DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Arret kerouhaa

Compte Rendu : Arret kerouhaa. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 10

article 13 du règlement interne du collège, qui dispose que « le port de tout signe distinctif, vestimentaire ou autre, d’ordre religieux, politique ou philosophique est strictement interdit ». Cette exclusion a été confirmée par le Recteur d’Académie dans une décision du 11 mars 1991.

Les parents des trois jeunes filles contestent cette interdiction du port du voile, ainsi que les décisions d’exclusion de leurs filles sur ce motif devant le Tribunal administratif de Paris. Celui-ci dans un jugement rendu le 2 juillet 1991, rejette leur demande. Les requérants déposent ainsi une requête devant le Conseil d’Etat, afin de faire annuler ledit jugement, l’article 13 du règlement interne du collège, ainsi que les décisions d’exclusion de leurs filles.

Le Conseil d’Etat dans un arrêt du 2 novembre 1992 indique que le principe de laïcité doit comprendre notamment « la liberté de conscience des élèves », et par la même que le port de signes religieux « n’est pas par lui-même incompatible avec le principe de laïcité ». Mais le Conseil d’Etat précise que cette affirmation d’appartenance à une religion ne doit pas constituer « un acte de pression, de provocation, de prosélytisme ou de propagande », porter « atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève ou d’autres membres de la communauté éducative », compromettre « leur santé ou leur sécurité », perturber « le déroulement des activités d‘enseignement et le rôle des enseignants » et enfin plus généralement troubler « l’ordre dans l’établissement ou le fonctionnement normal du service public ».

Au regard de ces principes, le Conseil d’Etat indique que l’article 13 du règlement interne du collège, qui est rédigé en termes très généraux, méconnaît la liberté d’expression reconnue notamment par le principe de laïcité. Son annulation est donc fondée.

Sur la question de l’annulation des décisions d’exclusion des trois jeunes filles, le Conseil d’Etat indique qu’il n’a pas été établi que le port du voile par ces jeunes filles a méconnu les conditions précitées dans lesquelles doit s’exercer la liberté d’expression des élèves, notamment en matière de croyance. Ainsi, ces décisions, prises de plus sur la base de l’article 13 du règlement interne qui a été annulé par le Conseil d’Etat, sont par là même jugées « illégales » par le Conseil d’Etat et donc annulées. Le Conseil d’Etat décide donc d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris qui avait rejeté la demande des parties.

Le problème de la laïcité met en exergue la difficile corrélation entre la liberté individuelle et la sauvegarde de l’intérêt général. Ainsi, quel est l’équilibre que le Conseil d’Etat parvient à maintenir entre la nécessaire neutralité du service public et le principe de laïcité ? Car, si le juge administratif affirme dans cet arrêt la non-contradiction entre cette neutralité du service public et le principe de laïcité (I), il n’en pose pas moins le principe de la primauté de l’intérêt général sur l’intérêt particulier (II), qui a été affirmé depuis par le Législateur lui-même.

I/ L’absence de contradiction entre la neutralité du service public et le principe de laïcité

Une société laïque est une société qui respecte toutes les croyances. Toutefois, cette laïcité impose que le citoyen ne soit pas appréhendé en tant que croyant de telle ou telle religion, mais en tant que simple citoyen indépendamment de tout aspect religieux. Cette neutralité s’impose à l’Administration et à la société dans son ensemble. Exercer sa religion dans le cadre privé ne pose évidemment pas de problème. La difficulté naît dès lors que dans sa « vie publique » le citoyen entend s’affirmer comme appartenant à une religion. Ce problème se pose particulièrement dans le cadre de l’enseignement. Or, le juge administratif dans l’arrêt Kherouaa de 1992, affirme que la notion de neutralité du service public de l’éducation, et celle de liberté de conscience, sont non pas antagonistes mais au contraire complémentaires (A). La conséquence de cette corrélation qui se cristallise dans le principe de laïcité est le nécessaire respect de la liberté d’expression (B).

A/ Deux notions complémentaires

La laïcité de l’Etat est abordée par le Conseil d’Etat au regard de deux textes fondamentaux : la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ainsi que la Constitution de 1958. Le premier texte, visé par le juge administratif, en particulier son article 10, pose en principe la liberté d’opinions « même religieuses », tout en précisant qu’elle doit s’exercer dans le cadre établi par la loi. La Constitution de 1958, dont l’article 2 est cité par le Conseil d’Etat, affirme la laïcité de la République, l’égalité de tous devant la loi sans distinction notamment religieuse ainsi que son respect vis-à-vis de toutes les croyances.

