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Commentaires Le Mal De Rimbaud

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qui (v. 9 et 11), la troisième est soulignée par la coordination Et qui la lie à la précédente et par sa place au début du second tercet après un enjambement. À son verbe (se réveille) se rattache une proposition subordonnée de temps introduite par quand, dont le verbe donnent est retardé par deux participes, ramassées et pleurant. Les vers 7 et 8, isolés par les tirets et l'emploi de la 2° personne dans une adresse à la Nature, constituent une sorte de parenthèse sans lien grammatical avec les deux groupes de propositions. Cette structure en deux blocs grammaticaux nettement distincts (les subordonnées de temps / la principale) contribue à faire apparaître la division du poème en deux tableaux distincts : ce qu’on appelle un « diptyque ».

c) La ponctuation La ponctuation confirme cette structure. Les points-virgules des vers 2, 4, 6 renvoient à la succession des subordonnées. Dans les tercets, le point-virgule du vers 10 distingue les deux relatives introduites par qui (qui rit..., Qui [ ... ] s'endort). En revanche, la virgule à la fin du premier tercet révèle la rapidité de l'enchaînement entre le verbe se réveille et ce qui précède. Mais l'absence de ponctuation forte traduit la continuité du sonnet. La seule ponctuation forte à l'intérieur du sonnet est le point d'exclamation du vers 8, à l'intérieur du passage entre tirets, mais il n'affecte pas la composition d'ensemble. Cette structure, par la phrase unique, traduit une continuité. Parallèlement, elle distingue nettement deux parties dans le sonnet, reliées par la transition des vers 7 et 8.

d) L’organisation thématique

L’observation des champs lexicaux (moyen privilégié de repérage des thèmes) suffit à révéler la bipolarisation du poème entre deux thèmes : la guerre (mitraille, bataillons, folie épouvantable, croulent, broient, morts, etc…) et la religion ( Dieu, autel, encens, calices, hosannah, etc…). On constate en outre entre ces deux parties du poème un jeu subtil de parallélismes et d'oppositions. Par exemple au niveau des couleurs : les quatrains sont à dominante rouge (crachats rouges, feu, tas fumant, écarlates ou verts) le rouge symbolisant la violence meurtrière. Dans les tercets apparaissent l'or et le noir, exprimant respectivement le luxe du clergé et le deuil des mères. Les verbes révèlent le contraste entre la violence destructrice de la guerre ( croulent, broie ) et la passivité de Dieu (s’endort) : les hommes s'entretuent, et pourtant Dieu laisse faire. Mais ils indiquent aussi le parallélisme établi par l'auteur dans la dénonciation des pouvoirs : roi qui "raille" et Dieu qui "rit".

A l'intérieur de cette thématique binaire, il faut cependant faire une place à part à la charnière du sonnet constituée par les vers 7 et 8. La syntaxe et la ponctuation nous ont déjà révélé la relative autonomie de cette partie du texte. Elle développe un troisième thème, celui de la Nature. Par ses couleurs implicites ( le vert de l’herbe, la lumière de l’été) cette évocation rejoint la mention du « ciel bleu » au vers 2 : c’est la sérénité de la Nature (la « joie ») ensanglantée par la fureur des hommes. Elle fournit une sorte de conclusion à la dénonciation de la guerre, dont elle invoque les victimes (Pauvres morts !). Mais ces deux vers introduisent aussi le thème des tercets par l’adverbe « saintement » qui annonce l’idée de la religion. Ils opposent ce qui est pour Rimbaud véritablement sacré : la Nature, invoquée comme une déesse (« ô toi … ») à ce qui est pour lui un faux Dieu, le dieu des chrétiens. Situés exactement au centre du poème, ces vers 7 et 8 constituent formellement une transition mais, sur le plan des idées, ils révèlent peut-être le fond de la pensée de l’auteur.

e) L'effet de chute Une règle caractéristique du sonnet consiste à ménager un effet d'attente jusqu'au dernier vers, lequel doit prendre l'allure d'une conclusion suggestive ou inattendue, résumant l'idée du poème. C'est ce qu'on appelle la "chute". Ici, l'attente est d'autant plus marquée que tout le texte n'est qu'une longue phrase commençant par 4 subordonnées, où le verbe principal doit être attendu jusqu'au vers 9. Le poème, enfin, s'achève sur une forte image : l'offrande d'une mère pour le salut de son fils, geste de soumission et de supplication vers un dieu insensible et vénal. Le dernier vers porte à son maximum d'intensité le double sentiment de pitié et d'indignation qui se dégage du texte.

