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Attendez-vous de la poésie qu’elle incite au voyage, à la découverte d’ autre chose que l’univers qui vous entoure au quotidien ?

Dissertation : Attendez-vous de la poésie qu’elle incite au voyage, à la découverte d’ autre chose que l’univers qui vous entoure au quotidien ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  29 Octobre 2019  •  Dissertation  •  2 327 Mots (10 Pages)  •  1 041 Vues

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CORRIGÉ DISSERTATION

SUJET : Attendez-vous de la poésie qu’elle incite au voyage, à la découverte d’ autre chose que l’univers qui vous entoure  au quotidien ?

Introduction

« Je suis sur terre et tout est sur terre avec moi

Les étoiles sont dans mes yeux j’enfante les mystères », écrit Paul Éluard en 1947 dans « le cinquième poème visible ». C’est certes un lieu commun d’affirmer que la poésie, tant par sa forme mêlant contraintes et libertés que par les thèmes qu’elle aborde, est le genre privilégié de la rêverie et du voyage. Tel que nous l’imaginons souvent, le poète est un vagabond indifférent au mouvement du monde réel, et dont les créations se préoccupent davantage du beau que du vrai. Pour autant, le lecteur attend-il toujours de la poésie qu’elle le fasse voyager à la découverte d’autre chose que l’univers qui l’entoure au quotidien ? Poser cette question revient à se demander si la poésie a pour vocation essentielle de nous éloigner du réel. Nous verrons donc dans un premier temps que la poésie peut être en effet une forme d’évasion. Nous montrerons ensuite que son regard singulier peut cependant nous inviter à découvrir ou redécouvrir la banalité de l’univers qui nous entoure. Nous nous demanderons enfin si elle n’est pas, en soi, une forme de voyage intérieur.

.I. La poésie comme évasion.

  1. Le poète face à un réel morne et sombre.

Dans l’un de ses poèmes les plus connus, « Brise marine », Mallarmé confie son envie et son impatience de s’arracher à la lourdeur du quotidien et de rechercher un ailleurs plus enivrant ; désabusé et amer, il s’exclame :

« Je partirai ! Steamer balançant ta mâture / Lève l’ancre pour une exotique nature ! ». Nombre de poètes ont, tout comme Mallarmé, exprimé leur besoin de s’affranchir de la pesanteur du monde qui les entoure et qui parfois, les empêche de trouver l’inspiration. Ils revendiquent alors cette capacité qu’ils ont de s’extraire de ce réel amer et douloureux, comme l’évoque Baudelaire dans « Élévation » lorsqu’il dresse un sombre constat de la réalité qui est la sienne, avec « les ennuis et les vastes chagrins / Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse », et qu’il lui oppose l’univers auquel la poésie permet d’accéder : « Heureux celui qui peut, d’une aile vigoureuse / S’élancer vers les champs lumineux et sereins. » Le poète, entraînant dans son sillage le lecteur, évoque ici son désir profond de « s’élever », c’est-à-dire de s’enfuir vers un monde idéal et pur, propre à une nouvelle inspiration qui peut procurer au lecteur apaisement et évasion. Mais le même Baudelaire sait aussi charmer son lecteur et le dépayser avec l’évocation d’un ailleurs exotique, lourd de parfums et de sensualité, dans son « Invitation au voyage » qui invite justement le lecteur à rechercher lui aussi « ordre et beauté / Luxe, calme et volupté ».

Cette quête d’évasion loin d’un quotidien morne se réalise souvent par la découverte de contrées éloignées et inconnues qui charment le lecteur.

  1. La poésie du voyage : le pouvoir d’évocation de la poésie.

En effet le voyage représente une thématique récurrente en poésie, écho d’un goût marqué pour « l’exotisme » partagé par le poète et le lecteur, mais aussi du pouvoir d’évocation particulier de l’écriture poétique. Saint-John Perse, dans son recueil Vents, fait l’éloge des « grands Itinérants du songe et de l’action », ces «routiers et capitaines » à qui Heredia consacrait, un siècle plus tôt, son poème « Les Conquérants ». Les voyageurs sont cependant souvent les poètes eux-mêmes, qui rendent compte de leurs pérégrinations à travers leurs poèmes. Ainsi Jules Supervielle dans « L’escale portugaise » évoque de façon très suggestive une matinée radieuse dans l’activité d’un port portugais. Le lecteur peut véritablement s’évader à la suite du poète et faire siennes les images et les impressions rendues : ses sens sont constamment sollicités et parfois mêlés par le jeu de la synesthésie : « Les maisons roses au soleil qui les enlace / Sentent l’algue et la rue. » En outre, la forme même du poème, qui fait alterner irrégulièrement au sein des quatrains les alexandrins et les hexasyllabes, semble mimer le mouvement qui anime l’escale. Par son jeu sur la forme, par son essence même, par les images qu’elle évoque et les sens qu’elle convoque, la poésie sait donc solliciter de multiples façons l’imagination du lecteur et lui permet de découvrir des contrées lointaines, bien différentes de son univers. Cependant, l’art du poète serait-il complet s’il n’exprimait pas aussi nos préoccupations quotidiennes ? La poésie doit-elle se couper de notre environnement familier ?

