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Inde L'évolution Des Canons De Beauté Féminins

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ions culturelles, tant littéraires qu’architecturales, a permis de construire sur trois périodes l’imagerie mythologique du canon du beau féminin indien. Cette imagerie de la femme indienne nait de l’agglomération de l’incarnation de la puissance sexuelle de trois femmes : la déesse, la danseuse ou de la courtisane. La femme idéale y est alors représentée par les yakshinîs dont le corps est toujours ployé selon la même logique : celle du tribhanga ou triple flexion. La tête est donc légèrement penchée, les hanches, larges, en saillie et les jambes sont le support du poids du corps inégalement répartis. A cette position du corps s’ajoutent une longue liste de critères : le visage doux en forme de lune, l’expression perpétuellement souriante et aimable, les sourcils relevés et des lèvres assez charnues, une poitrine généreuse, la nudité du corps pour révéler l’intimité féminine, la finesse de la taille, révélation de la féminité. La femme indienne se doit d’être séductrice, provoquante et tentatrice mais toujours dans une forme de séduction sereine. Une description qui a normalisée la beauté féminine dans l’art et la pensée de l’Inde. Le beau étant une imagerie d’un corps sensuel mais qui célèbre aussi l’opulence de la vie. Opulence faisant référence au fait que les yakshinîs sont des femmes-génies liées à la végétation. Femmes symboles de l’abondance et de la prospérité, des femmes qui sont directement liées aux capacités de reproduction de la nature. De ce fait, la fertilité devient un élément central de la beauté. Au même titre que le sentiment érotique, le shringâra : un de ces neuf rasa de l’esthétique indienne, l’essence de la puissance évocatrice d’une mise en scène est une essence immatérielle et difficile à décrire ou de comprendre. C’est le rasa qui produit le plaisir, auquel « s’ajoute encore une acception qui désigne un état de bonheur accentué, au sens de la félicité (ânanda), le genre de béatitude que l’on ne peut connaître que par l’esprit ». Ce qui permet de comprendre que le beau n’est pas tant l’expression de ce canon esthétique transcendant sinon le sentiment chavirant qui s’exhale de la mise en scène de ce corps.

Cette conception de la beauté n’est pas la seule : elle n’est partagée par l’ensemble des Indiens au sein de l'âge d'or de l'hindouisme et de la littérature sanskrite classique. Cette divergence est née au sein de l'Empire Maurya à partir de 320 av. J.-C. notamment dans le royaume indo-grec. Deux siècles d’existence qui ont parfois su faire la synthèse des différentes cultures présentes. En effet, l'art hellénistique, en particulier la sculpture, est absorbée au nord de l’Inde, où le bouddhisme se répand sans éliminer les religions en place. On observe un syncrétisme entre les divinités grecques et celles des indiens. En plus de cela la domination du bouddhisme et les conquêtes musulmanes des Indes, entre 711-712, avec l'invasion du Sind par les Arabes jusqu’au 16ème siècle avec le début de l'empire moghol. Ces périodes ont permis l’apparition d’une autre beauté valorisant une femme humble, retenue et dévoué à son époux, un demi-dieu. Elle est la pativratâ, gardienne du foyer domestique et elle est garante de la pureté du lignage. Sa forme la plus extrême et la plus aimée, est celle de la satî, la veuve s’immolant sur le bûcher de l’époux. Cette femme contrairement à la yakshinîs est plus terre à terre, rurale. Dans les zones rurales, l’analogie entre la pativratâ et la bufflesse est faite car être belle est synonyme de robustesse, de résistance à la tâche et au mauvais traitement, à l’instar d’une bête de somme. Cette beauté est vénérée par les hommes cherchant avant tout une fidélité servile et sans faille de l’épouse. La yakshinî est alors diabolisée car la beauté qui ne s’accompagne pas de robuste effraie car elle est synonyme de tentation et de dangers. De récits populaires mettent ainsi en scène des courtisanes dont le charme dévoie les plus austères ascètes, y compris les grands « voyants » (rishi) d’autrefois. Un paradoxe dans la mesure où les hommes souhaitent que leur épouse soit semblable aux yakshinîs, jeunes et jolies, la peau couleur de blé, de longs cheveux noirs tressés et un léger embonpoint, alors que les femmes, les mères se méfient, elles, de leur pouvoir de séduction.

Courtisane faisant sa toilette, Source inconnue

Un autre critère de la pativratâ est l’embonpoint garant de la santé et symbolise ces biens désirés : l’abondance, la fertilité, le succès, la prospérité, le prestige ou le pouvoir, et la beauté. Deux canons de beauté qui sont paradoxaux mais qui se rejoignent autour d’un même point la symbolique qui se cache derrière celle de l’abondance, de la prospérité et de la fertilité.

