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Lucrèce, De Rerum Natura, Ii, 1-36. Commentaire

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s hommes, eux, errent sans cesse, aveuglés par des buts illusoires qui leur demandent une énergie aussi grande que celle qu’exige la participation à un combat. On relève à ce sujet le vocabulaire poliorcétique (« certare », v.11, « contendere », v.11, « rerum potiri », v.13) et celui de l’errance et de la dispersion (« passimque…errare…quaerere uiam…palantis », v.9-10).

On peut être surpris par l’aplomb d’un tel discours, mais le but recherché n’est-il pas de mettre en valeur l’assurance du sage et son mépris du jugement d’autrui ? Dès le début du texte, des paradoxes sont énoncés de façon abrupte : « suaue est…spectare laborem alterius », v.1-2 (il est doux… de regarder la peine d’autrui), « suaue etiam tueri magna certamina », v.5 (il est doux encore de regarder les grands combats), « nihil dulcius quam…despicere alios », V.7-9 (rien n’est plus doux que…de mépriser les autres). Bien entendu, Lucrèce précise à chaque fois qu’il ne s’agit pas d’un pur sadisme, d’un pur goût de la violence ou d’un pur dédain, mais ce ton audacieux attire notre attention et déplace nos interrogations : ne faudrait-il pas plutôt blâmer notre agitation stérile, le fondement des guerres que le contempteur de ces choses qu’est le sage ? La métaphore du regard ne veut-elle pas en réalité, par une transmission de vision, nous rendre lucides nous aussi ? Dans son apostrophe aux hommes, le poète déplore leur cécité, une cécité intérieure (« o pectora caeca », v.14, « in tenebris », v.15) alors que c’est l’évidence même (« Nonne uidere », v.16) que la nature recommande un bonheur simple.

II. La définition du bonheur : l’ataraxie.

Le bonheur vient d’un processus naturel ; il repose sur la nature, la nôtre et celle qui nous entoure. « naturam latrare » (v.17) : de façon animale, la nature nous signale douleur et plaisir et le plus grand plaisir est l’absence de douleur du corps (« dolor seiunctus absit corpore », v.18) : par le renforcement du participe parfait passif apposé, on comprend que la douleur doit être une entité disjointe du corps, là où les hommes prennent plaisir à contrarier ce dernier (« laborem », v.2, « labore », v.12). A cette condition, l’esprit connaîtra la paix et sera lui aussi disjoint des tourments qui l’assaillent habituellement : le souci et la crainte (« semota cura metuque », v.19).

Parce que tout ce qui n’est pas douleur est plaisir, et que la douleur devient alors l’anti-plaisir, et le plaisir l’anti-douleur, les plaisirs ne doivent plus être recherchés parmi ceux qui s’ajoutent à cet état de choses. Les plaisirs délicats des Romains deviennent des plaisirs superflus. Lucrèce condamne l’art ostentatoire de la statuaire, les agapes orgiaques, l’or, les loisirs raffinés, tout ce qui s’ajoute et demande plus au seul fait d’être là, dans la santé du corps et de l’esprit. L’auteur appuie sa condamnation des riches maisons romaines par une insistance ironique sur tout ce qui brille, si bien qu’on ne peut manquer d’être soi-même aveuglé par cet amas d’éclats factices. Ces lumières artificielles (« aurea », v. 24, « lampadas igniferas », v.25, « lumina suppeditentur », v.26, « fulget argento auroque renidet », v.27, « aurataque », v.28) sont le pendant des ténèbres intérieures dans lesquelles les hommes sont plongés, bien différentes en cela de la vraie lucidité du sage.

Le bonheur consiste donc à tirer profit de ce que la nature met à disposition, sans rien y ajouter, sans la transformer. Cela passe par le respect de son rythme, de sa progression temporelle (« cum tempestas adridet », v.32, « anni tempora conspergunt », v.33), qui est peu de chose pour l’humain (« hoc aeui », v.16). Il faut laisser faire la nature, refuge du petit et du grand, signe de sa perfection : « aquae riuum…arboris altae » (v.30). Le rappel sur le temps qui passe, sur la brièveté de la vie n’est pas à négliger car c’est sur une notation toute pleine de la conscience de ce qu’est la condition humaine que s’achève le texte : l’homme reste un corps et c’est ce dernier qu’il doit soigner (« curant », v.31). L’homme attaqué par les fièvres se moquera de savoir de quel tissu son lit est brodé, pourvu qu’il guérisse. Après avoir décrit, sur un vers, la beauté des tissus en pourpre, Lucrèce présente, dans la chute de sa phrase, l’homme restant allongé (« cubandum est », v.36), ce qui témoigne à la fois de la fragilité de l’existence et de l’inutilité du luxe. En cela, il oppose les « pauca…opus » (v.21) du sage aux « magnis opibus » (v.31) des autres hommes.

III. Un langage poétique au service de la philosophie

Le texte poétique, imagé, martèle sur un rythme entêtant des préceptes sensualistes, qui invitent presque à penser avec notre corps : « suaue » (v. 1, 4 et 5), répété trois fois, « dulcius » (v.7), « spectare » (v.2), « in gramine molli » (v.29) ; la vue et le toucher sont les sens les plus sollicités.

Alors que le texte fait état de la pénibilité des actions humaines, de leur caractère anguleux, jusqu’à l’aveuglement criard des lumières domestiques, le sage, lui, ne connaît que le plaisir, décliné par plusieurs substantifs (« uoluptas », v.3, « delicias », v.22) et adjectifs (« iucunda », v.3, « gratius », v.24). Tout est facile et agréable pour celui qui va dans le sens de la nature.

Le texte repose encore sur une série de contrastes, qui révèlent deux attitudes opposées : le sage se tient sur la terre ferme, le non-sage se débat

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