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La Bete Et La Bete Texte

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nt plusieurs amants qui seraient trop heureux de les épouser, quoiqu’elles n’eussent plus de fortune. Les bonnes demoiselles se trompaient ; leurs amants ne voulurent plus les regarder quand elles furent pauvres. Comme personne ne les aimait à cause de leur fierté, on disait : « Elles ne méritent pas qu’on les plaigne, nous sommes bien aises de voir leur orgueil abaissé ; qu’elles aillent faire les dames en gardant les moutons ». Mais en même temps tout le monde disait : « Pour la Belle nous sommes bien fâchés de son malheur ; c’est une si bonne fille ! Elle parlait aux pauvres gens avec tant de bonté ; elle était si douce, si honnête ! » Il y eut même plusieurs gentilshommes qui voulurent l’épouser, quoiqu’elle n’eut pas un sou ; mais elle leur dit qu’elle ne pouvait pas se résoudre à abandonner son pauvre père dans son malheur, et qu’elle le suivrait à la campagne pour le consoler et l’aider à travailler. La pauvre Belle avait été bien affligée d’abord de perdre sa fortune ; mais elle s’était dit à elle-même : « Quand je pleurerai beaucoup, mes larmes ne me rendront pas mon bien ; il faut tâcher d’être heureuse sans fortune ». Quand ils furent arrivés à leur maison de campagne, le marchand et ses trois fils s’occupèrent à labourer la terre. La Belle se levait à quatre heures du matin, et se dépêchait de nettoyer la maison et d’apprêter à dîner pour la famille. Elle eut d’abord beaucoup de peine, car elle n’était pas accoutumée à travailler comme une servante ; mais

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au bout de deux mois elle devint plus forte, et la fatigue lui donna une santé parfaite. Quand elle avait fait son ouvrage, elle lisait, elle jouait du clavecin, ou bien elle chantait en filant. Ses deux sœurs, au contraire, s’ennuyaient à la mort ; elles se levaient à dix heures du matin, se promenaient toute la journée, et s’amusaient à regretter leurs beaux habits et les compagnies. « Voyez notre cadette, disaient-elles entre elles, elle a l’âme basse et si stupide, qu’elle est contente de sa malheureuse situation. » Le bon marchand ne pensait pas comme ses filles. Il savait que la Belle était plus propre que ses sœurs à briller dans les compagnies. Il admirait la vertu de cette jeune fille, et surtout sa patience : car ses sœurs, non contentes de lui laisser faire tout l’ouvrage de la maison, l’insultaient à tout moment. Il y avait un an que cette famille vivait dans la solitude, lorsque le marchand reçut une lettre, par laquelle on lui marquait qu’un vaisseau sur lequel il avait des marchandises venait d’arriver heureusement. Cette nouvelle pensa tourner la tête à ses deux aînées, qui pensaient qu’à la fin elles pourraient quitter cette campagne, où elles s’ennuyaient tant ; et quand elles virent leur père prêt à partir, elles le prièrent de leur apporter des robes, des palatines, des coiffures, et toutes sortes de bagatelles. La Belle ne lui demandait rien ; car elle pensait en elle-même, que tout l’argent des marchandises ne suffirait pas pour acheter ce que ses sœurs souhaitaient. « Tu ne me pries pas de t’acheter quelque chose ? » lui dit son père. « Puisque vous avez la bonté de penser à moi, lui dit-elle, je vous prie de m’apporter une rose, car il n’en vient point ici. » Ce n’est pas que la Belle se souciât d’une rose, mais elle ne voulait pas condamner, par son exemple, la conduite de ses sœurs, qui auraient dit que c’était pour se distinguer qu’elle ne demandait rien. Le bon homme partit ; mais quand il fut arrivé, on lui fit un procès pour ses marchandises, et, après avoir eu beaucoup de peine, il revint aussi pauvre qu’il était auparavant. Il n’avait plus que trente milles pour arriver à sa maison, et il se réjouissait déjà du plaisir de voir ses enfants ; mais comme il fallait passer un grand bois avant de trouver sa maison, il se perdit. Il neigeait horriblement ; le vent était si grand, qu’il le jeta deux fois en bas de son cheval : la nuit étant venue, il pensa qu’il mourrait de faim ou de froid, ou qu’il serait mangé des loups qu’il entendit hurler autour de lui. Tout d’un coup, en regardant au bout d’une longue allée d’arbres, il vit une grande lumière, mais qui paraissait bien éloignée. Il marcha de ce côté-là, et vit que cette lumière sortait d’un grand palais qui était tout illuminé. Le marchand remercia Dieu du secours qu’il lui envoyait, et se hâta d’arriver à ce château ; mais il fut bien surpris de ne trouver personne dans les cours. Son cheval, qui le suivait, voyant une grande écurie ouverte, entra dedans, et ayant trouvé du foin et de l’avoine, le pauvre animal, qui mourait de faim, se jeta dessus avec beaucoup d’avidité. Le marchand l’attacha dans l’écurie, et marcha vers la maison, où il ne trouva personne ; mais étant entré dans une grande salle, il y trouva un bon feu, et une table chargée de viande où il n’y avait qu’un couvert. Comme la pluie et la neige l’avaient mouillé jusqu’aux os, il s’approcha du feu pour se sécher, et disait en lui-même : « Le maître de la

