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L'Éducation Dans Gargantua

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raillerie à l’égard du sophiste : l’expression « grand docteur sophiste » est ironique.

Les sophistes étaient des penseurs formalistes, capables de faire servir l’art du langage non à la recherche de la sagesse, mais à la défense de n’importe quelle idée, même mauvaise. Comme Socrate, Rabelais dénonce le formalisme du raisonnement. On retrouve le reproche adressé par les humanistes aux scolastiques : l’apprentissage exclusif des procédés rhétoriques. Ce terme issu de l’antiquité est peut-être aussi une façon de rendre l’attaque plus imprécise. Les premières éditions de Gargantua contenaient le terme « théologien » et non « sophiste » !

De même, le nom du sophiste est ironique : Tubal (qui veut dire confusion) est la terre sur laquelle règne Gog, ennemi de Dieu, selon Ezéchiel. Holoferne est le type même des persécuteurs du peuple de Dieu, et est connu pour sa lubricité et son ivrognerie (Livre de Judith).

Le programme d’enseignement proposé est exactement le canon scolastique et brille par sa bêtise et son inutilité : l’alphabet à rebours, les quatre livres de l’enseignement scolastique (la note 6, p. 142, de l’édition, explique le contenu de chaque ouvrage) et l’écriture en lettres gothiques (alors qu’on commençait à écrire à l’italienne. Les humanistes reprochaient aux scolastiques de fonder leur enseignement exclusivement sur la mémoire : ici, l’exercice d’apprentissage par cœur se trouve déconsidéré par le raffinement qu’il comporte : l’alphabet doit être appris à rebours. La mémoire devient une mécanique absurde ne débouchant sur aucun effet de sens. Les quatre livres scolaires symbolisent en outre un enseignement fondé uniquement sur des commentaires et non sur des textes véritables. C’est de plus un enseignement passéiste, fondé sur le trivium antique : grammaire, rhétorique, dialectique.

Les indications de temps sont exagérées et ôtent toute pertinence à cet enseignement : il faut cinq ans et trois mois pour apprendre l’alphabet, et treize ans, six mois et deux semaines pour les quatre livres, soit 18 ans, 9 mois et 2 semaines. La précision des chiffres participe de la surenchère comique. Le lecteur en conclut que Gargantua n’a donc strictement rien appris. Rabelais dénonce la vacuité des occupations, la perte de temps, la mobilisation de la mémoire pour des connaissances inutiles.

TRANSITION

Le premier temps est donc satirique et porte sur la scolastique médiévale. Il donne en réalité la perception globale que les humanistes de la Renaissance en avaient : il ne s’agit pas de la réalité exacte de la scolastique mais de sa caricature.

II – L’éducation de Ponocrates

Le chapitre 23 se construit en opposition avec le chapitre 14 : à l’enseignement scolastique desséchant, inutile, uniquement livresque, s’oppose une éducation qui comprend l’instruction mais aussi le développement de soi-même, du corps et de la personnalité, et qui comprend toutes les dimensions de la vie. L’éducation doit pouvoir ainsi développer les qualités naturelles de l’élève.

L’éducation nouvelle que propose Rabelais est donc bien plus large que l’apprentissage intellectuel : il s’agit aussi d’éduquer le jeune prince aux futures responsabilités de son royaume.

Ce programme d’éducation est proprement humaniste et le nom de « Ponocrates » forgé sur le grec et voulant dire « Travailleur » rappelle aussi la culture grecque de l’auteur. De même, Anagnostes signifie en grec « lecteur ».

2.1 ) La relativisation de la culture livresque

Par rapport à l’enseignement scolastique, entièrement livresque, la part de la culture livresque est considérablement réduite. Cette culture comprend la Bible et des romans antiques ou de chevalerie. Les ouvrages scolaires sont abandonnés. Rabelais va de ce point de vue plus loin que les autres humanistes, même Erasme. La part de lecture est considérablement réduite, et Gargantua ne recopie plus les ouvrages comme un scribe de couvent mais écoute les lectures qui lui sont faites. Par ailleurs, la lecture de la Bible est aussi un acte de foi et une célébration de Dieu, et non une controverse aride sur les points doctrinaux (l.4-7). C’est aussi une lecture claire et intelligible, un véritable acte de compréhension – « à voix haute et claire, avec la prononciation requise » - opposé au marmonnement des moines pour qui le texte est incompréhensible (chap.21 et 27). C’est enfin une lecture directe, personnelle, débarrassée des commentaires médiévaux. L’acte de foi fait ainsi partie de l’éducation : il ne s’agit pas seulement d’une éducation intellectuelle : il s’agit d’une amélioration morale, d’un supplément d’âme. 2.2 ) L’intérêt des humanistes pour tous les domaines de la connaissance

En revanche, l’éducation humaniste proposée par Ponocrates touche tous les domaines de la connaissance : la religion, l’astrologie (l.11-13), la morale (l.15-16), le sport et la connaissance du corps, la littérature, les propriétés médicales des aliments et des herbes. Gargantua devient ainsi un grand sportif, un homme versé dans les saintes Ecritures, lettré, ayant des connaissances sur tout et capable d’être médecin. L’éducation encyclopédique proposée doit ouvrir l’esprit et la curiosité.

2.3 ) La part faite au corps

L’éducation est aussi celle au boire, au manger et au sommeil, et préoccupe Rabelais en tant que médecin. Avec Ponocrates, Gargantua se lève à 4h du matin (contre 8-9h avec le sophiste), ne fait plus de sieste et ne perd aucune heure du jour.

De même, l’incontinence et l’impudicité de l’excrétion est remplacé dans le contenu par une relative discrétion et dans la forme par une formule médicale et élégante : « Puis allait es lieux secrezt faire excretion des disgestions naturelles ». La relative discrétion de Gargantua dans l’excrétion s’oppose à la volubilité scatologique du chap.13.

Enfin, durant le repas le régime de Gargantua est beaucoup plus varié et fait contraste avec la profusion de viandes salées de l’éducation sophistique.

L’enseignement humaniste donne une place importante au corps : l’activité physique occupe une bonne partie de la matinée et la narration détaille les activités sportives.

De même, l’hygiène fait partie de l’éducation : excrétion (l.8-9), hygiène du corps, l. 14 puis l.27. Rabelais critique vivement le peu d’hygiène de l’époque médiévale et des docteurs de la Sorbonne. Pour l’Eglise, le souci du corps s’oppose au souci de l’âme et de la vie éternelle. Le corps est considéré comme mauvais par sa dimension

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