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vage ». Ne devrait-on pas alors distinguer deux fonctions de l’art ? L’art viserait à nous spiritualiser, mais l’homme ferait de l’art un usage moins avouable, recherchant tout simplement le plaisir sensible ? On peut le penser, mais il faut remarquer que lorsque l’art nous « reconduit » au corps, au sensible comme tel (la musique de danse), il nous reconduit à notre corps d’une façon qui n’est pas naturelle. « Naturellement », nous prêtons relativement peu d’attention à notre corps ; nous nous en servons, et c’est l’objet de notre action qui concentre notre attention. Dans la danse le corps est empêché d’interagir de façon utile avec le monde. Son mouvement devient un but en soi. On a évoqué le tango, forme humaine de la danse nuptiale, plus exactement symbole de l’acte sexuel lui-même (un homme politique français du début du siècle disait : « Je ne savais pas qu’on pouvait faire ça debout »), qui libère une sensualité que l’acte sexuel ne comporte pas nécessairement, et qui se trouve métamorphosée par le fait qu’on s’interdit de donner aux sensations le prolongement qu’elles auraient « naturellement ». On peut préférer l’un ou l’autre, mais c’est un bon exemple de la façon dont l’art joue avec nos sensations. De toutes façons il s’agit bien de déjouer les pièges du « naturel » ou du biologique. Faire « durer le plaisir » est un fait de culture. En cela l’art est proprement humain. Il est donc ce par quoi l’homme « fait exception » dans la nature, ce qui est peut-être (attention au changement de sens) sa « nature ». Ici le texte de Merleau-Ponty (la notion « d’échappement ») pourrait revenir. Il n’y a donc pas un art qui nous reconduit au biologique et un art qui nous en libère. De toutes

façons, être reconduit au corps est un fait de culture - on pourrait presque dire qu’il n’est pas naturel de faire attention à son propre corps. Le culte du corps est un fait de culture, et représente lui aussi un affranchissement par rapport au biologique.

Ce qu’il fallait surtout penser ici, c’est que la question de l’art est avant tout une question de valeur. « Ce n’est pas de la musique » signifie en fait « cela ne vaut rien », « cela n’a pas d’intérêt », « cela ne correspond pas à ce que doit être la musique pour valoir quelque chose ». Ce genre de jugement suppose toujours l’idée de ce que la musique devrait être, elle-même reliée à une certaine idée de ce que la musique devrait produire. On sait que les jugements sur la musique témoignent souvent d’une inquiétude chez les parents. Écouter de la mauvaise musique, c’est se corrompre. Écouter de la musique de sauvage, c’est risquer de devenir mauvais, délinquant ou asocial, voire bestial, genre singe à capuchon. C’est reconnaître très profondément à l’art une fonction d’humanisation. L’art peut humaniser ou pervertir. On interdisait au début du siècle aux jeunes filles de lire les « mauvais romans ». Cette puissance de l’art lui est reconnue par tous, et c’est pourquoi les jugements sur l’art concentrent de tels enjeux, alors même que tous reconnaissent qu’ils sont légitimement relatifs à chacun. Derrière cette question, il y a donc celle de l’humanisation. Il est « essentiel » à l’homme, et sans doute à l’homme seul, de devoir travailler à réaliser sa propre nature. L’homme sera toujours sa propre œuvre, et ce qu’il sera, en ce sens, n’est pas défini par son appartenance biologique ou son patrimoine génétique. Et dans l’éventail que ces déterminations laissent ouvert, l’homme est le seul être à être susceptible de « se perdre » ou de « se sauver ». Vocabulaire religieux, dont il faut réfléchir le sens profane, anthropologique, ou philosophique. Autrement dit, l’homme pense qu’il ne réalise pas nécessairement son humanité. C’est la notion de nature qui prend ici un sens étrange : conformément à l’étymologie, la nature humaine, c’est ce qui doit advenir en chaque homme, mais qui peut tout aussi bien ne pas advenir, surtout s’il « se néglige ». C’est l’ambiguïté de l’étymologie : natura, en latin, est un participe futur ; mais en latin, le participe futur indique aussi bien ce qui sera que ce qui doit être. En français, quand vous avez un devoir « à faire » (ici le latin utiliserait un participe futur), cela signifie que le devoir devrait être fait, mais pas forcément qu’il sera fait. Pour un animal, sa « nature », c’est ce qu’il va être (un animal adulte), parce que si on ne contrarie pas son développement

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