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La Vie Intérieure Dans Les Œuvres De Nathalie Sarraute Et Virginia Woolf

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11 Bibliographie 82

1 Introduction

1.1 Modernisme et le nouveau regard sur la réalité

La fiction réaliste se manifeste par la conviction fondamentale qu’on peut connaître la réalité et qu’on peut collectivement partager cette connaissance, cette vérité. Néanmoins, vers la fin du 19e siècle cette conviction épistémologique s’affaiblit et pour un nombre de raisons on commence à percevoir la réalité est sa représentation en fiction comme problématique. D’après David Lodge, avec l’arrivée du modernisme, on accorde de plus en plus d’importance à « la construction de la réalité par une conscience individuelle, aux difficultés de communication entre les univers mentaux séparés, aux effets troublants de l’inconscient sur la conscience et aux limitations de la connaissance humaine.»

Cette nouvelle orientation était sans doute stimulée par le vouloir de libérer le roman des limitations du réalisme, de la dépendance du monde matériel. Virginia Woolf exprime (entre autres) son désir de se libérer des contraintes du roman traditionnel dans sa fameuse citation:

« If a writer were a free man and not a slave, if he could write what he chose, not what he must, if he could base his work upon his own feeling and not upon convention, there would be no plot, no comedy, no tragedy, no love interest or catastrophe in the accepted style, and perhaps not a single button sewn on as the Bond Street tailors would have it. Life is not a series of gig lamps symmetrically arranged; but a luminous halo, a semi-transparent envelope surrounding us from the beginning of consciousness to the end. Is it not the task of the novelist to convey this varying, this unknown and uncircumcised spirit, whatever aberration or complexity it may display, with as little mixture of the alien and external as possible? »

Le roman moderne reflète l’idée que « la seule vérité résidait dans la vie de la psyché qu’il fallait interroger pour y voir apparaître le monde » et il se concentre non seulement sur la conscience, mais aussi sur le pré-conscient et l’inconscient. Pour un grand nombre des modernistes la seule ‘vraie’ réalité, semble-t-il, serait subjective. L’objectivité doit donc faire place à l’introspection, à l’analyse, à la réflexion et à la rêverie.

« [...] il n’est, à la limite, de réalité que subjective (« le monde est ma représentation », dit de son côté Heidegger). Si je dépouille de ses apparence l’objet qui est devant moi, je ne me retrouve plus finalement qu’avec un mirage sur lequel rebondissent mes propres émotions, qui les fait miroiter, jaillir, disparaître et renaître, mais qui n’est constitué que par ce foyer qui lui donne sens : ma conscience, mon désir. »

L’art et la littérature se trouvent sous l’influence grandissante de la philosophie et de la psychologie contemporaine qui place la vie mentale et émotionnelle de l’homme au centre de l’attention ; on pourrait mentionner par exemple la psychanalyse de Freud et la Gestalt psychologie, la phénoménologie de Husserl et Heidegger, les idées bergsoniennes de la durée et de l’élan vital.

La citation de Paul Klee, concernant la peinture, exprime bien cette nouvelle orientation de l’art en général :

« Formerly we used to represent things visible on earth. Today [...] things appear to assume a broader and more diversified meaning, often seemingly contradicting the rational experience of yesterday. There is a striving to emphasize the essential character of the accidental. »

C’est alors dans ce contexte qu’il faut situer l’émergence du roman de courant de conscience et du style indirect libre, qui pourrait être un aboutissement de la grandissante intériorisation de la représentation romanesque. « Le romancier moderne ne se contente plus de décrire les événements de l'histoire comme s'il s'agissait d'un témoignage historique, il entre intimement dans la conscience de ses personnages et s'en fait l'interprète discret. » L’auteur moderne peut enfin se permettre de ‘creuser’ plus librement et intensivement la conscience d’une individualité. C’est ‘le drame de la conscience’ qui gagne en importance, dès lors le roman modern devient le « roman de la conscience subtile » qui échappe aux conventions des procédés narratifs traditionnels :

« [the modern novel] become a novel of fine consciousness; it escapes the conventions of fact-giving and story-telling; it desubstantiates the material world and pits it in its just place; it transcends the vulgar limitations and simplicities of realism, so as to serve a higher realism. The modern novel is the freer novel, and its freedom is the freedom not only to be more poetic, but also truer to the feel of life. »

