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Préface - Mémoire de fillle, Annie Ernaux

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Par   •  9 Juin 2023  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 907 Mots (8 Pages)  •  190 Vues

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Préface – Mémoire de fille, Annie Ernaux

Mémoire de fille est le récit autobiographique d’Annie Ernaux, publié en 2016, de la jeune fille qu’elle fut durant l’été 1958. Approchant ses 18 ans, elle est engagée comme monitrice dans la colonie de S en Normandie. Il s’agit pour elle de la première échappée hors du milieu familial, les premières expériences sexuelles, le développement d’une fascination amoureuse, les premières humiliations. Ce livre est une introspection, mais aussi le récit de tous ces événements qui font de cet été une expérience commune à toutes les jeunes filles, une mémoire de fille. Cette adolescente de l’été 1958, Annie Ernaux essaye par l’écriture de la faire exister, de témoigner et défendre cette « étrangère qui [lui] a légué sa mémoire ».

Mais cet été de l’émancipation est en fait loin d’une libération, il devient même pour l’autrice une période sombre, qu’elle tente d’oublier, sans n’y être jamais parvenu. En 2015, Annie Ernaux décide enfin de sauter le pas et de se lancer dans la recherche de la vérité de cette adolescente, « son désir, sa folie, son idiotie et son orgueil », sans combler les ellipses ou les manques. Avec l’aide d’anciennes lettres envoyées à ses amies d’époque, de photographies et de citations notées dans des agendas, Annie Ernaux parvient à faire ressurgir et dérouler le fil de sa pensée adolescente, qu’elle analyse, compare, critique et questionne. 

Malgré une longue enquête pour retrouver ces personnes avec qui elle a partagé ces expériences estivales, Annie Ernaux n’a que ses souvenirs et ces quelques reliques pour retrouver cette fille « oubliée sans doute plus vite que les autres, comme une anomalie, une infraction au bon sens, un désordre – quelque chose de risible dont il serait ridicule de s’encombrer la mémoire. » Les souvenirs de l’autrice elle-même sont parfois si épars qu’elle se voit obliger de procéder par des listes d’éléments pour recontextualiser la fille qu’elle a été.

Pour elle, « aller jusqu’au bout de 58, c’est accepter la pulvérisation des interprétations accumulées au cours des années. Ne rien lisser. Je ne construis pas un personnage de fiction. Je déconstruis la fille que j’ai été. » L’autrice n’écrit pas un roman, ni vraiment une autobiographie, mais bien une tentative de réunir par l’écriture ces deux femmes séparées par le temps. N’a-t-on jamais essayé de retourner dans le passé, de replonger dans une vieille photographie de la personne que nous avons été ?

Cet ouvrage est le résultat d’une longue quête de soi. Temps qui passe, nouvelles expériences, changements dans la personnalité : tous sont des éléments qui nous éloignent un peu plus de ce qu’on était, et nous guide vers ce que l’on devient. Mais que devient-on ? Un autre ? Un plus ? Un même ? Cette réflexion est celle que ce pose Annie Ernaux, et qu’elle nous pose. Ce livre, récit à mi-chemin entre l’enquête et l’introspection, a amené Nancy Huston à affirmer : « Annie Ernaux devrait figurer dans le cursus des lectures obligatoires de tous les collèges français ». Mais qu’est-ce que Mémoire de fille, qui relate d’un été il y a 50 ans, peut représenter aux yeux des adolescentes aujourd’hui ?

