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Syndrome Du Chien

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r-Ségalen Bordeaux II (France).

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À partir de cette analyse, nous postulerons la nécessité de mettre en place dans les IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) des modules de formation en lien avec la notion de culture et plus particulièrement avec les cultures représentées par les principaux groupes minoritaires de France. Il ne s’agit bien évidemment pas de considérer ces cultures comme des entités figées, mais plutôt comme des phénomènes socialement construits, dynamiques et en perpétuelle reconstruction. La connaissance minimale de ces cultures par les agents scolaires peut alors être considérée comme une condition, certes insuffisante, mais nécessaire pour lutter contre la violence et les déviances à l’école.

Un point de vue ethnique

Depuis quelque temps, il semblerait qu’en France l’interprétation d’un certain nombre de problèmes sociétaux, notamment dans le champ scolaire, se fasse à partir d’un glissement des facteurs sociaux vers des facteurs ethniques. Là où autrefois on rattachait les perturbations au sein de l’école à des différences culturelles définies à partir d’un clivage des classes sociales, on les interprète aujourd’hui sous l’angle de différences culturelles à connotations ethniques. Si l’institution scolaire était, selon Bourdieu, l’instrument principal de la domination d’une classe sur les autres et de la reproduction des clivages, beaucoup s’entendent pour affirmer que cette même école, si elle continue à participer à la reproduction des inégalités, est désormais entrée dans une phase de production de celles-ci qui peuvent maintenant être de nature sociale mais également ethnique. La concentration dans des espaces urbains confinés de populations issues de l’immigration, la fuite des classes moyennes des établissements scolaires de ces quartiers, l’impossibilité des populations les plus déshéritées à en sortir créent des zones ethniques et ethnicisent les établissements scolaires qui y sont présents. Ainsi, des pratiques culturelles ou religieuses émergent au sein de l’espace scolaire laïque et font preuve d’une visibilité qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes.

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Ethnicité et culture

La plupart des chercheurs contemporains s’entendent pour considérer la culture comme une conséquence de l’ethnicité et non comme un élément de sa définition, du moins pour ceux qui s’inscrivent dans un courant dynamique et interactionniste. En effet, on ne peut pas considérer que ce soit la spécificité culturelle objective des populations qui définisse leur ethnicité, car le sentiment d’appartenance au groupe se base plutôt sur la croyance par ses membres dans l’existence d’une continuité culturelle. L’introduction, en particulier par Roger Bastide, du concept d’acculturation et son développement ont permis de penser autrement la culture qui s’inscrit alors dans un renouvellement conceptuel. Désormais, elle est considérée comme un « ensemble dynamique, plus ou moins (mais jamais parfaitement) cohérent et plus ou moins homogène. Les éléments qui composent une culture, parce qu’ils proviennent de sources diverses dans l’espace et le temps, ne sont jamais totalement intégrés les uns aux autres. Autrement dit, il y a du “jeu” dans le système. D’autant plus qu’il s’agit d’un système extrêmement complexe. Ce jeu est l’interstice dans lequel se glisse la liberté des individus et des groupes pour “manipuler” la culture » (Cuche, 1996, p. 66). Par conséquent, la notion même de « pureté » des cultures est remise en cause, dans la mesure où la culture « à l’état pur », identique depuis toujours à elle-même sans jamais avoir connu d’influence extérieure, aussi minime soit-elle, n’existe pas. Le processus d’acculturation est donc considéré comme un phénomène universel (avec des formes et des degrés divers) qui induit l’existence de contacts tout aussi universels entre les cultures. Dès lors, ces dernières ne peuvent plus être approchées comme des ensembles parfaitement homogènes et purs qui se seraient construits dans une continuité sans failles. Toutes sont, à des degrés divers, des cultures « mixtes » dont la continuité serait, tel que l’a montré Roger Bastide, plus du côté de leurs situations spatiales que de leurs évolutions historiques. Souvent, il y a plus de discontinuité au sein d’une même culture entre les différentes phases de son évolution historique qu’entre des cultures en contacts prolongés qui peuvent alors faire preuve d’une certaine continuité. C’est d’ailleurs habituellement dans les périodes de crise que la revendication de la continuité d’une culture apparaît ; elle s’inscrit alors plus du côté de l’idéologie et du mythe que de la réalité.

