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Stendhal Rouge & Le Noir

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lors des rares excursions à l’extérieur, pour attacher les tapisseries à l’intérieur de la cathédrale ou porter la lettre de l’abbé Pirard à l’évêque de Besançon. Arrivé à Paris, Julien est toujours en habit de prêtre : « ce jeune homme pâle et vêtu de noir » semble d’ailleurs « singulier aux personnes qui daignaient le remarquer » à l’hôtel de la Mole. Cependant, s’il ne connaît pas encore le rouge du titre, Julien va être l’objet d’une promotion, qui se manifeste directement dans les couleurs de son habit : le marquis de la Mole lui donne en effet la permission de porter un « habit bleu » lorsqu’il ne fait pas directement fonction de secrétaire. Avec cet habit bleu, il est considéré par le marquis comme un égal, pour son plus grand plaisir. C’est la seconde fois du roman que le héros voit son ascension marquée par un habit, la première étant le moment où Madame de Rênal lui confectionne un habit de garde d’honneur pour la visite d’un roi à Verrières, habit également bleu, qui permet à Julien « de quitter, ne serait-ce que pour un jour, son triste habit noir ». Le noir est donc dans Le Rouge et le Noir associé à la religion et au statut subalterne de Julien. Plus loin dans le roman, le héros est débarrassé de son habit noir, mis en dandy avec la plus grande élégance, puis habillé en uniforme de hussards, avant qu’il ne soit mis en prison. Le rouge est beaucoup moins présent dans Le Rouge et le Noir en tant que véritable couleur, que ce soit celle des habits ou celle de lieux du roman. Il y a cependant une décoration dont le ruban est de couleur rouge, la Légion d’honneur que le chirurgienmajor, premier père substitutif de Julien, lègue à son protégé. L’opposition amenée par le titre peut par conséquent être reliée à l’opposition explicitée par le narrateur au chapitre V entre carrière militaire et carrière ecclésiastique. Le rouge, couleur de la légion d’honneur, est le symbole de la carrière militaire quand le noir est celui de la carrière religieuse. Dès lors, la destinée de Julien va du noir (précepteur, séminariste, puis étudiant en théologie lorsqu’il est à l’hôtel de la Mole) au rouge lorsque le marquis de la Mole lui octroie la croix et, plus tard, lui donne un brevet de lieutenant de hussard. Cependant, la couleur rouge est aussi présente au chapitre V du livre premier lorsque Julien pénètre dans l’église de Verrières. Celle-ci est en effet décorée « d’étoffe cramoisie » qui crée, à la lumière du soleil, « un effet de lumière éblouissant, du caractère le plus imposant et le plus religieux ». « Julien tressaillit » à cette vue et s’assoit sur le banc de la famille Rênal. Plusieurs commentaires doivent être faits de ce passage ; en premier lieu, l’église de Verrières est celle, tendue des mêmes rideaux cramoisis, où Julien, à la fin du roman, tentera d’assassiner Madame de Rênal. Le rouge peut ainsi être considéré comme un présage de mort dans le début du roman, qui se réalise finalement à la fin : c’est le sang de Madame de Rênal que fera couler Julien au chapitre XXXVI du livre second. Mais ce passage montre aussi que le rouge a partie liée avec la religion : les rideaux cramoisis qui ont tellement marqué Barbey d’Aurévilly sont ceux de l’église de Verrières où se joue la première scène de dissimulation de Julien qui juge qu’il « serait utile à son hypocrisie de faire une station dans l’église ». Le rouge est ici associé à un dévoilement, symbolisé par la lumière du soleil projetée par les vitraux de l’église. Le héros ne peut être hypocrite et doit se rendre à l’évidence : la mort est liée à sa destinée, comme il le découvre en lisant « un petit morceau de papier, étalé là comme pour être lu » où est mentionnée l’exécution de Louis Jenrel sur

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un côté, et où figure de l’autre côté les mots « le premier pas ». Le premier pas, c’est dans le roman celui que franchit Julien en se présentant chez les Rênal et qui, inexorablement, va mener à son exécution à Besançon, ce qu’il pressent en remarquant que le nom du condamné finit comme le sien. De même, à sa sortie de l’église, il ne peut pas ne pas remarquer que le bénitier semble rouge : « C’était de l’eau bénite qu’on avait répandue : le reflet des rideaux rouges qui couvraient les fenêtres la faisait paraître du sang. » Encore une fois, en colorant l’eau, le rouge, marque de violence, vient corriger le noir associé à la religion et le rendre sanglant ; la légion d’honneur épinglée sur l’habit noir de Julien à la fin du roman ne peut ainsi amener que du sang, celui de Madame de Rênal tout d’abord, puis celui de Julien décapité.