II

Dans sa brièveté et sa généralité, le titre du poème est à première lecture énigmatique. De quel mal s’agit-il ? Mais la composition en deux blocs du poème, telle qu’elle a été analysée précédemment, montre que le Mal a ici deux visages : la guerre, la religion, que le poème dénonce par l’utilisation d’une multitude de procédés expressifs.

a) La dénonciation de la guerre : violence destructrice et mépris des hommes.

Plusieurs procédés de style sont mobilisés pour faire ressortir une double idée : la guerre tue, la guerre constitue un acte de mépris des gouvernants à l’égard des peuples.

On remarque d'abord les figures d'analogie. L'expression « crachats rouges de la mitraille » combine plusieurs figures de style. Une métaphore (mitraille = crachats rouges) semble donner naissance à une autre association, complexe, qui relève de la métonymie (mitraille, guerre = sang, couleur rouge). La première de ces figures compare les coups de feu répétés à des crachats de couleur rouge. La seconde associe à ces salves d'artillerie l'idée des blessures qu'elles provoquent (plaies, vomissements de sang). En outre, la formule utilisée connote le mépris (sentiment humain) à l’égard des soldats : la mitraille est donc personnifiée et en vient à symboliser le mépris pour la vie humaine qui caractérise la guerre. On aboutit ainsi à faire de ces "crachats rouges de la mitraille" la représentation concrète d'une notion abstraite (la guerre), ce qu'on appelle une allégorie. Il semble que la guerre soit représentée comme un monstre crachant son haleine de feu sur les hommes.

La métaphore du vers 4 (« Croulent les bataillons en masse dans le feu ») vise l’aspect destructeur de la guerre : elle compare le champ de bataille à un brasier où les bataillons s’écroulent comme des bûches carbonisées. On notera que cette métaphore est filée au vers 6 avec l’expression « tas fumant ».

L’hyperbole est l’autre figure de style significative : elle sert à amplifier l’image destructrice de la guerre. On peut rattacher à l’hyperbole l’usage des pluriels et des nombres : « les bataillons », « cent milliers d’hommes » ; le vocabulaire impliquant une idée de grandeur dans la comptabilisation des victimes : « en masse », « tas » ; le vocabulaire suggérant la longueur de la bataille : « tout le jour », et la dimension du champ de bataille : « par l’infini du ciel bleu ».

Les allitérations développent cette double impression de violence et de mépris. On note l’allitération du /r/ : seul (roi, raille) ou lié à des consonnes dentales dures /cr/ (crachats, croulent), /tr/ (mitraille), ou encore au « b » : /br/ (broie) ; la rugosité du /r/ est très souvent exploitée par les poètes pour suggérer des impressions désagréables, ici saleté et violence. L’allitération du /f/ : « sifflent / infini / folie » joue ici un rôle voisin et évoque plutôt le souffle des bombardements que les images de douceur parfois liées à cette consonne.

L’apostrophe entre parenthèses (tirets) lancée par le poète dans les vers 7 et 8, vers les soldats morts puis vers la Nature, permet de faire apparaître un jeu d’oppositions. Opposition entre la guerre qui détruit les hommes et la Nature qui les engendre (verbe faire : « qui fis ces hommes » ). Opposition entre la Nature et Dieu : l'une qui se conduit « saintement », que le poète invoque comme une véritable divinité (« ô toi … » ), qui est désignée comme celle qui crée les hommes - attribut habituel de Dieu pour les chrétiens - ; l'autre qui « rit » pendant que les hommes meurent et ne s'intéresse qu'à leur argent, comme on le verra dans les tercets.

L’observation de la ponctuation montre la présence, à partir du vers 7, de points d’exclamation traduisant l’indignation et l’émotion du poète.

La versification joue aussi son rôle dans le développement de ces significations. La rime « mitraille / raille » correspond à la double dénonciation

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