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Cependant, on ne peut nullement dissocier l’ethnicité et la culture et l’on ne peut pas considérer l’existence de cette dernière en amont du phénomène ethnique. C’est particulièrement le cas pour notre recherche, dans la mesure où notre objet porte en partie sur l’immigration, car, comme le rappelle justement A. Sayad (1999), on ne peut pas dissocier l’immigré de l’émigré. En effet, ces deux statuts font partie de l’individu comme les deux faces opposées sont constitutives de la même pièce de monnaie. Avant son arrivée en France, l’immigré fut d’abord un émigré porteur d’une culture qui n’est pas sans compter dans la construction de son ethnicité actuelle. C’est en cela qu’il nous semble important de souligner ce double statut de la culture qui se positionne certes en aval du phénomène ethnique, mais également en amont. Si l’étude des relations ethniques ne prend pas pour objet principal les différences culturelles dans les interactions sociales entre les groupes et les individus mais plutôt la façon dont ces différences se construisent et s’entretiennent et dont les identités se redéfinissent par les contacts culturels, cela n’exclut pas la nécessité de se référer aux schèmes culturels présents avant, pendant, et après le contact. En effet, si la culture ne représente pas un élément primordial de définition de l’ethnicité, elle n’en reste pas moins un des facteurs décisifs dans la construction de celle-ci. Certes, la culture ne tient pas toujours un rôle déterminant dans cette élaboration – tel est le cas semble-t-il de la nature du conflit dit « ethnique « qui a surgi entre Serbes et Croates lors du démantèlement de la Yougoslavie où la division entre les deux entités est difficilement imputable à une problématique culturelle objective – ; mais, concernant les Maghrébins, le facteur culturel, pris dans le contexte historique des relations entre la France et les pays d’Afrique du Nord, joue certainement un rôle important dans l’élaboration d’une logique ethnique. Autrement dit, nous ne pouvons pas faire l’économie de la prise en considération du fait culturel tel qu’il se présentait avant l’émigration ainsi que pendant et après celle-ci. Toutefois, la sociologie des relations interethniques n’est pas la sociologie de l’immigration. Loin s’en faut, tous les Maghrébins ne sont pas des immigrés et ils constituent un groupe d’appartenance nationale. En accord avec J. Streiff-Fénart (1997, p. 60) il nous semble que l’on ne peut plus analyser le rapport entre « immigrés » et société française en termes d’immigration, la considérant sous l’angle de l’entrée de populations allogènes, mais qu’il faut considérer cette dernière en tant que processus de reproduction de l’altérité. Néanmoins, le caractère relativement récent de l’immigration maghrébine, qui s’étend sur environ

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trois générations, et dont une proportion non négligeable d’individus ont réellement migré, ne permet pas d’évacuer totalement la référence du fait sociologique de l’immigration. Appréhendé de la sorte, le fait culturel doit alors être replacé au sein de la problématique ethnique, c’est-à-dire sorti de son contexte ethnologique « traditionnel » (une race = une culture = une langue), pour être « sociologisé » et analysé dans une logique d’organisation sociale et de production des différences culturelles. C’est donc plus l’organisation sociale de la différence culturelle qui doit être analysée, à travers l’imposition et l’entretien de frontières ethniques qui permettent la permanence d’une séparation entre les membres et les non-membres. La théorie barthienne (in Poutignat et Streiff-Fenart, 1995), en réfutant toute dimension essentialiste des similitudes et des différences culturelles et en les considérant comme socialement organisées, nous offre un cadre d’analyse permettant ce changement de paradigme. L’ethnicité représente un cadre d’analyse des relations sociales et de leurs divisions ; la culture est donc un des éléments de ce système, qui revêt alors une importance variable suivant les conditions de développement du processus d’ethnicisation (contexte social, historique, politique) et suivant la nature des groupes concernés. Pour les Maghrébins, ce cadre semble constituer un élément important, avec la religion. Ce n’est donc pas une comparaison des cultures entre les groupes qui est importante, mais la façon dont cette culture est appréhendée et utilisée en tant que ressource dans la gestion et la construction des rapports sociaux et des interactions,

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