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r, -moins de 100 dans notre exemple- le ménage n’a qu’à envoyer la clef par la poste à sa banque et il est libéré de sa dette. La famille se retrouve alors sans toit et la banque avec un bien dont la valeur ne fait que baisser. Dès la fin de l’année 2005, les prix de l’immobilier ont marqué le pas et la baisse a commencé à l’automne 2006. De plus en plus d’américains se sont trouvés dans l’incapacité d’honorer les échéances. Et pourtant, j’insiste sur un point qui montre l’incroyable irresponsabilité des banques et des agences de notation chargées d’en évaluer la qualité,: la distribution de crédits « subprime » et leur transformation en titres financiers s’est accélérée alors même que le marché avait commencé à baisser !

3/ Comment ces crédits se sont-ils disséminés ?

Michel Aglietta.- Le marché des créances hypothécaires est le plus gros département du marché des capitaux aux Etats-Unis. Il est tout à fait crucial pour l’ensemble de la finance. Il est organisé autour de deux grandes agences parapubliques : Freddie Mac et Fanny Mae. Celles-ci collectent les crédits immobiliers consentis aux ménages dans tout le pays, puis elles les transforment en obligations qui sont vendues à l’ensemble de la communauté financière. Ainsi ce n’est plus la banque qui demeure créancière d’un ménage, mais indirectement, celui qui a acheté les titres émis par ces deux institutions. Et cet investisseur peut se trouver aussi bien à Wall Street, qu’à Tokyo ou Paris. Jusqu’en 1998, le processus était très contrôlé par les deux agences. Elles garantissaient les crédits qui respectaient certaines normes de qualité. C’est pourquoi ils sont appelés « prime ». Les ménages qui ne rentraient pas dans ces critères n’avaient pas accès à ce type de crédit. Au début des années 2000, les banques d’investissement de Wall Street ont utilisé la même logique pour les crédits « subprime ». Lorsque les défauts de paiements sur les crédits subprime se sont multipliés et ont provoqué la faillite de la banque Bear Stearns en mars 2008, le trésor a autorisé – car cela n’était dans leur statut - les deux agences Freddy Mac et Fanny Mae à acheter des créances subprimes. Il pensait que cela stabiliserait le marché des subprimes. En fait , cela n’a fait que détériorer le bilan des deux agences. Le montant des crédits que ces deux agences possédaient à leur bilan ou qu’elles garantissaient étaient de… $5400 milliards, alors que leur capital était de 81 mds, dont 70 constituaient le minimum réglementaire! Or les pertes déjà anticipées allaient détruire $53 mds. Il en a résulté un effondrement du cours de leurs actions par crainte d’un refus des prêteurs de renouveler leurs dettes. La situation était d’autant plus dangereuse que 1000mds de dettes de ces agences était détenues par des non résidents. En août 2008, la Banque centrale de Chine

parmi d’autres créanciers s’est mise à vendre des créances de ces deux agences. La menace d’une paralysie complète du marché immobilier doublée d’une crise du dollar a fait réagir les autorités. Le secrétaire au Trésor Henry Paulson a dû agir vite et nationaliser les deux agences, pour un coût qui pourrait atteindre 200 milliards de dollars (150 milliards d’euros).

4/ Quel est le rôle de la titrisation dans cette crise ? Michel Aglietta La titrisation est une technique financière consistant à mettre en pools des crédits individuels et à émettre en contrepartie des titres structurés en tranches selon un principe de subordination, de sorte que les tranches de risque plus élevé protègent les tranches dites « senior » lorsque les défauts sur les crédits du pool augmentent. Les banques d’investissement ont ainsi traité les crédits « subprime ». Ces opérations ont eu lieu hors de leurs bilans dans des sortes de banques parallèles (« conduits » et « special investment vehicles ») qui devaient revendre les produits de la titrisation à des investisseurs. Les banques d’affaires se disaient : j’achète un millier de prêts et, pour réduire le risque, je compose le pool avec des crédits faits dans des régions très différentes – Floride, Californie, Texas.... Les tranches senior paraissaient donc protégées par la diversification des crédits du pool. Ni les banques, ni les agences de notation n’ont envisagé une baisse généralisée des prix immobiliers sur tout le territoire des Etats-Unis. Mais la baisse immobilière et les défauts sur les crédits se sont renforcés réciproquement à cause des saisies des biens des ménages insolvables, biens que les banques s’efforçaient de vendre à perte. Les pertes se gonflant très vite, les tranches subordonnées ont été détruites et n’ont plus protégé les tranches senior ; ce qui a provoqué la défiance des investisseurs, gelé les transactions et empêché l’évaluation des titres, créant une énorme incertitude.