.II. Découvrir et redécouvrir l’univers quotidien.

  1. Le poète peintre de la réalité.

Loin de vouloir fuir sa réalité, le lecteur peut en effet souhaiter retrouver dans les poèmes qu’il lit une évocation de son monde. Le poète, dans une société en constante mutation, se fait alors peintre ou déchiffreur de la modernité. La ville, notamment, qui s’est littéralement métamorphosée avec l’industrialisation accélérée de nos sociétés, constitue à cet égard une source d’inspiration privilégiée : on pense à Verhaeren et ses Villes tentaculaires, vision hallucinée de cités humaines devenues fourmilières monstrueuses, avec leurs « ponts musclés de fer ». Le lecteur peut aisément se retrouver dans cet effroi ou cette interrogation sur une réalité quotidienne qui n’est plus maîtrisée. Et qui sait si le partage de cette angoisse, ou le simple fait de la voir formalisée, ne le rassure pas ?

D’aucuns paraissent au contraire s’amuser de la modernité, à l’instar d’Apollinaire qui, dans « Zone », premier poème du recueil Alcools, fait surgir le quotidien de ses vers à travers l’utilisation d’un lexique trivial renvoyant au progrès technique ou à la société qui lui est contemporaine : « autobus », « sténodactylographes » etc … La réalité du monde moderne incite donc ici le poète à explorer de nouvelles formes qui rendent compte non plus tant des mouvements de l’âme que du « bruit » de la vie, des nouvelles machines, tel le « broun-roun-roun » par lequel Cendrars retranscrit le bruit du train dans « La Prose du transsibérien ». Que ce soit l’effroi, l’amusement ou une certaine forme de fascination, l’entourage immédiat du poète peintre de la réalité suscite ainsi diverses émotions auxquelles le lecteur peut s’identifier, pour peu que le poème impose un regard singulier.

  1. Expression poétique du quotidien : une redécouverte.

Le point de vue du poète est en effet essentiel dans l’écriture du quotidien. Celui-ci ne cherche pas à livrer une photographie banale de la réalité, mais conduit le lecteur à une redécouverte du monde qui l’entoure. Ainsi Victor Hugo, dans Les Châtiments, évoque les sentiments qu’il a éprouvés en apprenant l’exécution publique de trois prisonniers politiques ordonnée par Napoléon III : au-delà de la réalité terrible relatée dans son poème « C’était en juin, j’étais à Bruxelle ; on me dit : », c’est surtout l’intense colère mêlée de désespoir qui touche le lecteur, sensible à des vers tels que : « Tout à coup la nuit vint, et la lune apparut / Sanglante, et dans les cieux, de deuil enveloppée, / Je regardai rouler cette tête coupée ». Apollinaire lui-même ne s’est-il pas inspiré de cette image étonnante pour écrire ce vers extrait du poème « Zone » : « Soleil cou coupé » ? Mais la poésie sait aussi évoquer la réalité dans ce qu’elle a de plus quotidien, de plus familier : un poète comme Francis Ponge invite à reconsidérer les objets banals qui nous environnent et s’attache à les décrire minutieusement – mais aussi « différemment » - dans ses poèmes. Il en propose une autre approche, change le regard du lecteur et donne une nouvelle définition aux « choses » dont il prend le parti. Dans « Le pain », par exemple, il donne une dimension inattendue à cet élément familier de nos vies, et la comparaison qu’il établit avec « les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes » oblige le lecteur à reconsidérer la perception qu’il avait du pain, si toutefois il y avait même perception : on sait à quel point on ne voit plus ce que l’on voit trop. La réalité de l’objet est bien exprimée, mais elle est en même temps dépassée, et offre ainsi au lecteur une évasion de son quotidien à travers la nouvelle perspective offerte par le poète. Apollinaire affirme ainsi dans « L’esprit nouveau et les poètes » qu’ « on peut partir d’un fait quotidien : un mouchoir qui tombe peut être pour le poète le levier avec lequel il soulèvera tout un univers ». Dès lors le lecteur devient une sorte de « voyageur immobile » : il ne cherche pas nécessairement une évasion géographique, mais un voyage qui l’amènera à reconsidérer, voire à mieux interpréter le monde dans lequel il vit à travers l’espace même du texte poétique.

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