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Le Théâtre De Sony Labou Tansi

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paradoxalement n’hésitent pas à s’entretuer. La fable progresse ainsi au fil des meurtres perpétrés sans aucune logique apparente. Comme l’indique le titre, La parenthèse de sang, la pièce s’ouvre sur la violence de soldats surexcités et se referme par une fusillade sans précédent. Mêlant le burlesque au tragique, la farce au drame, la trame sonyenne met perpétuellement en conflit les dimensions bestiale et humaine de l’Homme. Parenthèse de sang, cercle de vices, espace immonde et d’immondices, telles sont les images reflétant notre univers où la moyenne de vie devient celle d’une chance sur mille.

Cette atmosphère de fin du monde dans La parenthèse de sang laisse entrevoir une note d’espoir à travers le personnage du docteur seul rescapé de la tuerie à la fin de la pièce. La peinture de la cruauté et de la mocheté appelle à une vie meilleure.

Sony Labou adopte une forme d’écriture théâtrale qui refuse les valeurs littéraires de l\Occident. Dans cette dramaturgie, il exprime le « ras de bol » qu’il a des gouvernes pendant long règnes, masque d’une véritable sécheresse politique qu’a connue l’Afrique. En effectuant une cassure de l’esthétique classique qui fera de Sony un écrivain à la langue amère, la dramaturge congolais affirme sa spécificité. Déçu par les indépendances dans une Afrique de coups d’Etat, Sony Labou élabore un théâtre ou le pouvoir, vécu comme une angoisse, La parenthèse de sang innove et apparait comme une aventure d’écriture dramatique engageant le lecteur-spectateur Sony Labou, jouant sur l’autonomie des mots, il transgresse le langage dramatique en usant abondamment de l’humour, de l’ironie, de l’hyperbole pour amplifier les effets dramatiques. L’usage de mots violents, de mots crus aux sens obscène, sans respect des règles classique fait du théâtre de Sony Labou un théâtre de rupture.

Pour propulser et dérouter le spectateur et lecteur, il produit des mots qui sont souvent de meurtre, torture corporelle et mentale, de violence physique. Le jeu nocturne macabre déroulé par les quatre soirs prend fin, en effet, au lever du jour. Il y a dans cette structure comme un étirement, voire un écartèlement du temps à travers le retardement du premier matin qui chronologiquement devrait succéder au premier soir. Cette espèce de détour semble contribuer à la mise en évidence de la tuerie qui a clos le match et estomper le long moment de doute et d’interrogation des condamnés, au quatrième soir, sur leur réelle existence.

La maison de Libertashio, lieu principal de l’action, dégage une atmosphère de fin du monde. L’exécution anarchique et déraisonnée des personnages, l’angoisse des victimes, la brutalité des mots créent une logique d’horreur, faisant ainsi de l’espace, un enfer sur terre où tout est doute, incertitude et brouillard. L’imbrication de la vie et de la mort sur scène brouille aussi bien l’espace que le temps. Tantôt les personnages se sentent morts ou à moitié morts, tantôt ils se sentent vivants. L’interrogation de Aleyo “ est-on vraiment mort ? ” déroute le lecteur spectateur face à un espace-temps remis en question. Les personnages vacillent entre le surnaturel et le réel, le futur et le présent à travers la superposition de deux mondes : l’ici et l’au-delà.

L’écriture du surnaturel dans le théâtre de Sony est liée au traitement du phénomène de la mort. Sa conception par le dramaturge congolais surpasse l’entendement humain pour s’inscrire dans une philosophie que l’auteur tient de ses racines africaines. La mort est-elle une finitude ? Ou la vie se termine t-elle par la mort ? La vie et la mort, en effet, sont similaires dans la pièce de Sony ; car la vie de souffrance et de torture des personnages ne diffère pas d’une mort en enfer. Son théâtre s’aventure aux frontières de la mort et explore de fait un monde inconnu aussi bien de la conscience humaine que de la dramaturgie même. Il perce “ le mur de la mort ” en permettant aux défunts de réapparaître et aux vivants de sombrer dans une irréalité, une espèce d’entre-deux qui leur fait perdre le sentiment d’exister. La présence du surnaturel dans l’écriture de Sony dérègle pour ainsi dire la logique humaine de même qu’elle repousse les limites du théâtre finissant habituellement avec la mort des personnages.

Il faut reconnaître d’emblée que cette manière détournée de montrer certaines réalités n’est pas étrangère en Afrique noire où les propos détournés sont utilisés quotidiennement, surtout par des adultes, pour adoucir le ton. Le langage de Sony Labou Tansi cadre bien avec cet esprit africain de présenter la vérité sous un voile afin d’atténuer son effet.

Une possibilité d’accès à la transcendance passe par le défi lancé au bourreau à travers une guerre verbale. le docteur Portès a le courage de s’en prendre à son tortionnaire au moyen d’un chapelet d’injures interpellatives :« Mais je meurs debout - toi tu mourras à quatre pattes, tu mourras la mort des mouches. A moins que tu ne retournes...sous les jambes de ta maman ! Je te crache tout ton sang, toute ma puanteur dans les nerfs. Assassin ! Assassin ! Ordure des ordures. Chien des chiens : monstre. Que le ciel soit noir sur tous les jours de ta bâtardise ».

Le discours du prologue est fortement imprégné de ce genre de langage. Il est clair que le sens n’est pas immédiatement évident. On a besoin de le deviner, et, difficilement. Le manque de liberté d’expression oblige l’écrivain à devenir prudent et à bien peser ses mots. L’allégorie du match est un signe de prudence et de dérision chez Sony Labou Tansi. Puisque, selon lui, “les joueurs sont marqués” c’est difficile de trouver quelqu’un “à qui faire cette passe de viande … cette passe d’état civil, cette passe d’identité”.

Parfois, il consiste à affirmer ironiquement par la négation, ce qui n’est pas rare en Afrique. A titre d’exemple, il s’agira de l’Afrique alors que le prologue déclare qu’il ne s’agit pas d’Afrique dans ce match de “footbas” qui oppose “deux parenthèses”. Ainsi, le ton est donné dès le début. Nous assistons à une expansion de l’allégorie du “match de footbas,” à une accumulation excessive de métaphores et de comparaisons allant des plus simples aux plus complexes.

Quand le camouflage de Sony Labou Tansi prend son détour ludique, le langage devient moins tendu. L’accent se détourne de la poéticité pour se porter sur le jeu, sur la banalité comique. La tension du tragique, qui sert de toile de fond à l’action, perd son intensité et, le drame prend la couleur d’une farce tragique.

Le français utilisé par les personnages importants est souvent soigné et soutenu. Cependant, dans des situations moins graves, ils affectent des tons familiers.

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