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Le mythe de sisyphe

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adé de l'origine tout humaine de tout ce qui est humain,aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n'a pasde fin, il est toujours en marche. Le rocher rouleencore. Je laisse Sisyphe au bas de la montagne. Onretrouve toujours son fardeau. Mais Sisypheenseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux etsoulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien.Cet univers désormais sans maître ne lui paraît nistérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre,chaque éclat minéral de cette montagne pleine denuit à lui seul forme un monde. La lutte elle-mêmevers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme.Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

« Sisyphos », en grec, c'est « le très sage ». Le hérosde Camus était légendairement connu pour sonintelligence, mais aussi pour la démesure, en grec « hubris », par laquelle il voulait, en quelque sorte,s'égaler aux dieux. Sisyphe, l'être qui voulait nonpas nier la divinité, mais s'en passer, voire s'égaler àelle. D'où le châtiment qui lui rappelle à la fois saforce et sa faiblesse, et va l'obliger à l'effort sanscesse répété des êtres mortels. La force, c'est celle deSisyphe capable de rouler son rocher jusqu'en hautde la colline, la faiblesse, c'est la vanité d'un tel travail, dès lors qu'au dernier moment le rocher dévalede toute sa force jusqu'au bas de la colline, avecobligation pour Sisyphe de tout recommencer. Ilfaut porter le fardeau quotidien, quoi qu'il en coûte.

Dans le onzième chant de L'Odyssée, Homèredécrit l'effort de Sisyphe et son inexorable recommencement.

« Ses deux bras soutenaient la pierre gigantesqueet des pieds et des mains, vers le sommet du tertre,il la voulait pousser. Mais à peine allait-il enatteindre la crête qu'une force soudain la faisantretomber, elle roulait au bas, la pierre sans vergogne.Mais lui, muscles tendus, la poussait derechef, toutson corps ruisselait de sueur et son front se nimbaitde poussière. »

On reconnait là le châtiment de la tâche sanscesse recommencée, comme celle des Danaïdes, cesnymphes des sources que la légende représente auxenfers, versant indéfiniment de l'eau dans des tonneaux sans fond. Pourquoi ? La question du sensdes actions s'étend très vite à celle du sens de la vie.Dans le ciel dont les dieux se sont absentés, nulsigne désormais n'est adressé aux mortels, qui sontseuls devant leur tâche. Il leur faut conduire leurvie, la reconduire, de jour en jour, et l'effort pourle faire suffit à leur condition. L'homme va s'inventer les moyens de persévérer dans son être. DepuisProméthée, il est capable de produire son existence.Sisyphe, un instant, s'arrête. Au moins intérieurement. Et alors va s'esquisser la sagesse toute simpled'une interrogation première. Quelle vie voulons - nous vivre et quel bien mérite d'être recherché pourlui-même ? Question essentielle qui appelle uneréflexion pour aller vers la sagesse. La tâche de la viese redéfinit. Non, le recommencement qui appartient à la vie des hommes mortels ne peut pas disqualifier cette vie. Et Sisyphe lève les yeux vers leciel. Ce ciel est désert. Soit. Mais lui, Sisyphe, trouvera dans la tâche quotidienne qui est la sienne lesressources même pour vivre heureux.

Sisyphe ne peut se réconcilier avec la vie qu’ enprenant la mesure de ce monde où il va inscrire sadestinée. Sa force renaîtra toujours s'il décide, unefois pour toute, de vivre sa vie d'homme, de se passer de ces dieux qui sont tour à tour protecteurs etmenaçants. La peur n'est plus de mise, ni la lassitude. Les rythmes quotidiens ne sont pas l'essentiel.Ils rendent la vie possible, tout simplement, sanspréjuger de la direction qui l'accomplira. Àl'homme de construire son monde et de dessiner lescontours de son bonheur, de façon tout à fait inédite. Sisyphe ne peut pas reprendre à son compte lafameuse phrase de Dostoïevski : « Si Dieu n'existealors, tout est permis ». Pour Sisyphe, l'humanitémaîtresse d'elle-même porte seule son fardeau, maiselle est ainsi habilitée à définir seule les valeurs quilui permettront de vivre le mieux possible.

De cette façon, un nouveau bonheur va prendreforme sur le fond de l'absurdité initiale. Celle-ci estdépassée, transcendée. L'homme se dresse et il va assumer son humaine condition. Un humanisme sedessine qui est celui d'une patience. « Patientia », enlatin, c'est tout à la fois la souffrance et la capacitéà endurer. Vertu stoïcienne par excellence. Sisyphes’était révolté contre les dieux qui, pour le punir,lui avaient assigné cette tâche absurde : monter etdescendre, monter et descendre !

Sénèque, dans la treizième lettre à Lucilius,évoque la leçon d'espérance de l'homme qui comptedésormais sur lui-même.

« Tu as une grande force d'âme, je le sais, caravant même de te munir des préceptes salutaires quitriomphent des moments difficiles, tu te montrais,face à la fortune, suffisamment décidé. Tu l'esdevenu beaucoup plus après avoir été aux prises avecelle et avoir éprouvé tes forces. »

Éprouver ses forces, c'est effectivement ce quevient de faire Sisyphe. Alors, avant de le reprendre,en sueur mais intérieurement rasséréné, il vacontempler son rocher et se dire que la montée dela colline suffit à

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