Le principe de laïcité de la société française impose que les administrations respectent une neutralité concernant le domaine religieux : la religion est de l’office du domaine privé. Selon le Conseil d’Etat, la laïcité de l’enseignement impose deux choses : le respect de « cette neutralité par les programmes et par les enseignants », ainsi que le respect de « la liberté de conscience des élèves ». Autrement dit, la laïcité est selon le Conseil d’Etat l’élément qui fait la liaison entre la société, forcément neutre, et l’individu, appartenant éventuellement à une religion. L’Etat, les administrations sont déconnectés de la sphère religieuse : dans le domaine de l’éducation, cela se traduit par des enseignements neutres, c’est-à-dire qui n’ont pas de portée religieuse, et des enseignants également neutres, c’est-à-dire qui ne font pas mention de leurs croyances, et à plus forte raison qui ne défendent pas leur point de vue religieux. Concernant les élèves, qui sont en l’espèce des usagers d’un service public, Le Conseil d’Etat ne leur impose pas une neutralité religieuse. Le juge administratif affirme au contraire que le principe de laïcité doit s’entendre comme leur reconnaissant une « liberté de conscience ».

Ainsi selon le Conseil d’Etat, la neutralité et la liberté de conscience ne sont pas deux principes qui s’affrontent mais plutôt qui doivent cohabiter, en ce sens qu’ils ne concernent pas les mêmes personnes, le premier s’appliquant à l’Administration, le second aux administrés. C’est de cette manière que le juge administratif définit la notion de laïcité, qui emporte selon lui, concernant les administrés, le respect de leur liberté d’expression.

B/ La conséquence de la laïcité :le respect de la liberté d’expression

Au regard de la vision du Conseil d’Etat concernant la laïcité, la liberté d’expression doit être assurée vis-à-vis des administrés. En l’espèce, il s’agit d’élèves portant le voile, signe d’appartenance à la religion musulmane, qui ont été exclues de leurs établissements scolaires, sur le fondement de l’article 13 du règlement interne prohibant le port de tout signe religieux. Or la loi du 10 juillet 1989 en vigueur en 1992, plus particulièrement son article 10, rappelé par le Conseil d’Etat, reconnaissait aux élèves la liberté d’expression. Pour le juge administratif, cette liberté d’expression n’est autre que la conséquence de la liberté de conscience et emporte « le droit d’exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l’intérieur des établissements scolaires ». Le Conseil d’Etat affirme ainsi que le fait pour des élèves d’extérioriser leur appartenance à une religion, notamment par leur tenue vestimentaire, n’est pas contraire au principe de laïcité puisqu’il découle de la liberté de conscience comprise dans ce même principe de laïcité. L’article 13 du règlement interne du collège est par là même jugé non conforme à ce principe et donc susceptible d’être annulé.

Le Conseil d’Etat se place ici en défenseur des libertés individuelles. On aurait pu penser que le principe de laïcité s’entendait d’une neutralité certes de l’Administration, mais aussi des administrés dès lors que la manifestation d’une croyance se fait dans un cadre public. Ce n’est pas ce qui est retenu par le Conseil d’Etat qui affirme au regard des textes cités que c’est l’Etat qui doit être regardé comme laïc et donc soumis à la neutralité, et non la société : l’individu peut très bien exprimer, extérioriser sa religion dans la société, y compris dans le cadre scolaire. La défense de l’intérêt particulier semble ici très forte. Toutefois, le Conseil d’Etat apporte un bémol à cette liberté d’expression : elle doit se faire dans un certain cadre.

II/ La primauté de l’intérêt général sur l’intérêt particulier

La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui est le texte fondateur de la liberté de conscience, affirmait déjà que cette liberté devait s’exercer dans le cadre défini par la loi. Ainsi, la liberté individuelle ne saurait se transformer en liberté anarchique qui conduirait à remettre en cause l’ordre public et la liberté d’autrui. Aussi, dans l’arrêt Kherouaa, le Conseil d’Etat affirme-t-il que la liberté d’expression est une liberté encadrée (A’), qui peut être limitée par

...

Télécharger au format  txt (16 Kb)   pdf (129.9 Kb)   docx (10 Kb)  
Voir 9 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com