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ents des sciences sociales (courant du 19ème siècle), la question de la corporéïté est présente dans les travaux scientifiques, même si c’est, au départ de façon implicite.

LEBRETON David (1992). La sociologie du corps. Paris, PUF.

Lebreton (1992) distingue trois étapes qui correspondent à trois façons différentes d’appréhender le corps dans le champ sociologique :

- Une sociologie implicite du corps : courant du 19ème siècle :

De nombreux travaux renvoient à l’analyse des conditions de vie des ouvriers et à la réalité physique de l’ouvrier : on aborde les questions de l’apparence corporelle, de la santé, de l’alimentation, du logement, de l’alcool, de la sexualité pour dresser le tableau des conditions d’existence des couches laborieuses.

A travers ces travaux émerge le dégagement d’une pensée uniquement biologique sur le corps, et l’orientation vers une pensée du corps comme façonné par le social.

Le corps est donc déjà appréhendé ici comme un fait de culture et non plus comme un fait de nature.

L’objectif de ces travaux n’est pas de conceptualiser ou de penser le corps en soi, mais de montrer l’urgence d’un changement dans le fonctionnement social : la sociologie marxiste en fait partie. C’est pourquoi on peut l’intituler « sociologie implicite du corps ».

Dans une autre perspective, beaucoup plus naturaliste cette fois, émergent des travaux prenant le corps comme objet d’étude et de mesure, celui-ci étant considéré comme déterminant de la condition sociale du sujet. On va chercher à classer, identifier, différencier les corps pour expliquer les différences sociales, de races, d’intelligence, de compétence, de criminalité : anthropométrie, céphalométrie (intelligence) etc. La corporéïté devient pièce à conviction, un signalement à partir duquel on peut connaître le sujet qui l’incarne.

L’anthropométrie entretiendra de nombreuses relation avec la criminologie au travers du projet d’identification et de fichage des individus.

La contestation par les sociologues, et en particulier par Emile Durkheim, de ce primat du biologique dans l’explication du fait social va aboutir au rejet de la corporéïté vers le domaine biologique : le corps va être rendu à la biologie et à la médecine, et sera plus ou moins abandonné comme objet d’étude sociologique.

L’émergence de la psychanalyse (fin du 19ème, début du 20ème siècle) va déstabiliser cette réservation de l’étude du corps à la biologie et à la pensée organiciste : Freud met en place une rupture épistémologique majeure qui soustrait la corporéïté humaine à la pensée positiviste et rationaliste. Certes, son projet n’est pas sociologique, mais médical, cependant il rend possible un autre regard sur le corps, en introduisant le relationnel, le symbolique dans la réflexion sur le corps.

Les sociologues à cette époque restent peu convaincus, et tiennent le corps à distance du champ de légitimité de la sociologie.

- Une sociologie du corps en pointillé : première partie du 20ème siècle :

C’est Georg Simmel, au début du 20ème siècle, qui fait figure « d’ouvreur » du champ de la sociologie du corps au travers de ses réflexions sur la « sociologie des sens ». Un travail notable également de Robert Hertz (1909) relatif à « la prééminence de la main droite : étude sur la polarité religieuse » souligne la dimension sociale de celle-ci et les différences de signification relatives à la droite et à la gauche qui pourraient expliquer cette « orientation-éducation » prioritaire vers l’usage de la main droite. Il relie donc un usage du corps avec une structure anthropologique fondamentale : le transcendant (droit) la souillure (gauche), l’adresse, l’habileté (le droit) et le ridicule, l’erreur (la gauche). Il propose ainsi la thèse selon laquelle le corporel est subordonné à la symbolique sociale et non pas au physiologique.

Marcel Mauss fera lui aussi de nombreuses démonstrations allant dans ce sens, la plus connue étant « les techniques du corps ».

Aux Etats-Unis, dans les années 30, l’Ecole de Chicago ( L’école sociologique de l’Université de Chicago a connu son apogée dans les années 1920-1930 grâce à ses recherches en sociologie empirique : R.E . Park et W.I. Thomas), est attentive à la corporeïté et au travers des études qualitatives et des monographies, le rapport physique des groupes au monde est minutieusement étudié.