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Avec la colonisation britannique qui commence en 1750 en Inde et s’étendra jusqu’en 1947, l’Inde connait des transformations majeures sur le plan culturel. En effet, les britanniques sont mués par une volonté de replacer les représentations traditionnelles des divinités par des grossières effigies métalliques, des images polychromes imprimées. Cette volonté s’inscrit dans le but de désacraliser ces dernières et d’opérer une acculturation esthétique. La déesse Lakhsmî s’inspire fortement du modèle grec, voire victorien et beaucoup plus aryenne. L’Inde assiste à une standardisation de ses canons de beauté sur la base d’un modèle artistique issu du mariage du style anglais et indien. Ce qui est qualifié d’aryanisation entraîne une transformation esthétiques passant par la transformation des déesses féminines et d’une re-sacralisation de certains personnages mythologiques et thèmes du Mahâbhârata et du Râmâyana : Lakshmî, Yashodâ, Pârvatî incarnant la maternité dans toute sa puissance et idéalisation ou encore Râma et Sîtâ, Nala et Damayantî, Shakuntalâ et Dushyanta représentantes de la beauté de la conjugalité et de l’autosacrifice de l’épouse. L’Inde coloniale voit alors apparaitre une redéfinition du beau, une sorte de construction entre sa période antique et présente, du mythologique et de l’historique dans une logique voulant faire prendre conscience aux indiens d’une aryanité. La méthode de recensement britannique de la population indienne pendant leur colonisation a fortement transformé la société indienne dans la mesure où les britanniques ont établi une hiérarchisation par les teintes de la peau pour classifier les Indiens. Plus claire sera la couleur de peau de l’individu, plus haute sa position dans la hiérarchie sociale sera. Un système qui aura pour conséquence de répandre un préjugé racial dans toute l’Inde. La clarté de la peau et de la race sont devenue des critères de différenciation des castes et religieux dans la gestion de la société indienne. Elle sera ainsi liée au niveau statutaire et aux privilèges qu’elle apportera à cette société aryenne. Les indien a la peau noir sont condamnés à travailler la terre alors que ceux à la peau claire peuvent postuler à des postes plus hauts, tels que la gestion des représentant des castes ou des emplois gouvernementaux. Le but des britanniques étant de créer une société aux allures occidentales « Indian in blood and colour, but English in taste, in opinion, in morals and in intellect ». L’anglais est donc devenu la langue de l’éducation pour ses Indiens blanc. La discrimination par la couleur de peau affecte encore plus les femmes car sa beauté se définit de par la blancheur et la pureté de sa peau. Nait alors une internalisation du racisme dans la société indienne : les indiens pratique une discrimination raciale au sein même de leur société en discriminant ceux qui ont une couleur de peau plus foncée.

Actrice indienne et Miss Monde 1994 : Aishwarya Rai

Actrice indienne et Miss Monde 1994 : Aishwarya Rai

Mais cette transformation plus qu’esthétique et raciale revêt une franche dimension politique dans la mesure où les valeurs que véhiculaient initialement pativratâ et yakshinî ont été détournées dans la lutte contre le colonialisme. L’Inde est identifiée par les nationalistes comme une terre, mère et patrie, qui prend les traits d’une belle femme. Une femme qui soit est sacrée car mère féconde et protectrice soit une femme séductrice et provoquante. Une image qui a été détournée dans le sens où cette incarnation se fait par la revendication d’une souche aryenne de celle-ci. Une femme dont le canon de beauté a été certes re-sacralisé au 20ème siècle avec les luttes nationalistes antibritanniques mais dans une forme distordue dans la mesure où le legs colonialiste y était déjà fortement ancré celui de l’idéalisation de la beauté de la femme claire de peau notamment avec l’icône de cette bataille qu’est l’épouse personnifié par Lakshmî. Ainsi, le colonialisme a fait naître ce qui peut être qualifié un racisme du beau basé sur la couleur de peau. La colonisation britannique a eu pour effet que la « couleur de la race » soit un enjeu majeur du beau : les membres des hautes castes s’associe à des caucasiens bruns issus du stock aryen. Une association largement propagée par les orientalistes, admirateurs de l’antique civilisation indienne. Une acception qui fut rejetée par les Anglais et qui se traduit par la transformation de l’Inde en empire où le préjugé racial est de plus en plus fort face aux noirs.

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