Un roman d’initiation

Comme beaucoup de grands romans du XIXe siècle, Le Rouge et le Noir est un roman d’initiation. Il présente en effet la trajectoire d’un personnage du début jusqu’à la fin de sa vie, en indiquant les étapes principales de cette vie. On pourrait donner à l’expression la définition que donne Alain du « thème de tout roman », à savoir « le conflit d’un personnage romanesque avec des choses et des hommes qu’il découvre en perspective à mesure qu’il avance, qu’il connaît d’abord mal, et qu’il ne comprend jamais tout à fait ». Dans tout roman d’initiation, il existe en effet un conflit entre les idées du personnage et le monde auquel il est confronté. Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir voit sa vie comme la réussite de ses ambitions et doit déchanter rapidement de ses prétentions. Ainsi, il se retrouve au séminaire mis au ban des élèves par son comportement hautain, ou se voit à la fin du roman arrêté dans sa trajectoire ascendante par la lettre de Madame de Rênal au marquis de la Mole qui vient ruiner tous ses rêves d’ambition. Madame Bovary voit de même tous ses rêves romanesques d’amour s’effondrer lorsqu’elle découvre la réalité du monde, fort différente de celle des romans qu’elle lit à longueur de journée. Frédéric Moreau, dans L’Education sentimentale de Flaubert, constatera amèrement à la fin du roman que les meilleures années de sa vie furent les premières, lorsque tous les espoirs pouvaient exister, et non la fin de cette vie où il s’aperçoit que ses rêves d’amour ou d’ambition ne se sont pas réalisés. Le jeune héros, projeté dans un monde qu’il ne maîtrise pas, doit faire son éducation. Julien Sorel connaît ainsi nombre de professeurs qui ponctuent sa destinée. Le premier n’est pas son père mais le vieux chirurgien-major qui lui lègue sa Légion d’honneur, ses livres et sa passion pour Napoléon. Le second, plus consistant comme personnage, est le curé Chélan qui lui sert de premier père substitutif avant l’abbé Pirard. Après ce dernier, c’est le marquis de la Mole qui, malgré la distance de milieu entre lui et Julien, sert de professeur au jeune homme dans le monde aristocratique. A de nombreuses reprises, il parle d’ailleurs de son secrétaire comme de son « protégé » et préfère accorder la Légion d’honneur à Julien qu’à son fils Norbert, ce que ne manque pas d’observer Mathilde. Mais Julien fait aussi son éducation tout seul, faisant l’expérience de son manque d’usage dans le monde. Ainsi il ne peut que parler de chirurgie lorsqu’il se retrouve seul avec Madame de Rênal au chapitre VII du roman. Plus loin, il est invité par le marquis de la Mole à observer la sortie de l’Opéra pour se défaire de ses raideurs provinciales. Et c’est le prince Korassof qui initie Julien à « la haute fatuité » et lui explique comment il doit procéder pour reconquérir le cœur de Mathilde. Le roman d’initiation est donc d’abord un roman d’éducation où le héros se confronte au monde, guidé par divers personnages. Rastignac, dans Le Père Goriot de Balzac, se voit de même expliquer le monde parisien par Vautrin, pensionnaire comme lui de la maison Vauquer. Parmi les visages de l’éducation, l’éducation sentimentale est bien sûr celle que privilégie Stendhal dans Le Rouge et le Noir. Elle permet en effet de multiplier les péripéties, mais aussi de symboliser le décalage entre les désirs du héros et ce qu’il obtient finalement, donnant un sens cohérent à ce qui pourrait n’être qu’une multiplicité d’intrigues. Le héros du Rouge et le Noir, plongé dans le monde romanesque de la France des années 1820, se débat avec ses idées reçues, et reste obsédé par ses idées d’ambition, avant de percevoir finalement (trop tard ?) la vérité : il a sacrifié l’amour et le bonheur à l’ambition, ce qu’il explique à Madame de Rênal lorsqu’il lui assure qu’il n’aurait jamais connu le bonheur si elle n’était venue le voir en prison. Les désirs de Julien se heurtent à la réalité mais aussi à l’inanité de leur objet : Julien, dans ses délires d’ambition, poursuit une chimère et passe à côté de l’essentiel. Il suit ainsi la trajectoire inverse de celle de Lucien de Rubempré dans les Illusions perdues de Balzac, qui comprend à la fin du roman qu’il doit être ambitieux et calculateur pour dompter ce Paris qu’il découvrait

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