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Civilisation/Musique Encg

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urs été mondiale ?

La musique est présente dans toutes les civilisations passées, ce qu’attestent les instruments et les portraits de musiciens, gravés ou peints, retrouvés sur les lieux de fouilles. Première évidence : les mêmes instruments apparaissent partout, en même temps, dans des fonctions identiques (fêtes, cérémonies, cultes). Dès la préhistoire, on perce des os ou des roseaux pour en faire des flûtes, on pince et on frotte des cordes, on frappe sur des troncs, des calebasses, des coquilles. Même si nous ne savons rien des musiques qui sortaient de ces instruments, l’apparition simultanée des mêmes techniques dans le monde est troublante. L’hypothèse d’une diffusion mondiale des techniques est plausible. Elle se précise dès les premières grandes civilisations du Moyen-Orient. Entre Mésopotamie et Egypte, puis dans tout le bassin méditerranéen, les instruments circulent. De nombreuses fresques, frises et mosaïques représentent les mêmes harpes, cithares, trompettes, flûtes, hautbois doubles, psaltérions. Des liens très anciens entre la Chine et le monde méditerranéen sont avérés par la parenté des instruments utilisés, tandis que subsistent de nombreux mystères sur les échanges musicaux avec l’Afrique subsaharienne et le continent américain de l’époque précolombienne. Mais on peut affirmer que dès que la musique paraît, elle se diffuse dans le monde entier.

Deuxième évidence : la mondialisation de la musique est une affaire politique, non seulement par le prestige symbolique qu’en retirent princes, pharaons ou empereurs, mais aussi parce qu’elle semble indissociable du gouvernement des hommes. Au début de l’ère chrétienne, voyant que chaque peuple adapte de façon fantaisiste la liturgie, Grégoire le Grand (pape de 590 à 604) envoie des missionnaires enseigner le chant d’église aux quatre coins du monde chrétien. Il fonde par la même occasion la notation musicale et le solfège. Désormais, tous les dimanches à heure fixe, dans des églises de plus en plus semblables, construites en croix et orientées vers Jérusalem, le monde chante les mêmes psaumes et litanies. Le chant grégorien construit l’Europe chrétienne. D’autres exemples montrent l’hégémonie des empires dans l’époque historique : la diffusion de l’échelle pentatonique de la musique chinoise dans tous le continent asiatique, les quarts de tons et « arabesques » de la musique persane dans l’aire de conquête de la religion musulmane, etc.

La circulation de la musique n’est pas uniquement spatiale ; elle est également sociale. L’histoire écrite, avant la période contemporaine, rapporte le souvenir des puissants et des grands de ce monde. Les musiques des peuples, comme la plus grande partie de leur histoire, ont disparu. L’archéologie du savoir ethnomusicologique consiste donc souvent à retrouver les traces des musiques populaires à travers les emprunts que leur ont fait les musiques savantes. A l’époque de la Renaissance les branles, gavottes, et contredanses joués à la cour de François 1er sont des danses d’origine populaire. La passacaille, une forme musicale de la période baroque utilisée par Bach ou Haendel vient du pasa calle, passe rue des musiciens occitans lors des fêtes de village. Les nobles s’encanaillent en rejetant les codes musicaux trop stricts de l’église. A l’inverse, à toutes les époques et dans tous les lieux qui autorisent la mobilité sociale, les paysans et artisans enrichis singent l’aristocratie. La réussite sociale de Monsieur Jourdain, le bourgeois gentilhomme de Molière, passe par l’apprentissage du menuet...

L’opéra Carmen de Georges Bizet (1875), représente un sommet de ce que pourrait être la mondialisation musicale à la fin du XIXème siècle. La nouvelle de Prosper Mérimée (1852) met en scène une gitane espagnole, ouvrière dans une usine de tabac de Séville et victime de l’amour qu’elle inspire. Le public fait un accueil enthousiaste à la nouvelle, ce qui incite Georges Bizet à réaliser un opéra inspiré, truffé de références espagnoles et de clichés : toreros, éventails, séguedilles dans une Andalousie de pacotille... Le succès immense que l’opéra remporte en France se poursuit par une tournée mondiale : Carmen est rejoué plus de huit cents fois entre 1890 et 1900 au Brésil, en Russie, en Australie, au Japon, chaque fois traduit dans les langues des pays qui reçoivent la tournée... La partition de Carmen est à la fois une musique savante et populaire qui ne cesse d’être rejouée, transformée, parodiée de toutes les manières. Mais si texte et musique ont été écrits en France pour des élites bourgeoises et aristocratiques friandes d’exotisme, le plus étonnant est leur appropriation par les espagnols. Carmen est devenue une référence artistique majeure en Andalousie. On peut penser qu’elle a participé à l’anoblissement et à la mondialisation de la danse et de la musique flamenco.