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maison ou ses domestiques me pardonneront la liberté que j’ai prise, et sans doute ils viendront bientôt. » Il attendit pendant un temps considérable ; mais onze heures ayant sonné sans qu’il vit personne, il ne put résister à la faim, et prit un poulet qu’il mangea en deux bouchées et en tremblant ; il but aussi quelques coups de vin, et, devenu plus hardi, il sortit de la salle, et traversa plusieurs grands appartements, magnifiquement meublés. À la fin il trouva une chambre où il y avait un bon lit ; et comme il était minuit passé, et qu’il était las, il prit le parti de fermer la porte et de se coucher. Il était dix heures du matin quand il se leva le lendemain, et il fut bien surpris de trouver un habit fort propre à la place du sien, qui était tout gâté. « Assurément, dit-il en luimême, ce palais appartient à quelque bonne fée qui a eu pitié de ma situation. » Il regarda par la fenêtre et ne vit plus de neige, mais des berceaux de fleurs qui enchantaient la vue. Il rentra dans la grande salle où il avait soupé la veille, et vit une petite table où il y avait du chocolat. « Je vous remercie, madame la Fée, dit-il tout haut, d’avoir eu la bonté de penser à mon déjeuner. » Le bon homme, après avoir pris son chocolat, sortit pour aller chercher son cheval ; et comme il passait sous un berceau de roses, il se souvint que la Belle lui en avait demandé une, et cueillit une branche où il y en avait plusieurs. En même temps il entendit un grand bruit, et vit venir à lui une bête si horrible, qu’il fut tout prêt de s’évanouir. « Vous êtes bien ingrat, lui dit la bête d’une voix terrible ; je vous ai sauvé la vie en vous recevant dans mon château, et pour ma peine vous me volez mes roses, que j’aime mieux que toutes choses au monde. Il faut mourir pour réparer cette faute ; je ne vous donne qu’un quart d’heure pour demander pardon à Dieu. » Le marchand se jeta à genoux et dit à la bête, en joignant les mains : « Monseigneur, pardonnez-moi ; je ne croyais pas vous offenser en cueillant une rose pour une de mes filles, qui m’en avait demandé. » « Je ne m’appelle point monseigneur, répondit le monstre, mais la Bête. Je n’aime pas les compliments, moi ; je veux qu’on dise ce que l’on pense ; ainsi ne croyez pas me toucher par vos flatteries. Mais vous m’avez dit que vous aviez des filles, je veux bien vous pardonner, à condition qu’une de vos filles vienne volontairement pour mourir à votre place : ne me raisonnez pas, partez ; et si vos filles refusent de mourir pour vous, jurez que vous reviendrez dans trois mois. » Le bon homme n’avait pas dessein de sacrifier une de ses filles à ce vilain monstre, mais il pensa au moins : « J’aurai le plaisir de les embrasser encore une fois. » Il jura donc de revenir, et la Bête lui dit qu’il pouvait partir quand il voudrait ; « mais, ajouta-t-elle, je ne veux pas que tu t’en ailles les mains vides. Retourne dans la chambre où tu as couché, tu y trouveras un grand coffre vide, tu peux y mettre tout ce qui te plaira, je le ferai porter chez toi. » En même temps la Bête se retira, et le bon homme dit en lui-même : « S’il faut que je meure, j’aurai la consolation de laisser du pain à mes pauvres enfants. » Il retourna dans la chambre où il avait couché, et y ayant trouvé une grande quantité de pièces d’or, il remplit le grand coffre dont la Bête lui avait parlé, le ferma, et ayant repris son cheval, qu’il retrouva dans l’écurie, il sortit de ce palais avec une tristesse égale à la

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joie qu’il avait lorsqu’il y était entré. Son cheval prit de lui-même une des routes de la forêt, et en peu d’heures le bon homme arriva dans sa petite maison. Ses enfants se rassemblèrent autour de lui, mais au lieu d’être sensible à leurs caresses, le marchand se mit à pleurer en les regardant. Il tenait à la main la branche de roses qu’il apportait à la Belle, il la lui donna, et lui dit : « La Belle ; prenez ces roses, elles coûteront bien cher à votre malheureux père », et tout de suite il raconta à sa famille la funeste aventure qui lui était arrivée. À ce récit, ses deux aînées jetèrent de grands cris, et dirent des injures à la Belle, qui ne pleurait point. « Voyez ce que produit l’orgueil de cette petite créature, disaient-elles ; que ne demandait-elle des ajustements comme nous ; mais non, mademoiselle voulait se distinguer ; elle va causer la mort de notre père et elle ne pleure pas. » « Cela serait fort inutile, reprit la Belle ; pourquoi

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