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Étude Du Thème Du Corps Dans Gargantua

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quence de la proportion relative des humeurs : le sang, le phlegme ou pituite, la cholère ou bile jaune, la mélancolie ou bile noire. Gargantua est ainsi dominé par le phlegme (p.95) ce qui explique son appétit insatiable, sa paresse, sa vie passée à dormir, boire et manger, comme on le voit dans les chapitres sur son enfance et son adolescence. Cela explique aussi l’insistance sur son incapacité à maîtriser l’excrétion. Ces caractéristiques psychologiques et physiques ont été préparées dès le chapitre de la naissance : ce phlegme vient de son contact trop important avec les matières fécales.

Le narrateur suggère les effets néfastes de cette complexion physique et psychologique pour un futur roi. Ainsi, l’organisation médicale du personnage détermine aussi pour une part le programme d’éducation de Gargantua. L’éducation des sophistes ne peut que renforcer la complexion flegmatique du personnage et explique sa débilité de corps et d’esprit (charcuterie, sommeil, hygiène approximative). L’éducation de Ponocrates au contraire est avant tout une diète pour restaurer l’équilibre des humeurs : il faut réduire l’action du phlegme (chap.23), dans la lignée du canon médical et des idées de Marsile Ficin. D’ailleurs, Gargantua devient travailleur, endurant et modéré.

2 ) Un rôle dans l’action

L’approche médicale des personnages explique en partie l’organisation du récit. Ainsi, la composition flegmatique de Gargantua conditionne pour une part, nous l’avons vu, l’opposition entre les deux types d’éducation proposés par Rabelais. C’est aussi l’opposition entre la bile noire de Picrochole et la sagesse et la retenue de grandgousier qui détermine la guerre picrocholine.

B / Une fonction symbolique

1 ) La présence de la médecine

Le narrateur se plaît à rappeler l’organisation du corps humain, comme lors de la naissance de Gargantua qui traverse le corps de sa mère, ou lors de la guerre picrocholine. L’approche de l’être humain est essentiellement médicale et on sent un Rabelais prenant fait et cause pour les études médicales. La narration est ainsi marquée par les dissections dans la geste de Frère Jean ou par l’amplification systématique des blessures. On peut y voir un acte de liberté et d’opposition à la ligne doctrinale de l’Eglise : c’est aussi le plaisir du médecin à disséquer sur le papier des corps dont l’Eglise interdit l’exploration.

2 ) Le refus des interdits moraux et religieux

Le corps s’exhibe dans Gargantua dans son impudicité et toutes ses fonctions, sexuelles comme scatologiques. Rabelais se plaît à insister sur les parties du corps – « le bas-corporel » - sur lesquelles règne un mutisme, un interdit civil et religieux. Le corps profane est ainsi célébré dans ses fonctions et ses plaisirs, en toute liberté, pour l’homme comme pour la femme.

De fait, Rabelais refuse la fidélité servile à une ligne doctrinale et sépare le corps naissant de Gargantua de la nativité du Christ. Le corps profane doit pouvoir être célébré sans passer pour blasphématoire à l’égard de la vérité sainte.

3 ) Corps et Salut

Pourtant, le propos de Rabelais ressort d’une problématique religieuse. Ainsi, la guerre picrocholine trouve son origine dans le corps de Picrochole et dans sa complexion médicale : il est dominé par la bile jaune, ie la bile amère. Il est en ce sens la figure de l’hybris et du déséquilibre. A travers l’opposition de Picrochole et de Grandgousier puis Gargantua, Rabelais oppose l’homme soumis à ses passions, à l’influence des astres, promis à la déchéance, et l’homme juste et tempéré qui trouvera son repos en Dieu. De la complexion médicale et du degré de maîtrise de cette complexion et de liberté de l’homme naît aussi le Salut dans l’au-delà.

L’approche médicale des corps détermine la construction physique et psychologique des personnages. Elle entre aussi dans la défense de la médecine contre les interdictions de l’Eglise tout en justifiant de façon inattendue la conviction religieuse de Rabelais sur le Salut.