Annie Ernaux combat dans son ouvrage pour l’égalité : une égalité de considération entre les femmes et les hommes et conteste la violence morale et physique à laquelle les femmes sont confrontées. Cette “fille de 58” a dû choisir entre subir ou s’intégrer : avide d’expériences, de liberté, de rencontres, elle décide par inadvertance de sacrifier son intégrité pour que tous ses espoirs soient exhaussés. N’ayant à l’époque pas conscience de l’injustice qu’elle subit, c’est la littérature et notamment Simone de Beauvoir qui lui a permis de comprendre qu’elle fut soumise à la loi patriarcale et perçue comme un objet, un corps au service du plaisir masculin. On nous plonge dans l’incrédulité de cette adolescente, qui pourtant s’accroche à son désir d’épanouissement social, romantique et charnel, jusqu’à la perte de contrôle sur son corps. Ses premières nuits avec des hommes, qu’elle enchaîne pendant cet été de colonie, à la fois fière et orgueilleuse d’être l’objet du désir de la gent masculine, hanteront son esprit et resteront gravées sur son corps pour deux ans. D’abord, par l’aménorrhée et le sentiment perpétuel de s’éloigner de ce qui fait d’elle - fondamentalement et biologiquement - une femme, jusqu’aux troubles alimentaires, dans un vain effort de reprendre le contrôle de son corps, mais aussi le forcer à prendre la forme de l’idéalisation toxique que crée la société sur le corps féminin afin de garder son sentiment d’appartenance.

Mémoire de fille est donc une histoire féminine et féministe, qui conteste la perception du corps féminin et la violence sociale du regard masculin et misogyne, mais aussi l’histoire d’une blessure intime, dont sont victimes de nombreuses femmes du monde depuis toujours. Annie Ernaux est l’une d’entre elle, une de ces femmes ayant cédé aux avances d’un homme puis d’un autre, sans même y donner de vrai consentement - ce qui laisse planer l’ombre du viol qui ne dit pas son nom - ; une de ces femmes plus spectatrices qu’actrices dans le partage de l’intimité. Ces événements, ceux qu’on ne peut pas ignorer ou oublier et qui changent radicalement une vie, sans retour en arrière, sont ceux que nous retrace l’autrice. L’histoire de son “dépucelage raté” est pour elle une façon d’aider les jeunes filles en leur apportant le soutien qu’elle a obtenu elle aussi par la littérature, en les faisant ce sentir moins seules dans leur oppression. Encore aujourd’hui, les jeunes filles font constamment face à des humiliations, perçues comme “pas assez soumises”, d’autant plus d’actualité avec Internet et les réseaux sociaux, lieux de ferventes critiques des femmes et jeunes filles. Si elles sont souvent sujet de sexualisations incessantes, Annie Ernaux dénonce la société patriarcale qui fut d’elle une “pute sur les bords”, accusant une jeune fille tout juste mature légalement comme une femme lascive et déviante.

Mémoire de fille n’est pas la mémoire d’une fille, mais bien de la gent féminine qui endure, dans une répétition sans fin de l’Histoire, les mêmes soumissions et épreuves, toutes englobées dans cette identité de “fille”. Annie Ernaux retranscrit l’expérience de la “fille de 58”, qui reste une expérience particulière, mais à large résonnance, sans jamais porter de jugement de valeur, dans un récit puissant des bourrasques de l’adolescence.


- « la mémoire ne guide pas l’écriture des souvenirs » [Ø une citation mais c’est ce que AE dit]

- ne pas raconter des souvenirs, mais essayer de comprendre ses pensées de l’époque, sa vision du monde et des choses

- elle se voit céder à un homme.

- une autofiction, entre autobiographie et roman, mais s’approche presque d’une recherche  

- un besoin de la faire exister, de montrer « ce qu’on a vécu sans le comprendre »

- première expérience d’émancipation à la fois de ses parents, professionnelle, sociale mais aussi et surtout charnelle.

- plus complexe qu’une simple nuit : événement, dont on ne revient pas ; ses conséquences > aménorrhée sur 2 ans & boulimie (pour retrouver un contrôle par la nourriture)

- l’histoire d’une « blessure » intime 

  ambivalence entre cette « autre » qu’est la fille de 58, sa première nuit avec un autre et le jugement de ceux qui l’entourent, des autres

- une jeune fille apprend que son corps ne lui appartient pas vraiment et est simple objet du regard/plaisir masculin dans le champ social.

- Cette colonie de vacances où elle est monitrice va devenir le théâtre réduit d’une scène « immémoriale », celle où une fille qui a cru pouvoir être libre de son corps et de ses gestes se fait lyncher pour ne pas avoir respecter les codes sociaux patriarcaux.

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