5/ Comment les banques ont-elles pu persuader les investisseurs d’acheter ces titres Michel Aglietta.- D’abord grâce au rôle des agences de notation. Il y a trois sociétés américaines (Moody’s, Fitch…) qui évaluent la qualité d’un titre ou la solidité d’un émetteur. Puis elles leur donnent une note. Comme les prêts regroupés dans les pools de crédits puis « titrisés » paraissaient bien diversifiés, les agences de notation estimaient que le risque global était peu élevé et elles ont accordé de bonnes notes aux titres émis. Ainsi les investisseurs institutionnels, les caisses de retraite, les fonds de pension, les compagnies d’assurance vie, se sont laissés séduire par ces titres qu’on leur présentait comme des produits pas plus risqués que les emprunts d’Etat mais rapportant 0,5 à 1% de plus. Ils ont vu dans ces obligations une manière de doper leur rendement. La mécanique s’est enrayée au printemps 2007. Les agences de notation se sont soudain réveillées. Elles ont abaissé la note de nombreuses obligations construites sur les pools de crédits hypothécaires qu’elles avaient auparavant évaluées AAA, la meilleure appréciation possible. Cette réévaluation du risque a tari la vente des titres par les architectes de la titrisation aux investisseurs. Ces titres sont devenus illiquides. Comme les banques parallèles n’avaient pas de dépôts, elles se finançaient à court terme sur les marchés monétaires et par des lignes de crédit fournies par les banques d’affaire. Elles ont alors rencontré les pires difficultés à refinancer leurs positions. C’est ainsi que la détérioration de la valeur des crédits a provoqué des crises de liquidité récurrentes que les banques centrales ont dû désamorcer en alimentant en urgence les banques.

6/- A combien estimez vous les pertes ? Existe-t-il d’autres bombes à retardement dans la finance américaine qui peuvent aggraver la crise.

Michel Aglietta.-. Les estimations du montant des pertes augmentent sans cesse. On les évalue dans une fourchette très large : entre 1000 et 2000 milliards de dollars. Les banques auraient déjà perdu environ 500 milliards des dollars, soit 360 milliards d’euros. Seulement, les pertes ne se limiteront pas aux crédits immobiliers. Il y a en effet d’autres bombes à retardement : il y aura aussi des pertes générées par les crédits à la consommation (achat de voitures…), que les américains ne pourront pas rembourser - aux Etats-Unis, le taux d’épargne des ménages est nul, alors qu’il s’élève à 15% environ en France-. Leur ampleur exacte dépendra de la gravité de la crise et de la récession que connaîtront les Etats-Unis. Cette crise financière provoque un ralentissement économique très fort, le développement du chômage, la contraction de la consommation. Il va s’ensuivre une forte baisse des profits des entreprises. Or de nombreuses entreprises se sont endettées dans les années d’euphorie, soit pour racheter leurs actions, soit pour financer des acquisitions. Les crédits aux entreprises servent de support à un marché dérivé très complexe de transfert des risques qui pèse 62.000 milliards de dollars, soit 20 fois le Produit Intérieur Brut de la France : c’est celui des « credit default swaps (CDS)». Ces instruments sont des assurances qu’un prêteur achète auprès d’une banque ou d’une compagnie d’assurance pour se prémunir contre le risque de défaillance d’un emprunteur. Ces produits dérivés transfèrent et disséminent le risque de défaut des crédits entre opérateurs. L’assureur AIG était devenu un acteur très important sur ce marché. En s’effondrant, il risquait d’entrainer dans sa chute beaucoup de monde. C’est pour cela que le gouvernement américain l’a nationalisé. Mais des défauts multipliés parmi les entreprises pourraient entraîner de nouvelles mauvaises surprises dans le marché des CDS.

7/ Quelles conséquences cette crise aura-t-elle sur la croissance en Europe?

Michel Aglietta.- Le premier effet sera la raréfaction du crédit. Les banques ayant toutes accumulé des pertes, leur priorité va être d’améliorer leur solidité financière. Soit elles émettent des actions pour augmenter leur capital – mais la période n’est pas idéale – soit elles reconstituent leurs marges en devenant plus restrictives sur le crédit. Et c’est déjà ce qui se passe. Il est de plus en plus coûteux pour les ménages et les entreprises d’emprunter. Pour les crédits risqués l’offre se raréfie. En outre, la crise immobilière touche aussi l’Europe, même si les mécanismes

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