Autre exemple : La polka Rosamund, une partition de musique de bal écrite par un musicien tchèque dans les années 1930. Elle connaît un immense succès dans les bals populaires en Europe centrale puis devient un des « tubes » de la seconde guerre mondiale, diffusé aussi bien sur les radios allemande qu’anglaises, américaines ou françaises sous l’occupation. Rosamund disparaît après la guerre, puis réapparaît en France dans les années 1960 avec la chanteuse fantaisiste Annie Cordy qui interprète une « Frida Oumpapa » très « folies bergères ». Les bandas du Sud-Ouest aquitain reprennent le tube lors des fêtes, en particulier lors des premiers festivals de Condom (Gers) à la fin des années 1960, puis dans les stades de rugby que les bandas animent en musique chaque dimanche. L’animateur de télévision Patrick Sébastien, grand amateur de fêtes et de rugby, en fait le générique de son émission « Sébastien c’est fou ». La chanson migre ensuite à Marseille ou elle devient l’hymne des supporters de l’Olympique de Marseille, avec ces paroles inoubliables : « Ce soir on vous met..., ce soir on vous met le feu... ».

La musique populaire est remplie de refrains errants qui suivent les méandres de l’histoire des hommes et de leurs migrations. Les instruments de musique circulent eux aussi. Au XIXème, les progrès de l’industrie permettent de construire des pièces tournées et alésées au millimètre près. La confection de pistons en métal est utile aussi bien pour les machines à vapeurs que pour les trompettes, trombones à pistons, saxhorns et tubas. Des clés, munies de minuscules ressorts métalliques, suppléent aux défaillances des doigts, des lames de cuivres ajustées vibrent au cœur des accordéons et des harmonicas. Le peuple, nouvel acteur historique, s’empare aussitôt de ces découvertes. Les italiens adoptent l’accordéon, issu des manufactures allemandes, et l’on suit sa trace au gré des tribulations de ce peuple de migrants : à Paris, à New York, à Chicago, à Buenos Aires où naîtra le tango.

Les instruments issus de la Révolution industrielle se démocratisent car le peuple s’instruit : on apprend le solfège, nécessaire pour lire la musique des temps modernes que jouent les orchestres d’harmonie. Des instruments comme la guitare ou la batterie deviennent mondiaux. En Europe, la musique s’amplifie pour jouer dans la rue. Des kiosques à musique poussent dans les jardins et les places de la ville moderne, de Berlin à Manaus, de Vienne à La Nouvelle Orléans. La ville du baron Hausmann est le décor des concerts du dimanche donnés par des sociétés orphéoniques populaires qui mélangent les ouvertures de Rossini ou de Weber avec les fox-trots et les bostons sous lesquels perce un nouveau venu : le jazz, un retour d’Amérique. Là-bas une légende est née : les esclaves des Etats du Sud auraient emmené avec eux, dans les cales des navires négriers, les bases d’une révolution musicale faite de rythme, d’improvisation, d’étranges bluenotes. La « musique noire » s’apprête à faire une entrée fracassante dans le XXème siècle.

La « musique noire », un mythe construit par le Nord

Quelle est donc cette « musique noire » qui serait liée à la couleur de la peau ? Le musicologue Philippe Tagg démontre que la seule matérialité tangible de l’expression est la couleur de la peau, le reste n’est que construction. Bluenotes, syncopes, improvisation etc. qui, dans le sens commun, caractérisent la « musique noire » existent dans toutes les musiques populaires et savantes du monde. De plus, ces éléments ne sont pas systématiquement présents dans les musiques populaires des régions du monde où vivent des populations à la peau noire ou foncée (régions d’Afrique, mais aussi d’Inde et d’Océanie). Enfin, de nombreux musiciens à la peau noire ne jouent-ils pas aussi de la musique classique ou populaire européenne ?

La « musique noire » serait-elle une musique caractéristique des Afran-Americans ? Une expression artistique typiquement africaine (la percussion, la danse, la transe) transportée dans les cales des navires négriers se serait maintenue intacte dans les champs de coton, dans le Sud des Etats-Unis d’Amérique, puis se serait adaptée et métissée avec d’autres formes de culture européenne populaire, elles-mêmes apportées par des migrants de toute l’Europe. Mais quelle documentation avons-nous sur les musiques africaines importées par ceux et celles qui devenaient des esclaves ? Les esclaves originaires de l’actuel Sénégal avaient-ils la même expression artistique que ceux provenant du royaume du Dahomey ? A l’inverse, dans les formes initiales du jazz que le récit

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