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Étude La Bête Humaine

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ent, n’économise aucun détail horrible, quitte à choquer les lecteurs et le « bon goût » : meurtre de Grandmorin, assassinat de Séverine, suicide de Flore. A l’époque, le sang et les couteaux sont à la une de la nouvelle presse à sensation ou des romans policiers lus par un public avide d’émotions fortes. La structure du roman repose sur deux grands moments : l’assassinat de Grandmorin et le meurtre de Séverine par Jacques. Mais le roman comporte d’autres instants déterminants : les aveux de Séverine, l’un à Roubaud l’autre à Jacques, l’immobilisation de La Lison dans la neige et celui du déraillement où Zola joue avec le temps, le rythme et les regards des personnages pour dramatiser la scène à l’extrême. Il utilise un raccourci cinématographique pour présenter les points de vue successifs des protagonistes du drame. Il a également retenu les lieux significatifs, les difficultés du parcours, par exemple celle de la longue rampe enneigée de trois lieues montant de Harfleur à Saint-Romain de Colbosc, donc du Havre au plateau du pays de Caux. Certains tunnels et gares sont des jalons importants. Le parcours de Paris à Rouen est moins significatif, même si Maupassant en a livré une description très poétique dans Bel-Ami : « Le train longeait la Seine, et les jeunes gens se mirent à regarder dans le fleuve, déroulé comme un large ruban de métal poli à côté de la voie, des reflets rouges, des tâches tombées du ciel que le soleil, en s’en allant, avait frottée de pourpre et de feu. » Zola est familier des lieux : la ligne Paris-Le Havre passait au bas de sa maison à Médan, près de Villennes-sur-Seine. Le voisinage de La Croixde-Maufras, lieudit inventé par le romancier, est beaucoup plus sinistre puisqu’il comprend, près de Maulanay, un tunnel, tranchée où La Lison s’enlise dans la neige. La gueule noire et effrayante du tunnel apparente ce lieu à la mythologie fantastique de la peur et de la mort. Près de cet endroit maléfique se situe la maison, désormais abandonnée, de Grandmorin, où il a autrefois violé la jeune Louisette. C’est un peu plus loin que le déraillement a lieu, puis le suicide de Flore. A proximité encore, dans sa maison de gardebarrière, Misard empoisonne sa femme Phasie, à petit feu.

« Fêlure héréditaire » et bête humaine

Le titre du roman suggère la violence et la bestialité. La métaphore animale est centrale dans le texte et caractérise la plupart des personnages. Roubaud tue Grandmorin par jalousie ; lui-même avait violé la jeune Louisette. Il est qualifié de « cochon » lorsque Roubaud l’égorge. Cabuche est un vagabond quelque peu demeuré. « Bête violente », il a déjà été meurtrier. Misard, le garde© Tous droits réservés Studyrama 2010 Fiche téléchargée sur www.studyrama.com

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Fiche Cours

Nº : 91025

FRANÇAIS

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LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE

barrière, empoisonne sa femme. Flore est une fille sauvage et rude, comme la région désolée de La Croix-de-Maufras. Mais c’est à Jacques Lantier que la métaphore s’applique principalement. Pour préparer le roman, Zola a consulté des études liant criminalité et hérédité, comme L’Homme criminel de Lombroso et La Criminalité comparée de Gabriel Tarde. La criminalité serait pathologique et héréditaire. Les passions amoureuses et meurtrières seraient liées. Roubaud est furieux et Zola évoque « la bête hurlante au fond de lui ». Jacques Lantier est dominé par « la bête enragée qui montait en lui ». Sa passion lui est étrangère et le domine, comme une bête galopante et envahissante. Cette tare a été héritée de Tante Dide : « La famille n’était guère d’aplomb, beaucoup avaient une fêlure. Lui, à certaines heures, il la sentait bien, cette fêlure héréditaire. Il ne s’appartenait plus, il obéissait à la bête enragée. Il payait un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois. » La métaphore de la « fêlure » désigne une lésion, une blessure, une fuite de l’équilibre vital dans le registre de « l’homme-chaudière ». Pour Gilles Deleuze, dans une préface à La Bête humaine comme dans Logique du sens, la fêlure serait liée à l’instinct de mort. Pour Zola, elle se réfère à une névrose héréditaire, à une perte d’équilibre, « des cassures, des trous par lesquels son moi s’échappait ». L’éruption des passions irrépressibles domine la volonté rationnelle. L’aveu du meurtre, le « flot montant » de cette chose obscure, énorme, mène Jacques à l’étranglement, à l’étouffement. L’explosion de la crise le met hors de lui et c’est alors qu’il assassine Séverine : « Des morsures de feu, derrière les oreilles, lui trouaient la tête, gagnaient ses bras, ses jambes, le chassaient de son propre corps, sous le galop de l’autre, la bête envahissante. » Ses pulsions meurtrières le réduisent à l’animalité, à cette « sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois ». Derrière la civilisation, se cacherait donc une violence primitive et « animale », ce qui confère, à la fin du XIXe siècle, un caractère moderne à la démarche de Zola. Pour l’humanisme des Lumières triomphant au XIXe siècle, l’homme serait un être doué de raison. Or on découvre l’importance de l’instinct et de la violence, pressentis par de nombreux textes naturalistes et le discours idéaliste de la philosophie humaniste du sujet. Ainsi, dans Bel-Ami de Maupassant, les journalistes cherchant un sujet d’article au début du roman choisissent un crime : « on tâchait d’expliquer nettement les origines des actions, de déterminer tous les phénomènes cérébraux dont était né le drame. » Cette volonté d’explication scientifique est résolument moderne, même si la théorie de Zola sur l’hérédité reste simpliste, comme l’a remarqué Jean Rostand dans Confidences d’un biologiste, car les mécanismes de l’hérédité et la génétique sont bien plus complexes qu’on ne le pensait à la fin du XIXe siècle. Enfin, c’est La Lison, la locomotive, qui mérite l’appellation de « bête humaine ». Cette métaphore organique fait qu’elle est sans cesse assimilée à un être vivant. Elle est domptée par Jacques qui apprécie ses qualités incomparables. Ses efforts désespérés au moment de la tempête de neige l’assimilent à un être vivant. Lors de l’accident, tous ses organes intérieurs, toutes ses « tripes » sont brisés et dispersés, et elle doit rendre l’âme.

Personnages et crimes

Des rivalités successives jalonnent le roman : Roubaud devient le meurtrier de Grandmorin ; Lantier supplante Roubaud auprès de Séverine ; par le déraillement, Flore tente d’éliminer Jacques et Séverine ; Pecqueux devient jaloux de Jacques qui a une liaison avec sa maîtresse Philomène. Les ménages et les liaisons se font et se défont tandis que Pecqueux, Jacques et La Lison forment, selon le mot de Zola, un « ménage à trois ». Marqué par la jalousie et capable de violence, Roubaud organise rigoureusement le meurtre de Grandmorin, malgré ses apparences d’employé modèle du chemin de fer. Pour ne pas être compromis, il accepte la présence de Jacques – qui en sait trop – auprès de Séverine. Celle-ci, fille plutôt ingénue, soulève les passions et la violence autour d’elle. Quant à Lantier, c’est un bon mécanicien du chemin de fer de l’Ouest qui a suivi une formation aux Arts et Métiers. Technicien de la conduite et de la manœuvre, il est animé, comme nous l’avons vu, de pulsions meurtrières. Etreindre une femme peut le mener à l’égorger. Zola écrit : « Il ne s’appartenait plus, il obéissait à ses muscles, à la bête enragée… Il payait pour les autres, les pères, les grandspères qui avaient bu, les générations d’ivrognes dont il était le sang gâté, un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois. » L’inhumain est en l’homme et la nature ramenée à un processus aveugle. Sous le vernis de la civilisation, se terre en chacun la brute. Halluciné par le récit sanglant de l’assassinat de Grandmorin, Jacques est hanté par « l’autre » qui se réveille en lui et tue Séverine, alors même que celle-ci l’avait persuadé d’assassiner Roubaud. Sa volonté rationnelle étant défaillante, Jacques perd alors le contrôle de ses gestes, « des mains léguées par quelque ancêtre, au temps où l’homme, dans les bois, étranglait les bêtes ». Seule la conduite grisante de La Lison lui procure le calme désiré et attendu, avec la vitesse et l’oubli. Les crimes passionnels se succèdent tout au long du roman, d’où les champs lexicaux permanents de la violence et du sang, la dramatisation des scènes de crime et d’accident, où abondent les plaies et les hémorragies, contrairement au bon goût académique mais ce qui peut satisfaire un public avide d’émotions.

Une dimension épique

La tonalité épique est caractérisée par l’amplification des forces en présence, la métamorphose du réel et l’intrusion du surnaturel. Les personnages sont transfigurés et expriment souvent des symboles. C’est ainsi que La Lison devient un être vivant. Lorsqu’elle roule à grande vitesse dans la

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