II – Le corps jouissant : une célébration humaniste de la vie

A / La célébration de l’homme et de la vie

1 ) La célébration du corps jouissant

Gargantua est une fête énorme du corps : les chapitres abondent en ripailles, débauches du ventre et du sexe. Toute l’œuvre est parcourue par une ivresse dionysiaque. C’est aussi la joie du corps jeune, actif, qui se dépense, comme dans les jeux physiques de Gargantua enfant et adolescent, qui font penser à l’ « Education d’Achille » dans la galerie de François Ier à Fontainebleau.

L’usage d’une chronique gigantale ne fait que renforcer cette célébration hyperbolique du corps humain. La stature imposante du géant donne ainsi lieu à une multiplication des adjectifs numéraux indicateurs de quantité, dans un effet comique et impressionnant. Il en est ainsi des 17900 vaches de Pantille et de Brehemond destinées à l’allaitement et des dimensions de la livrée de Gargantua.

2 ) La célébration de la vie des êtres humains

Cette célébration du corps est aussi une célébration heureuse de la vie, dans toutes ses dimensions, psychologiques mais aussi physiques. Au chap. 3, p.69, le narrateur célèbre les natures heureuses et les plaisirs de la vie. L’alimentation de Grandgousier laisse entrevoir un personnage solide, ouvert à l’amitié, plein de « sel » et de sollicitude (cf. surabondance de nourriture salées). Gargamelle elle aussi aime les plaisirs de la vie, des banquets et du sexe, sans fausse pudeur, dans une acceptation du corps. Fille des Parpaillons, elle symbolise un naturel en contradiction avec les préceptes de l’Eglise. C’est aussi pour cette raison que Rabelais insiste sur les parties du corps sur lesquelles règne ordinairement un interdit religieux : son œuvre est une acceptation du ventre et de ses fonctions, et du sexe.

3 ) La métaphore de l’envie de vivre

Les nombreuses scènes de beuverie, prises dans l’évolution de l’œuvre (cf. séance 3) sont aussi à comprendre de façon métaphorique. Ainsi la soif est aussi la métaphore de la soif de la vie. Boire, c’est accepter ses besoins humains, accomplir son humanité. Mais c’est aussi, de plus en plus dans l’œuvre, boire la vérité. Cette soif de vie et de savoir s’exprime diversement au chapitre 3 : « Je bois pour les soifs de demain » ou dans le dernier mot de Jésus sur la croix, rappelant aussi son humanité, et son attachement, malgré tout, à la vie terrestre : « J’ai soif ». Manger permet aussi d’accomplir son humanité : c’est un besoin naturel et légitime de l’homme, et en ce sens, c’est le souhait final de frère Jean : « Et grand chère ! ». Mais c’est aussi la volonté de connaissances humanistes sur l’homme, le monde et la vie qui est figuré dans l’acte de manger, comme pour le chien de Socrate suçant la « substantifique mœlle ».

4 ) Une célébration du langage

La célébration du corps est en même temps une célébration du langage qui le dit, en contradiction avec les préceptes de l’Eglise et les avertissements de la Sorbonne. Les scènes mettant en jeu le corps sont aussi des fêtes verbales de la nomination et de l’énumération, dans un jaillissement et des cascades de mots ininterrompus. La parole se déploie dans sa richesse, dans sa polysémie, et la grossièreté et l’obscénité sont aussi une fête du langage pour dire diversement les parties du corps sur lesquelles pèse l’interdit langagier. Le sexe est ainsi présent en paroles, pas en acte ! et donne lieu à divers noms, surnoms pour désigner et dire les qualités du membre viril. L’hyperbole de la braguette dans la livrée de Gargantua fait sauteur plaisamment les interdits langagiers sur le sexe. Ce n’est pas un hasard si la partie la plus célébrée de Gargantua (d’où son nom) est le gosier : fonction alimentaire certes, le bébé réclamant immédiatement à boire, mais aussi fonction vocale (il parle immédiatement !). Le chapitre 21 célèbre d’ailleurs les exercices vocaux du personnage !

B / Le problème du corps féminin

La femme n’est pas vraiment abordée dans l’œuvre, au demeurant pas du tout féministe. Rabelais semble avoir été totalement indifférent à la promotion de la femme dans la littérature courtoise (les codes de la fin’amor) médiévale. Les femmes de l’abbaye de Thélème ne diffèrent guère des hommes, et les deux sont assortis par des codes de couleurs. Gargamelle

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