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persécuta des juifs vite confondus avec les agents d’une modernité trop cosmopolite. Des années plus tard, Ionesco rappelait encore son horreur face à cette contagion insidieuse gagnant ses proches, qui, l'un après l'autre, finissaient par dire que sur tel ou tel point au moins les Gardes de fer n'avaient peut-être pas complètement tort : «Tous mes amis antifascistes sont devenus fascistes, totalement, fanatiquement, parce qu'ils ont cédé d'abord sur un tout petit détail».

Il allait indiquer aussi : « Moi et Eliade, nous avons les mêmes origines, un fond commun. J'avais aussi le même esprit que Tristan Tzara.[…] Chez Cioran aussi il y a cette pensée profonde qui m'anime, puisée dans une attitude roumaine que résume le vers d'Eminescu : "Faites, Seigneur que je disparaisse à tout jamais dans le néant" (‘’Prière d'un Dace’’). Il y a chez Cioran cet appel du néant et cette peur du néant qui est mon angoisse permanente. »

Prolongement de l’adolescence ou révolte contre le père, son anticonformisme, sa causticité, son esprit contestataire le rapprochèrent des mouvements d’avant-garde (dadaïsme, surréalisme) qu’il découvrit avec délices à travers Tzara, Breton, Crevel, Soupault. C’est ainsi que, dès 1930, il commença à fournir des textes à diverses revues littéraires où il fut remarqué pour sa vivacité d'esprit. À l’âge de vingt-trois ans, il publia son tout premier ouvrage :

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“Élégie pour des êtres minuscules”

(1931)

Recueil de poèmes

Commentaire

Le recueil connut un grand succès et fit d’Ionesco une figure de proue de la jeune littérature roumaine.

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Ionesco entreprit une licence de lettres qui le conduisit à la « capacitate » en français (1934), voie d’accès à l’enseignement. Il fut professeur de français à Bucarest de 1936 à 1942.

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‘’Nu’’

(1934)

(‘’Non’’)

Recueil d’articles

Ionesco attaquait les notoriétés du milieu littéraire roumain du temps avec sarcasme et loufoquerie.

Commentaire

L’œuvre suscita de vives polémiques. Le critique Serban Cioculescu traita Ionesco de «clown», de «Gavroche des coulisses littéraires», ses commentaires de «critique sketch». Il l'a peut-être aidé à trouver sa voie en ajoutant : «S'il décide de s'attaquer au théâtre, à la comédie, l'avenir lui est ouvert.»

L’ouvrage fut récompensé par le prix des Fondations royales.

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La même année Ionesco s'exclama avec dépit : «Si j'avais été Français, j'aurais peut-être été génial.»

En 1936, il se maria.

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‘’La vie grotesque et tragique de Victor Hugo’’

(1936)

Recueil d’articles

Commentaire

Ionesco y tournait en dérision l’« hugolâtrie » de l’establishment français.

En 1982, l’œuvre fut traduite en français et publiée sous le titre ‘’Hugoliade’’.

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La montée du fascisme décida Ionesco à émigrer. En 1938, ayant obtenu une bourse de doctorat pour préparer une thèse sur « le péché et la mort dans la poésie française depuis Baudelaire » (qu’il n’acheva jamais), il vint à Paris. Il y resta jusqu'au début de la guerre, où, étant mobilisé, il dut rentrer à Bucarest. L'armée l’y garda comme enseignant. Mais, son pays étant alors sous la coupe du fascisme, il n'aspira qu'à retourner en France, ce qu'il put faire enfin en 1942. Il fut, de 1942 à 1944, attaché de presse à l’ambassade de Roumanie à Vichy. Vu son engagement moral et intellectuel contre le totalitarisme, on a du mal à l’y imaginer. S’agit-il d’un double jeu, de duplicité? Sa mère était vraisemblablement juive, et il nous livra son sentiment : « Je suis comme un évadé qui s’enfuit avec l’uniforme du gardien. » Et il n’a jamais parlé de cette vie sous l'Occupation.

Voulant alors apprendre l'anglais avec la méthode Assimil, ce Roumain obligé à utiliser le français, qui s’était ainsi mis encore plus en situation d'étrangeté devant la parole humaine, fut frappé par le manque de sens de ce b-a- ba du langage, de ces phrases décousues, de ces clichés mis bout à bout pour constituer les dialogues de ce type d'ouvrages. Il décida de procéder à une remise en question de la langue, de pulvériser sa cohérence, de «théâtraliser la parole» (“Notes et contre-notes” [page 63]). Comme il l’a expliqué dans un texte intitulé “La tragédie du langage”, cette découverte lui fit écrire :

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‘’Englezeste fara profesor’’

(1943)

‘’L’anglais sans professeur’’

Pièce de théâtre

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Dès la fin de la guerre, Ionesco s'installa définitivement à Paris. Totalement inconnu, il dut y repartir à zéro. Il travailla d'abord pour une compagnie de peinture, puis comme correcteur pour un éditeur de textes juridiques.

De ‘’Englezeste fara profesor’’, il fit en français :

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“La cantatrice chauve”

(1950)

Pièce en un acte

« Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soirée anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil anglais et ses pantoufles anglaises, fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais, près d'un feu anglais. Il a des lunettes anglaises, une petite moustache grise, anglaise. À côté de lui, dans un autre fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises. Un long moment de silence anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais. »

Après cette première didascalie, Smith et Mme Smith, deux paisibles bourgeois anglais, racontent qu'ils s'appellent les Smith, qu'ils habitent dans les environs de Londres, qu'ils ont des amis qui s'appellent les Martin, qu’ils attendent leur arrivée. Une fois les Martin arrivés et reçus d'étrange façon, ils s’engagent d’abord timidement dans une conversation sans queue ni tête, qui leur permet cependant de découvrir progressivement qu'ils sont mari et femme. Puis la conversation s’emballe sur, entre autres sujets, les Bobby Watson, une famille dont tous les membres portent le même nom, ou sur ce grand mystère : y a-t-il quelqu’un qui sonne à la porte? Survient un capitaine des pompiers oublieux et bavard qui, au passage, demande des nouvelles de « la cantatrice chauve » !

Commentaire

Sous-titrée «anti-pièce», c’est une désopilante parodie du théâtre de boulevard, du théâtre bourgeois, qui fait éclater les conventions du théâtre réaliste, qui se moque du genre, de toute tentative de communication, de la vacuité des échanges sociaux, de la vacuité des êtres humains. Elle joue de la duperie, bernant à dessein le spectateur dans son attente du sens. Car il n’y a point de cantatrice : elle est le centre absent dont l'évocation furtive provoque, dans un dialogue qui ne relève que de la logique du « nonsense », un silence outré. Et cette cantatrice aurait pu ne pas être chauve, devait être blonde, mais, raconte la petite histoire, lors des répétitions, l’interprète du pompier avait sauté quelques lignes et l’avait qualifiée de chauve par erreur, ce que Ionesco,

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