1.2 La vie intérieure

Si la conscience, l’intériorité ou la vie intérieure deviennent le nouveau sujet d’intérêt du romancier, il se pose immédiatement la question comment le rendre en prose ? Et qu’est-ce qu’on doit comprendre, en effet, sous le terme ‘la vie intérieure’ ? Virginia Woolf, dans son essai « Fiction moderne », l’exprime de la façon suivante :

« The mind receives a myriad impressions – trivial, fantastic, evanescent, or engraved with the sharpness of steel. From all sides they come, an incessant shower of innumerable atoms [...] Life is a luminous halo, a semi-transparent envelope surrounding us from the beginning of consciousness to the end. Let us record the atoms as they fall upon the mind in the order in which they fall, let us trace the pattern, however disconnected and incoherent in appearance, which each sight or incident scores upon the consciousness » ;

tandis que Nathalie Sarraute décrit ce que se « dissimule derrière le monologue intérieur » de cette façon:

« Et il [le lecteur] n’a pas été long à percevoir ce qui se dissimule derrière le monologue intérieur : un foisonnement innombrable de sensations, d’images, de sentiments, de souvenirs, d’impulsions, de petits actes larvés qu’aucun langage intérieur n’exprime, qui se bousculent aux portes de la conscience, s’assemblent en groupes compacts et surgissent tout à coup, se défont aussitôt, se combinent autrement et réapparaissent sous une nouvelle forme, tandis que continue à se dérouler en nous, pareil au ruban qui s’échappe en crépitant de la fente d’un téléscripteur, le flot ininterrompu des mots. »

Le but de ce travail ne sera pas de faire une analyse psychologique de ce qu’on comprend exactement sous la désignation ‘la vie de la psyché’. Je vais essayer plutôt de me concentrer sur l’effet que cette nouvelle orientation thématique a sur l’écriture et comment le romancier rend les aspects différents de la vie intérieure en prose.

Quand on parle de la vie intérieure ou du courant de conscience, on se concentre plutôt sur la pensée, les niveaux conscients, pré-conscients ou inconscients de la psyché, mais on oublie souvent les émotions, les sensations, ou les expériences perceptives, comme s’ils ne faisaient pas partie de la perception subjective du monde. En même temps, William James, ‘l’inventeur’ du terme « courant de conscience »,

« ne concevait pas ce terme comme exclusivement ou nécessairement verbal, mais y reconnaissait la présence d’autres ‘composants psychiques’, notamment des images visuelles – et les critiques ont en général ignoré ce détail, en utilisant indifféremment les expressions ‘monologue intérieur’ et ‘courant de conscience’. »

Dans ce sens, pour parler de la vie intérieure, David Lodge utilise un terme différent – les « qualia » , qui désigne « la nature spécifique de notre expérience subjective du monde. » Les exemples des « qualia » seront « l’odeur du café frais, le goût de l’ananas » ; les expériences qui ont d’après lui un caractère distinct phénoménologique, que chacun a éprouvé mais qu’il est très difficile de décrire. Selon l’article disponible en ligne les « qualia » correspondent aux

« effets subjectifs, ressentis et associés de manière spécifique aux états mentaux : expériences perceptives ; sensations corporelles (douleur, faim, plaisir, etc.) ; passions et émotions. »

D’après l’article mentionné, les « qualia » sont « incommunicables » et on ne peut pas les’appréhender autrement que par l’expérience directe. Est-ce que cela veut donc dire, qu’il serait impossible de les représenter par des moyens littéraires ? Néanmoins, la fameuse madeleine de Proust, par exemple, semble être la preuve du contraire. Toutefois, il se pose la question de quelle manière les niveaux préverbaux de la conscience (l’inconscient, ou le pré-conscient), ainsi que d’autres composants de la vie intérieure (émotions, sensations) peuvent être exprimés d’une façon essentiellement verbale ? Le langage est-il capable d’exprimer l’émotion / les états ‘souterrains’ de notre conscience ou tout simplement la pensée ?

1.3 La relation entre le langage et la pensée

Plusieurs philosophes se sont déjà intéressés à cette problématique, notamment Henri Bergson, qui estime que la « pensée pure » est « indépendante de toute formulation discursive », les mots ne pouvant que la dénaturer :

« [...] le mot aux

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