions pertinentes à la fois sur les goûts et les choix alimentaires de nos ancêtres. Un nouvel enseignement a dès lors fait son entrée à l’université : la gastronomie historique. Restée pendant longtemps monopole des journalistes et autres spécialistes de l’anecdote, elle ne véhiculait que des lieux communs. Citons l’exemple célèbre des pâtes alimentaires qui auraient soi-disant été introduites par Marco Polo en Italie au 13e siècle, alors qu’elles y étaient connues depuis belle lurette... En érigeant la gastronomie historique en discipline scientifique à part entière, Jean-Louis Flandrin a notamment permis d’éclaircir l’évolution du paysage alimentaire de l’Europe; il a corrigé les erreurs aussi innombrables qu’indéracinables colportées à son sujet par des professionnels étourdis et des dilettantes consciencieux. Ceci dit, nous ne cherchons ni à concurrencer ni à remettre à jour la remarquable étude sociologique et philologique faite par le regretté Léo Moulin et portant le même titre. La présente Europe à table n’est donc pas une nouvelle version de la première. Tout au plus la complète-t-elle, puisqu’elle possède un tout autre objectif : elle vise, via une approche historique, à donner un aperçu de l’évolution des pratiques culinaires en Europe. Massimo Montanari nous a déjà livré une histoire de l’alimentation en Europe: La faim et l’abondance. Mais son objectif est beaucoup plus ambitieux que le nôtre. A travers l’étude diachronique des aliments, des systèmes de production et des modèles de consommation, il embrasse l’histoire entière de la civilisation européenne. Ses multiples

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