Puis Norbert Elias dans « La civilisation des moeurs » (1939) fait la démonstration des déterminations sociales et éducatives des mises en jeu du corps et du sentiment de pudeur. Il met en évidence le fait que les manifestations corporelles sont progressivement refoulées de la scène publique pour se dérouler dorénavant dans la sphère de l’intime et du privé.

David Efron en 1941 dans un ouvrage intitulé « Gesture, race and culture » fait la démonstration de la perte d’une gestuelle spécifique chez les enfants d’immigrés italiens et juifs aux Etats Unis et de l’incorporation par ceux-ci de la gestuelle américaine. En cela il dénonce les théories nazies relatives aux déterminations de l’appartenance de race, pour affirmer la suprématie de la culture dans la gestualité.

Par ailleurs, les ethnologues, confrontés à d’autres sociétés, identifient la variabilité des usages du corps et développent une certaine curiosité à cet égard : au travers de travaux photographiques ils mettent en évidence les mouvements spécifiques du corps, la ritualisation, l’apprentissage des techniques du corps propres à chaque culture.

Il y a construction d’une sorte d’inventaire des différentes façons d’utiliser le corps repérées dans les diverses sociétés étudiées.

- Une sociologie du corps en voie de constitution :

Les étapes précédentes ont posé les bases d’une sociologie du corps actuellement en émergence, qui s’organise autour de plusieurs domaines de recherche :

- les logiques sociales et culturelles du corps

- les imaginaires sociaux du corps

- le corps et le collectif

2) Modèles théoriques du corps

L’objet de recherche « corps » est toujours problématique, quelque soit la discipline scientifique qui l’envisage. Car le référent « corps » est des plus difficile à appréhender, à définir.

En effet, on oublie souvent l’absurdité qu’il y a à nommer le corps comme un objet comme un autre, en omettant l’homme qu’il incarne.

Toute étude sur le corps a besoin d’une construction de son objet, une élucidation de ce qu’on entend par là : car le corps n’existe pas : on ne voit pas des corps : on voit des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées, mais pas des corps.

Le corps n’est pas appréhendé de la même manière en fonction des sociétés humaines, il n’est pas donné d’emblée, il est toujours construit : cet objet apparemment si tangible, si accessible à la description est en réalité très évanescent.

Des représentations très variables sont à éclaircir avant de se lancer dans l’étude du corps :

- l’anatomo-physiologie et le savoir bio-médical coupent l’homme de son corps, envisageant le corps comme un « en soi ». C’est une représentation dominante du corps dans nos sociétés occidentales marquées par le cartésianisme.

- à l’inverse, certains savoirs ne distinguent pas l’homme de son corps : les médecines populaires dans nos sociétés en donnent encore aujourd’hui un exemple. Les guérisseurs, les magnétiseurs, les barreurs de feu, les ostéopathes aussi plus récemment incluent l’homme dans le cosmos et ne dissocient pas l’homme de son corps. L’homme est son corps. Dans les traditions populaires, le corps est en prise sur le monde (les règles et la mayonnaise), c’est une parcelle de l’univers. Très souvent, dans les sociétés non occidentales, la notion de corps n’a aucun sens.

En fait, les représentations du corps sont imbriquées avec les représentations de la personne : quand l’individu est considéré comme indépendant du monde, du cosmos, de la nature, on le distingue de son corps. Mais si on définit l’homme comme inséré dans une relation fondamentale avec le cosmos, la notion de corps n’a pas de sens.

Le corps est donc une fausse évidence, c’est l’effet d’une élaboration sociale et culturelle qui tend à séparer pour analyser, à découper pour étudier, et qui s’intéresse plus aux éléments qu’aux liens entre les éléments et à la globalité des choses.

Notre vision « moderne » du corps, celle qui est incarnée par le savoir bio-médical, repose sur une conception très particulière de la personne issue de :

- dissections anatomiques : corps objet d’une investigation indifférente à l’homme qu’il incarnait

- philosophie mécaniste de Descartes

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